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Une "nouvelle sorte de piqûre de moustique" provoquant une grave infection pouvant mener à la mort aurait été découverte ces derniers jours, selon un témoignage partagé plusieurs centaines de milliers de fois sur Facebook en juin. C'est trompeur: ce témoignage, traduit de l'anglais, a été publié pour la première fois en 2017 et ne mentionnait alors pas de risque de décès. Rien de tel n'a été découvert récemment en Belgique ni en France, selon plusieurs entomologistes interrogés par l'AFP. "Une jeune fille a été piquée par un moustique hier, rien d’anormal jusqu'à ce qu’elle remarque que son genou était enflé, rouge et brûlant..", écrit l'auteur de ce témoignage relayé par un internaute belge et partagé 419 000 fois depuis le 20 juin sur Facebook. La jeune fille, décrite comme "somnolente" à la suite de cette piqûre, est "emmenée aux urgences où ils ont découvert qu'il y avait une nouvelle sorte de piqûre de moustique qui provoque une infection grave", affirme le texte. "Si ils avaient attendu un peu plus longtemps, l’affection aurait atteint son sang et causé sa mort…", assure l'auteur de la publication, qui partage la photo du genou enflé de la jeune fille. Capture d'écran faite le 08/07/2021 sur FacebookCe témoignage a également été partagé plusieurs milliers de fois en France et au Canada. Cette histoire date en réalité de 2017, pas de juin 2021, et avait été publiée sur Facebook par une mère américaine, dont la fille avait dû se rendre à l'hôpital à la suite, selon elle, d'une infection due à une piqûre de moustique. Le témoignage original ne faisait état d'aucun risque mortel. Aucune "nouvelle sorte de piqûre de moustique" pouvant mener à la mort n'a été repérée en Belgique et en France récemment et les hospitalisations dues à de telles piqûres restent extrêmement rares, ont expliqué des entomologistes à l'AFP.Une histoire datant de 2017 En faisant une recherche inversée d'image sur Google (voir ici comment faire), on retrouve rapidement l'origine de cette photo. Elle a été utilisée pour la première fois dans une publication Facebook datée du 16 mars 2017. L'auteure, une mère américaine, affirmait que sa fille, piquée par un moustique, avait vu son genou devenir douloureux et enflé puis aurait souffert de somnolence. Inquiète, elle l'avait donc emmenée à l'hôpital où, racontait-elle, elle aurait découvert un "nouveau type de piqûre de moustique qui provoque une infection". Dans son témoignage, elle précisait : "Si nous avions attendu plus longtemps, elle (l'infection) aurait été dans son sang". En revanche, elle ne faisait aucune référence à un risque de décès, contrairement à ce qu'affirment les publications en français. Dans les commentaires, elle indiquait que sa fille avait été traitée avec des antibiotiques. Capture d'écran faite le 08/07/2021 sur Facebook Cette publication a été partagée plus de trois millions de fois en quatre ans. Aucun nouveau type de piqûre mortelle en France et en BelgiqueInterrogée le 7 juillet 2021 à propos de ces publications, Sylvie Manguin, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement et entomologiste médicale à l'université de Montpellier, a confirmé à l'AFP n'avoir entendu parler d'aucun nouveau type de piqûre de moustique pouvant mener à de graves infections. "L'espèce invasive en France depuis 2004 est le moustique tigre, présent dans 58 départements", a-t-elle expliqué. Si sa piqûre n'est pas dangereuse dans la majorité des cas, "il peut transmettre la dengue ou le chikungunya s'il a auparavant piqué des personnes infectées". En novembre 2020, l'agence sanitaire Santé publique France avait en effet averti les médecins de la possibilité que des personnes n'ayant pas voyagé soient infectés en France métropolitaine par ces deux maladies exotiques ou le virus Zika. "Une sensibilisation des voyageurs est indispensable pour qu'ils se protègent contre les piqûres de moustiques dans les zones de circulation et pour qu'au retour de ces zones, ils (...) consultent un médecin le plus rapidement possible s'ils présentent des signes évocateurs", avait préconisé l'agence sanitaire. La dengue et le chikungunya, deux maladies la plupart du temps sans gravité et aux traitements symptomatiques, peuvent dans certains cas mener à des complications. Ainsi, si la dengue dite "classique" se traduit par des symptômes grippaux, la dengue dite "sévère" ou "hémorragique" est beaucoup plus grave et est devenue "une cause majeure d’hospitalisation et de mortalité pour les enfants et les adultes" en Asie et en Amérique latine, écrit l'Organisation mondiale de la Santé sur son site.Dans le cas de la photographie accompagnant les publications, il ne semble s'agir d'aucune de ces deux maladies, selon Sylvie Manguin : "ça ressemble plutôt à une allergie, forte, qui affaiblit. Ca peut aussi être une piqûre qui s'est surinfectée, à force de se gratter avec des ongles sales, sous lesquels peuvent se cacher des bactéries". Certaines personnes, sujettes aux surréactions inflammatoires, peuvent également voir leurs piqûres de moustique enfler. Mais les cas de piqûre de moustiques pouvant mener à l'hôpital sont "très rares" en France, assure Sylvie Manguin, "je n'en ai jamais entendu parler". L'entomologiste évoque une possibilité de piqûre d'un autre insecte, comme une guêpe, qui peut provoquer un œdème de Quincke chez les personnes allergiques. Il n'y a pas non plus de "nouvelle sorte de piqûre" dangereuse en Belgique, a expliqué à l'AFP Wim Van Bortel, entomologiste à l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers (ITM) : "Lors du dernier contrôle, trois moustiques exotiques ont été trouvés en Belgique. Les espèces Aedes koreicus (venue de Corée) et Aedes japonicus (venue du Japon) sont présentes en Belgique, mais ne causent aucune nuisance. Le moustique tigre est régulièrement repéré mais n'a pas encore réussi à s'établir". Isabel Brosius, consultante en maladies infectieuses à l'ITM, a également confirmé qu'une hospitalisation en raison d'une piqûre de moustique est "extrêmement rare". "Certaines personnes sont plus sensibles à la salive de certaines espèces de moustiques", explique-t-elle, "l'ampleur de la réaction dépend à la fois de la personne et du moustique. Il est faux de dire qu'il existe une espèce particulière de moustique qui provoque invariablement des gonflements très prononcés chez tout le monde". Afin d'éviter les risques d'infection, Isabel Brosius conseille d'essayer de se gratter le moins possible : "Si vous grattez une plaie, il est préférable de la désinfecter dès que possible". "Si un gonflement se produit dans les heures qui suivent la piqûre, il est préférable de mettre de la glace. Cela permet de calmer la réaction de la peau. En complément, ou si aucune glace n'est disponible, vous pouvez prendre un antihistaminique (une pilule antiallergique)". En revanche, si un gonflement apparaît dans les jours qui suivent et est douloureux, il peut s'agit d'une infection. Dans ce cas-là, consultez votre médecin, conseille Isabel Brosius.
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