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Une publication, partagée près de 19 000 fois depuis le 5 février, prétend que le projet de loi contre le "séparatisme", débattu depuis le 1er février à l'Assemblée nationale, prévoirait une "amende" de "1500 euros" pour les personnes portant le voile "en public". C'est faux : le ministère de l'Intérieur dément cette rumeur, et ce texte ne fait jamais allusion au voile. Si une série d'amendements déposés par Les Républicains visait à interdire le port de signes religieux dans les universités et pour les accompagnatrices scolaires, ceux-ci ont été rejetés. "Amende à 1500€ si tu portes ton voiles en public, si la loi passe. Contre 135€ d’amandes si tu met pas ton masques qui résulte quand même d’une ÉPIDÉMIE MONDIALE QUI TUE DES MILLIERS DE GENS CHAQUE JOURS [SIC]", avance un tweet partagé le 5 février et qui a cumulé 19 000 retweets en moins de 24 heures. Ce message a depuis été supprimé, mais reste visible sur un lien archivé du site Waybackmachine. Capture d'écran réalisée sur Twitter le 08/02/2021Sur TikTok et Instagram, des publications très similaires ont continué d'être publiées, suscitant l'indignation de certains internautes en commentaire. Capture d'écran prise sur TikTok le 08/02/2021Ces publications citent comme source une série de neuf images, créées par le média associatif Meufer et mises en ligne le 4 février avec un article relatif au projet de loi contre le séparatisme. "Likés" plus de 38 000 fois sur Instagram, ces visuels expliquent que "si la loi "anti-séparatisme" est votée, ça veut dire port du voile interdit", et assurent que cela conduirait à "un risque d’amende de 1500 euros si non respect". Capture d'écran réalisée sur Instagram le 09/02/2021La "loi" à laquelle font référence ces visuels est le projet de loi n°3649 "confortant le respect des principes de la République", plus communément appelé "loi séparatisme". Ce texte, débattu depuis le 1er février à l’Assemblée nationale, vise à instaurer des mesures de contrôles contre l'islamisme radical.Mais contrairement à ce que laissent entendre ces publication, le projet de loi, consultable en ligne, ne prévoit pas d’imposer une "amende" de 1500 euros aux personnes qui porteraient "le voile en public". Comme l’ont déjà vérifié nos collègues de LCI et franceinfo, aucun des 51 articles du texte ne comporte le mot "voile" ou des formulations y faisant référence indirectement comme "neutralité religieuse". Le ministère de l'Intérieur et le Comité interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR) ont démenti cette rumeur le 7 février, assurant que si des débats sur le voile ont eu lieu à l'Assemblée, ceux-ci concernaient des amendements qui ont été déposés. #FakeNews ❌NON, le #PJLPrincipesRepublicains ne prévoit pas d'amende de 1500€ pour le port du voile dans l'espace public, ni son interdiction. Lors de l'examen du texte en commission spéciale à l'@AssembleeNat, des amendements ont été déposés, mais ils ont été rejetés. pic.twitter.com/xT8Mqz4i10 — Ministère de l'Intérieur (@Interieur_Gouv) February 7, 2021Des amendements rejetésSur les 1 860 amendements déposés concernant le projet de loi "séparatisme", plusieurs, déposés par Les Républicains dans le cadre de l'article 1er du texte consacré à la neutralité du service public, portaient ainsi sur l'interdiction du port du voile.Les députés Eric Ciotti et Annie Genevard ont par exemple demandé d'interdire le port du voile à l'université et pour les accompagnatrices scolaires, deux sujets qui, selon eux, ne sont pas pris en compte dans la loi de 2004 interdisant le port des signes religieux ostentatoires à l'école. Mais les arguments de la droite ont reçu une fin de non-recevoir de la part des autres groupes politiques.Avant-même l'examen du projet de loi, la commission spéciale avait également retoqué un amendement de la députée LREM Aurore Bergé, visant à interdire le voile aux fillettes.Projet de loi confortant les principes républicains : la République doit protéger tous ses enfants. Notre communiqué avec @moreaujb23 suite au dépôt de nos amendements pour protéger les petites filles de l'obligation de port du voile. pic.twitter.com/N2Z5SlcmQm — Aurore Bergé (@auroreberge) January 17, 2021"Rien ne prévoit l'interdiction du voile dans la loi confortant les principes de la République, car ce serait absolument contraire aux droits et libertés et sur le plan légistique, c'est-à-dire lors de la rédaction même de la loi", rappelle Pierre Juston, doctorant en droit public et spécialiste des questions de laïcité. "En effet, on ne peut pas viser une religion et proscrire une tenue ou un signe religieux en particulier", ajoute-t-il.Ces visuels assurent par ailleurs que l'adoption de cette loi signerait par la même occasion la fin de "l'écriture inclusive", des "repas confessionnels" dans les écoles publiques ou encore des "produits issus de l'abattage rituel" dans plusieurs établissements. Capture d'écran réalisée sur Instagram le 09/02/2021Mais le média associatif se base, là encore, sur des amendemements qui ont tous été retoqués. Contactée par l'AFP le 9 février, Mathilde, l'autrice des visuels de Meufer à l'origine de cette fausse information, assure que son article et les images l'accompagnant ont été rédigés, "avant que ces amendements soient rejetés", pour "alerter sur le projet de loi et les amendements qu’il y avait autour qui cristallisent les tensions". Elle précise "attendre le dernier avis de la commission pour sortir un nouvel article sur ce qui a été gardé". Le média associatif a également publié un communiqué le 9 février reconnaissant avoir "manqué de clarté" dans ses posts Instagram, mais les images trompeuses sont, pour le moment, encore accessibles en ligne. Que prévoit réellement ce texte? Encore en cours d'examen, le projet de loi "séparatisme" a pour objectif de "donner des outils supplémentaires à nos forces de sécurité, à notre système judiciaire" pour lutter contre l’islamisme radical, avait expliqué Gabriel Attal le 31 janvier sur BFM TV. Concrètement, ce projet de loi prévoit une batterie de mesures souvent "techniques" sur la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne, l'instruction en famille, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence des cultes et de leur financement, et encore la lutte contre les certificats de virginité, la polygamie ou les mariages forcés. Ce texte suscite de vifs débats car il est accusé, notamment par la France Insoumise, de "stigmatisation à l'égard des musulmans"."Une bonne partie du débat a été détournée avec des débats interminables sur le voile alors que ce n'est pas du tout l'objet du texte", regrette auprès de l'AFP le député LREM François Cormier-Bouligeon. Pour l'élu, "une partie de l'hémicycle est focalisée sur le voile parce qu'ils veulent en faire une cible" alors que ce texte traduirait "au contraire la volonté de faire un travail de lutte contre les discriminations sans faire de distinction de croyance, d'idée politique, philosophique ou de couleur de peau". L'Assemblée nationale a déjà donné son feu vert au nouveau délit de "séparatisme", l'une des mesures phares du projet de loi prévoyant de punir de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende toute personne menaçant, violentant ou intimidant un élu ou un agent du service public. Les députés ont également approuvé le 8 février une série de mesures pour interdire les certificats de virginité, durcir la lutte contre la polygamie et élargir les motifs de dissolution des associations accusées de troubler gravement l'ordre public ou porter atteinte à des droits et libertés fondamentaux.Mais ce projet de loi suscite de nombreuses critiques. La France Insoumise, hostile à l'ensemble du projet de loi, a dénoncé une "attaque sans précédent contre la liberté associative". Différents responsables religieux redoutent par ailleurs que ce texte n'instaure "un régime de méfiance", "une approche par la surveillance" qui "commence à grignoter de la liberté de culte". La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a de son côté dénoncé une "reculade politique" et une "occasion loupée" face à "l'hydre islamiste qui s'infiltre partout".Les débats vont se poursuivre jusqu'au au 16 février, date du vote solennel du projet de loi par l'Assemblée nationale.
(fr)
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