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Plusieurs médias et sites en ligne font état d'une liste de prénoms insolites qui auraient été "refusés" par l'état civil en 2021, et affirment qu'elle a été établie par l'Insee. C'est toutefois inexact: l'Institut national de la statistique n'a jamais publié une telle liste, dont l'existence même est sujette à caution puisqu'aucun organisme en France ne compile les prénoms retoqués par l'état civil. "Lucifer", "Nutella" ou encore "Clafoutis": depuis quelques jours , une liste de "prénoms" insolites qui auraient été refusés par l'état civil en 2021 circule sur les réseaux sociaux et apparaît aussi dans des articles en ligne de médias traditionnels, come Cnews, Midi Libre ou Elle magazine.Plusieurs de ces publications affirment par ailleurs que cette liste a été établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). C'est notamment le cas d'un post Facebook très viral, qui a été partagé près de 2.000 fois depuis le 16 février, suscitant un mélange de réactions outrées et incrédules. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 22 février 2022 ( AFP / )Ces publications sont toutefois fondées sur une infox : l'Insee, qui publie chaque année un classement des prénoms les plus usités, a fait savoir le 21 février à l'AFP qu'il ne répertorie en aucune façon ceux retoqués par l'état civil, qui ne font par l'ailleurs l'objet d'aucun recensement officiel.Les prénoms insolites apparaissant dans cette fameuse "liste" de 2021 renvoient d'ailleurs à des litiges qui ont été tranchés par la justice il y a plusieurs années.La liste qui n'existait pas Chaque année, l’Insee élabore bien le répertoire national d’identification des personnes physiques, qui recense au fur et à mesure le prénom, nom, date de naissance et sexe des nouveaux nés. Ce répertoire, qui a pour objectif principal d’attribuer un numéro de sécurité sociale, est alimenté par les mairies. "Chaque jour, on reçoit des actes de naissance et de décès de toutes les communes de France qui permettent d’ajouter de nouvelles personnes et d’indiquer que d’autres sont décédées", a expliqué à l’AFP Lionel Espinasse, responsable à l'Insee de ce répertoire national.A partir de ce répertoire, l’Insee publie le palmarès des prénoms les plus donnés en France l'année passée. En 2020, Jade, Louise et Emma formaient le trio de tête chez les filles ; Léo, Gabriel et Raphaël chez les garçons. "Nos informations se basent sur des données officielles", précise Lionel Espinasse. "On récupère les prénoms qui ont déjà été validés par l’état civil, pas ceux qui ont été refusés, dont nous n'avons d'ailleurs pas connaissance", ajoute-t-il.En réalité, en France, seule une décision de justice permet d'avoir connaissance d'un refus officiel d'un prénom. L’article 57 du code civil dispose que l’officier d’état civil peut avertir le procureur de la république s’il estime le prénom contraire à l’intérêt de l’enfant. Celui-ci peut ensuite alerter le juge des affaires familiales qui peut ordonner la suppression du prénom sur les registres d’état civil. Sa décision peut alors être contestée en appel."La seule trace officielle serait un vrai contentieux judiciaire où le juge tranche et donne raison à l'état civil ou aux parents", conclut ainsi Lionel Espinasse.Organisme totalement informel, l'autoproclamée "Ligue des officiers d'état civil", qui compile sur un ton léger des histoires de prénoms, a convenu sur son site que cette "liste" relevait de la simple rumeur. Une infox à l'origine incertaineD'où vient alors cette fausse liste qui circulé dans autant de médias ? Contactés par l’Insee, certains ont supprimé leur article, d'autres, uniquement la mention de la source, mais l'origine de cette infox reste incertaine.Elle pourrait être inspirée du site de divertissement Topito qui a publié le 29 janvier un "Top des prénoms refusés par l’État Civil" mentionnant l'ensemble des prénoms recensés dans la "fausse liste". Mais le site ne mentionne pas l'Insee pas plus qu'il ne fait référence à l'année 2021. Un nouveau né à la maternité de Lens en septembre 2013 ( AFP / PHILIPPE HUGUEN)Plusieurs prénoms mentionnés sur la "liste" renvoient, eux, à des contentieux bien réels mais plus anciensIl en est ainsi de "Titeuf", inspiré de la bande dessinée de Philippe Chapuis. C'est en 2009 que l’état civil s'était opposé à ce choix de parents qui s'étaient lancés dans un combat judiciaire jusqu’à la Cour de cassation. Après un ultime refus, les parents avaient été contraints d’opter pour le deuxième prénom de leur enfant, Grégory. Le contentieux autour du prénom "MJ", également mentionné dans la liste, remonte, lui, à 2010. Cette fois-ci, des parents souhaitaient rendre hommage au chanteur Michael Jackson, mort l’année précédente. La Cour d’appel d’Amiens s'y est opposée, jugeant que ce prénom risquait de porter "préjudice à l’enfant". Sur le même principe, le tribunal de Valenciennes a préféré renommer "Ella" une petite fille née en 2014 que les parents avaient appelée "Nutella" à la naissance.23 février 2022 Merci de noter au cinquième paragraphe que l'Insee élabore le répertoire national d'identification des personnes physiques mais ne le publie pas, comme indiqué par erreur. Revoici version corrigée
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