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Des publications, partagées plusieurs milliers de fois, sur les réseaux sociaux affirment que le vaccin Pfizer contre le Covid-19 pourrait entraîner une infertilité chez les femmes. Mais plusieurs scientifiques ont expliqué à l'AFP que cette hypothèse était à ce jour scientifiquement infondée et même quasiment impossible. "L'ancien responsable de la recherche respiratoire chez Pfizer, le Dr Yeadon, et le spécialiste des poumons et ancien chef du service de SP, le Dr Wodarg, ont déposé une pétition auprès de l'AEM pour avertir que les vaccins COVID peuvent provoquer une STÉRILITÉ féminine"."Les anticorps produits par le vaccin COVID pourraient rendre les femmes infertiles en attaquant une protéine nécessaire à la formation d'un placenta", affirment diverses publications en anglais et en français.Le placenta est l'organe qui permet les échanges entre le foetus et la mère. Il se forme durant la grossesse et est expulsé au moment de l'accouchement. Des affirmations similaires circulent également en allemand et en portugais. Les publications mentionnent notamment Michael Yeadon, ancien chercheur chez Pfizer, qui, selon son profil LinkedIn, a quitté l'entreprise en 2011, après y avoir travaillé sur les allergies et la recherche respiratoire. Les publications affirment que l'un des vaccins contre le Sars-Cov-2, virus à l'origine du Covid-19, peut pousser le système immunitaire à attaquer une protéine impliquée dans le développement du placenta, la syncytine-1, conduisant ainsi à une infertilité chez les femmes.Selon cette théorie, parce que le vaccin apprend à l'organisme à combattre une protéine du virus (la protéine S, aussi appelée "de pointe, "spicule", ou encore "spike" en anglais) en produisant des anticorps, ceux-ci pourraient attaquer aussi la syncytine-1 parce qu'elle ressemble à la protéine S du Sars-CoV-2.Elle provient de ce texte, daté du 1er décembre, archivé ici, signé de Michael Yeadon et d'un certain Wolfgang Wodarg, présenté comme médecin. Long de 43 pages, le texte est adressé à l'Agence européenne du médicament, l'AEM (connue surtout sous son acronyme en anglais, EMA) et entend lister les incertitudes et dangers potentiels liés, selon ses auteurs, au vaccin de Pfizer/BioNTech.Ce vaccin a reçu le feu vert des autorités sanitaires de plusieurs pays. Il a commencé à être administré le 8 décembre au Royaume-Uni tandis que les Etats-Unis doivent entamer la vaccination le 14 décembre.Dans le passage reproduit ci-dessous, est évoquée la question de la protéine syncytine-1. Capture d'écran d'un extrait de la lettre à l'EMAOn peut noter que le texte précise de lui-même qu'il "n'y a pas d'indication" allant dans le sens d'anticorps anti-protéine S "qui agirait aussi comme anticorps anti Syncytine-1".Il poursuit : "cependant, si cela devait être le cas, cela empêcherait aussi la formation d'un placenta, ce qui aurait pour résultat de rendre les femmes vaccinées infertiles".On voit donc, d'emblée, qu'il ne s'agit que d'une simple supposition.Une théorie que rien ne vient étayer à ce jour et qui est même plus qu'improbable, ont expliqué plusieurs spécialistes à l'AFP.Comme tous les vaccins, celui de Pfizer a pour but d'apprendre à l'organisme à reconnaître le virus Sars-CoV-2 pour le combattre grâce à des anticorps. L'idée est de "mimer" une vraie infection mais avec une molécule inoffensive. La spécificité de ce vaccin est d'utiliser la technique dite de l'ARN messager. "Le vaccin à ARNm apporte à l'organisme un élément qui indique aux cellules humaines comment synthétiser une protéine", la protéine S, qui, en formant une pointe à la surface du Sars-CoV-2 permet de pénétrer la cellule et de l'infecter, explique Dansantila Golemi-Kotra, professeure associée de microbiologie, à l'Université de York au Canada, par mail à l'AFP. Concrètement, on injecte une molécule d'ARN dit messager qui va "demander" à nos cellules de fabriquer cette protéine S, inoffensive en tant que telle.En la reconnaissant, l'organisme va déclencher une réponse immunitaire et produire des anticorps capables de neutraliser le Sars-CoV-2 s'il venait à nous infecter. Ces anticorps pourraient-ils "se tromper" et attaquer un autre type de protéine qui lui ressemblerait ? "L'inquiétude sur la possibilité que les anticorps ciblant ces protéines [S, NDLR] puissent attaquer la protéine syncytine-1 du placenta, parce que la protéine de pointe du nouveau coronavirus partage avec elle une très courte séquence d'acides aminés, est très faible", toujours selon Dansantila Golemi-Kotra. L'identification de la protéine S par l'organisme "est rarement cantonée à une seule courte séquence d'acides aminés", explique la scientifique.Sanjay Mishra, chargé d'étude à l'Université Vanderbilt de Nashville, aux Etats-Unis, abonde : "un grand nombre d'études ont montré qu'une infection au Sars-Cov-2 entraîne la production d'anticorps contre la protéine de pointe virale. Ainsi, on peut légitimement s'attendre à ce qu'une vaccination induisant la production de la protéine virale va également diriger les anticorps contre cette protéine de pointe virale et rien d'autre". Ce n'est pas tout, dit encore Frédéric Altare, spécialiste de l'immunité et directeur de recherche à l'Inserm, en France, dans un entretien téléphonique avec l'AFP le 14 décembre.Même si des séquences sont communes entre les deux protéines, "ces séquences se réorganisent dans les protéines (...) pour donner une sorte de forme en trois dimensions. C'est cette forme qui est reconnue par les anticorps", explique-t-il."Dans l’état actuel des connaissances, il n’ y a pas de ressemblance suffisante -et il y a très peu de chances qu’il y en ait une- entre la protéine syncytine-1 et la 'spike''', estime encore M. Altare, qui note que les auteurs de cette théorie "n'avancent aucune démonstration qui montrerait que les anticorps anti-spike ciblent aussi la syncytine-1"."Quand bien même ce serait le cas, comme les anticorps ont une durée de vie limitée, toute action serait transitoire", excluant l'idée d'une infertilité durable, dit-il encore.Enfin, souligne Annette Beck-Sickinger, professeur à l'Université de Leipzig en Allemagne, "si l'argument concernant la syncytine était vrai, chaque femme infectée par le virus serait par conséquent devenue stérile, mais ce n'est pas le cas".Les personnes infectées par le Sars-Cov-2 "ont toutes produit des anticorps anti-spike et il n'y a aucune remontée indiquant que ça ait empêché les femmes de tomber enceinte", abonde Frédéric Altare."Si ca ne se produit pas naturellement avec le virus, il n'y a pas de raison que ça le fasse avec autre chose", insiste le spécialiste."Il a été suggéré que les vaccins anti-Covid allaient causer une infertilité à cause d'une courte séquence d'acides aminés dans la protéine de pointe du Sars-CoV-2, commune à la protéine syncytine-1. Mais cette séquence est trop courte--4 acides aminés en commun--pour risquer de manière plausible de générer une réaction auto-immune", a affirmé pour sa part Dervila Keane, porte-parole de Pfizer."Il n'y a aucune donnée suggérant que le candidat-vaccin Pfizer/BioNTech cause une stérilité", a-t-elle poursuivi.Plus de 140 pages de données (1 et 2) ont été rendues publiques le 8 décembre par Pfizer et la FDA, l'agence américaine du médicament, détaillant les observations tirées des essais cliniques du vaccin. Le 10, ces résultats ont été publiés dans la revue médicale New England Journal of Medicine.
(fr)
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