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Des publications, relayées sur les réseaux sociaux des milliers de fois et depuis des années, affirment que "le corps humain ne peut supporter que 45 unités de douleur", mais qu'au moment de l'accouchement, une femme atteint "57 unités de douleur", ce qui équivaudrait à "briser 20 os à la fois". En réalité, si l'accouchement est souvent associé à une douleur ressentie très intense, la douleur ne peut pas se mesurer en "unités", ont expliqué à l'AFP plusieurs médecins, qui rappellent qu'elle est subjective."Le corps humain ne peut supporter que 45 unités de douleur, mais au moment de l'accouchement, une femme a un maximum de 57 unités de douleur, ce qui équivaut à briser 20 os à la fois", écrit l'auteur de cette publication, partagée plus de 2 100 fois depuis le 26 avril 2022. Le post est accompagné de la photo d'un nouveau-né. Capture d'écran réalisée le 29/06/2022 sur FacebookCe texte, relayé depuis au moins 2014 en français sur Facebook, a également été partagé sur Linkedin, Twitter et Instagram. Il circule également en anglais, en portugais, en grec, en bulgare, en allemand, parfois depuis plusieurs années, et a été vérifié par l'AFP en espagnol fin juin 2022.L'AFP a interrogé plusieurs gynécologues-obstétriciens et anesthésistes à propos de ce texte. Si tous reconnaissent que la douleur liée à un accouchement est l'une des plus importantes qui existe, ils rappellent également que celle-ci est subjective, dépend de multiples facteurs et ne se mesure pas en unités arbitraires.La douleur est subjective "Il est fantaisiste de parler 'd'unités de douleur'", a déclaré à l'AFP Dominique Truan, gynécologue-obstétricienne à l'Université du Chili, dans l'article de vérification en espagnol déjà cité. "La douleur est trop subjective, trop personnelle, trop contextuelle", souligne-t-elle."La douleur est extrêmement subjective. Elle dépend de notre perception du corps, de notre capacité à endurer. L'état psychologique joue énormément - ça interfère dans énormément de domaines", estime également Philippe Goffard, chef de clinique adjoint au service d'anesthésie-réanimation du CHU Saint-Pierre, interrogé par l'AFP le 27 juin 2022. Il rappelle toutefois que "la douleur de l'accouchement rentre dans la catégorie des douleurs les plus intenses". Le concept d"unités de douleur" ne provient pas non plus d'un domaine médical autre que l'obstétrique, a expliqué Luis Miguel Torres, président de la Société espagnole multidisciplinaire de la douleur: ce terme "n'existe ni dans le domaine clinique ni dans celui de la recherche", "il s'agit de l'invention de quelqu'un, qui n'a aucun fondement, aucune base scientifique".Bien qu'elle ne puisse pas être mesurée en unités, la douleur de l'accouchement "est une douleur considérée en médecine comme 'élevée', un peu comme un calcul rénal très intense", a ajouté Dominique Truan. Luis Miguel Torres a également comparé la douleur liée à l'accouchement à celle ressentie par un patient souffrant de calculs rénaux, néphrétiques ou biliaires, tout en rappelant que la douleur de l'accouchement reste "très spécifique en raison de ses caractéristiques et de sa durée". "Vous ne pouvez l'expliquer à personne. Il est difficile de la comparer à tout autre type de douleur", a-t-il ajouté.Ce que l'on ressent lors d'un accouchement "dépend aussi de l'accompagnement et de la préparation avant l'accouchement, surtout s'il n'y a pas d'analgésie", a ajouté Mario Sebastiani, obstétricien à l'Hôpital Italien de Buenos Aires, interrogé par l'AFP.Des échelles de 1 à 10 Les spécialistes interrogés ont tous confirmé ne pas savoir à quoi correspondent les chiffres évoqués dans les publications que nous vérifions. Mais cela ne signifie pas que les médecins n'évaluent pas la douleur des patientes au moment de leur accouchement."L'intérêt de l'évaluation de la douleur, c'est de l'objectiver afin de pouvoir adopter un traitement adéquat. En fonction du seuil de douleur, qui peut être différent pour chaque personne, on donne le meilleur traitement possible", a expliqué Philippe Goffard. "Certaines patientes supportent très bien l'accouchement sans analgésie et sans péridurale, tandis que d'autres ont besoin dès le départ d'une aide médicale", a-t-il ajouté."Nous, et surtout les anesthésistes, pouvons mesurer la douleur pendant le travail et l’accouchement. Nous avons l’habitude d’employer une échelle de 1 à 10", a expliqué à l'AFP le 27 juin 2022 Pierre Bernard, président du Collège royal des gynécologues-obstétriciens de langue française de Belgique (CRGOLFB). Il existe deux principales échelles simples d'évaluation de la douleur, utilisées par les spécialistes et présentées dans ce document de la Haute autorité de santé (HAS).L'échelle visuelle analogique (EVA) et l'échelle numérique (EN) reposent sur le même principe, consistant à demander au patient de mesurer sa douleur sur une échelle de 1 à 10 (ou plus rarement, de 10 à 100), 10 étant le niveau maximal de douleur. La première s'appuie sur un support visuel pouvant permettre au patient de mieux évaluer sa douleur, comme le montre ce document du CHRU de Montpellier ou ces exemples sur le site de la Société française d'étude et de traitement de la douleur. Echelle visuelle analogique utilisée pour évaluer la douleur chez un adulte. Capture d'écran réalisée sur le site de la Société française d'étude et de traitement de la douleur le 28/06/2022Il existe également des outils permettant de mesurer la douleur dans sa dimension pluridimensionnelle. Ainsi, deux chercheurs de l'université de McGill, au Canada, ont développé en 1971 le "McGill Pain Questionnaire" - ou Questionnaire de l'université de McGill. Comprenant une vingtaine de questions avec des mots précis à cocher en fonction de la douleur ressentie, ce questionnaire a notamment permis à Ronald Melzack, l'un de ses inventeurs, de réaliser en 1984 une échelle de comparaison de différentes douleurs, y compris la douleur ressentie lors d'un accouchement. Un équivalent du McGill questionnaire existe en français: il s'agit du "Questionnaire Douleur St-Antoine". Néanmoins, il reste très difficile de comparer différentes douleurs, en particulier celles liées à l'accouchement."Rien à voir avec les fractures"Yoana Stancheva, sage femme et cofondatrice de Zebra, le premier cabinet privé de sages-femmes en Bulgarie, a ainsi déclaré à l'AFP le 28 juin 2022 : "les sensations ressenties pendant l'accouchement n'ont rien à voir avec les fractures. Pour beaucoup de femmes, l'accouchement normal est vécu comme une expérience intense et dure. Pour d'autres, il est doux, rapide et supportable. Mais dans les deux cas, il n'y a pas de sensation ressemblant à des fractures osseuses ou à une autre pathologie. Au contraire: plus la sensation est intense, plus le corps fonctionne correctement et comme prévu. La douleur pendant l'accouchement est un signe de progression dans le processus normal et n'est pas comparable à une quelconque pathologie". "Au-delà de la comparaison farfelue avec les os brisés, il reste que la douleur liée à l’accouchement est une des plus importantes qui existe et que c’est le rôle et le devoir des professionnels de soins périnataux - gynéco-obstétricie(ne)s, sages-femmes – avec la collaboration des anesthésistes, de proposer et de rendre disponibles les moyens nécessaires pour lutter contre ces douleurs, parmi lesquels se retrouve évidemment la péridurale", a conclu Pierre Bernard. 29 juin 2022 Ajoute le floutage de l'enfant sur la photo d'illustration utilisée par la publication Facebook
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