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Des publications partagées plus de 800 fois sur Facebook depuis le 21 mars affirment montrer une vidéo de policiers italiens en train d'enlever leur casque anti-émeutes, samedi 20 mars, à Turin en Italie, en solidarité avec des manifestants opposés aux restrictions sanitaires prises pour affronter l'épidémie de Covid-19. En réalité, ces images sont beaucoup plus anciennes et filmées dans un contexte complètement différent. L'AFP les a retrouvées sur plusieurs sites de la presse italienne en date du 10 décembre 2013 quand des policiers avaient retiré leur casque, à la fin d'un rassemblement contre la politique d'austérité du gouvernement de l'époque.La vidéo publiée sur la page Facebook du site Etiknews qui se présente comme un média indépendant a été reprise par plusieurs publications ici et ici, en l'assortissant de nombreux commentaires d'internautes qui se réjouissent de, ce qu'ils interprètent, comme un geste de solidarité des forces de l'ordre (FDO) italiennes avec des manifestants "pro-démocratiques" et "anti-décisions liberticides". capture d'écran d'une publication Facebook en date du 22 mars L'action décrite dans cette vidéo de 0,45 secondes se déroule effectivement, dans le centre de Turin en Italie, mais pas le samedi 20 mars 2021, ou 2020 comme l'écrit la publication.En procédant à une recherche sur Google Images des uniformes portés par les policiers et leurs casques anti-émeutes à la couleur bleue très caractéristique, l'AFP Factuel a retrouvé des images, remontant à décembre 2013, qui montrent exactement les mêmes policiers, mais sous deux angles de vue différents. capture d'écran vidéo publiée sur Facebook le 21 mars Capture d'écran recherche google du 22 marsEn cliquant sur la photo du haut à droite sur Google où l'on reconnaît quatre policiers identiques à ceux de la vidéo, on tombe directement sur un article du quotidien italien La Stampa, basé à Turin, qui date du 10 décembre 2013. Ce journal national raconte, dans un article de ses pages d'informations locales, comment des policiers ont oté leur casque à la fin d'une manifestation la veille et qu'ils ont été applaudis par la foule aux cris de "bravi, bravi" ("c'est super, bravo !").Une manifestation du mouvement des "Fourches"Il s'agissait d'une manifestation du mouvement dit des "Forconi" ("fourches"), une organisation hétérogène fondée en Sicile en 2011 initialement par des agriculteurs et éleveurs, pour protester contre les mesures d'austérité du gouvernement de l'économiste et ancien commissaire européen Mario Monti, et contre ce qu'ils considéraient comme des diktats de la Commission européenne à Bruxelles. En décembre 2013, l'organisation qui s'est entretemps étendue aux transporteurs routiers, aux artisans et petits entrepreneurs ainsi qu'à des étudiants et des sympathisants d'extrême droite, selon cet article, s'illustre dans des actions spectaculaires pendant le week-end du 7 et 8 décembre, en paralysant le trafic ferroviaire en Ligurie et par des manifestations qui dégènèrent en échauffourées à Milan et Turin, le 9 décembre.Selon La Stampa, manifestants et policiers s'affrontent à coups de jets de pierre et pétards d'un côté et de grenades lacrymogènes de l'autre. Une camionnette de la police sera même prise d'assaut et 14 agents blessés.Mais une fois le calme revenu, les agents enlèvent leurs casques et posent au sol leurs boucliers de protection. Les images, souvent interprétées comme une marque de solidarité des policiers, font alors le tour du web en Italie.L'AFP Factuel a retrouvé une vidéo un peu plus longue (de 1,22 minute) que la séquence reprise ces derniers jours sur Etiknews, réalisée par un journaliste du quotidien de gauche Fatto Quotidiano et diffusée sur le site du journal ici. On y voit la foule applaudir les policiers sur la place Castello (du château) de Turin qu'on peut reconnaître sur ce plan de la ville et qu'on peut voir dans la vidéo de 2013, reproduite ci-dessous. Mais l'article du Fatto Quotidiano du 10 décembre, qui accompagne la vidéo indique bien que les policiers n'ont pas enlevé leurs casques en signe de solidarité avec les manifestants, contrairement à l'interprétation que ces derniers font de leur geste en les encourageant aux cris de: "les policiers sont avec nous" ou "Italie, Italie".Dans un communiqué cité par le journal, la préfecture de police de Turin explique que les agents ont retiré leurs casques, à la fin de la manifestation, "un comportement habituel", "une fois dissipés la situation de tension et les besoins d'ordre public" qui en avait justifié l'usage. "Aucune solidarité, les agents ont retiré leurs casques une fois la manifestation terminée", ajoute alors la préfecture.A l'époque toutefois, certains dirigeants politiques comme l'ex-humoriste Beppe Grillo fondateur par la suite du Mouvement Cinq Etoiles, une formation anti-establishment (actuellement au pouvoir depuis les législatives de 2018), affirment qu'il s'agit d'une démonstration de solidarité des policiers, "un grand geste à travers lequel ils ont regardé leurs frères (manifestants) dans les yeux". Une manifestation anti-masque non autoriséeIl est avéré qu'il y a bien eu une manifestation anti-masques samedi 20 mars 2021 à Turin. L'AFP Factuel a trouvé plusieurs articles de journaux ici et ici ainsi que des vidéos qui en rendent compte comme celle-ci, publiée par le journal La Stampa.Intitulée "no vax, no mask" (pas de vaccins, pas de masques), cette manifestation non autorisée a rassemblé une centaine de personnes, toujours sur la très centrale Place Castello à Turin.Les policiers mobilisés ne portaient pas de casques anti-émeutes, mais en revanche ils étaient bien masqués, comme on peut le voir dans la capture d'écran ci-dessous. Capture site La Stampa vidéo du 20 marsIls ont infligé 48 amendes, dont 28 pour non usage du masque et 20 pour déplacement non justifié. De nombreux participants provenaient en effet de l'extérieur de Turin, alors que la région est classée en zone rouge et que les déplacements sont interdits hors de la commune de résidence.En outre, un manifestant d'une quarantaine d'années qui a refusé de fournir ses documents d'identité, a été interpellé pour "résistance à fonctionnaire public". La manifestation avait été organisée sur les réseaux sociaux sous le slogan "Justice, liberté, respirer la vérité" pour s'opposer aux vaccins et aux mesures sanitaires de reconfinement strictes prises le 15 mars pour la plupart des régions de la péninsule italienne.Des personnalités d'extrême droite et des anarchistes étaient représentés ainsi que le candidat aux prochaines élections municipales prévues à Turin pour octobre, le juriste Ugo Mattei, de la liste "Future pour les biens communs", qui a invoqué, selon l'agence italienne Ansa, le respect des droits constitutionnels et la "liberté de manifester comme on le pense". Edit du 23/03/2021 : modifie la mise en page
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