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Dans une vidéo virale, un médecin canadien prétend prouver que les caillots sanguins se produisent "chez la majorité des gens" après une vaccination anti-Covid en expliquant avoir relevé "un taux de D-dimères" élevé – marqueur possible de thromboses – chez "62%" de ses patients vaccinés. Mais "l'augmentation des D-dimères n’est pas spécifique des thromboses", a rappelé à l’AFP le Groupe Français d'études sur l'Hémostase et la Thrombose (GFHT), et l’expérience menée par ce médecin canadien ne respecte aucune méthodologie scientifique, ont souligné trois experts interrogés. "Comment diable pouvons-nous savoir si la personne a coagulé? Le seul moyen est de faire une analyse de sang appelée le D-dimère (...) un test sanguin qui montrera un caillot récent" après une vaccination anti-Covid, commence par expliquer le Dr Hoffe. Capture d'écran prise sur Twitter le 29/07/21Face caméra, et s'adressant à cinq autres intervenants qui participent à une visioconférence, il poursuit : "Les soi-disant experts ne cessent de nous dire que les caillots sont rares. Les gros caillots sont rares, mais les petits se produisent clairement chez la majorité des gens, 62%"."Les effets secondaires fréquents de la vaccination qui sont des maux de tête, nausées, vertiges, fatigue, pourraient tous être des signes de thrombose cérébrale au niveau capillaire" causés par "des milliers et des milliers de minuscules petits caillots dans votre cerveau qui ne se verront pas au scanner ", assène-t-il encore.Cet extrait vidéo de 2 minutes a été partagé plus de 1.500 fois sur Twitter. Mais le chiffre du Dr Hoffe a également circulé sur Facebook, dans une autre vidéo où il prend la parole pour détailler une nouvelle fois son expérience en appelant à refuser la vaccination. Capture d'écran prise sur Facebook le 29/07/21Un taux de D-dimères peut être élevé pour plusieurs raisonsPourtant, des spécialistes ont unanimement expliqué à l'AFP que l'expérience du Dr Hoffe n'a aucune valeur scientifique. Pour soutenir que les cas de caillots sanguins – aussi appelés thromboses – ne sont pas rares chez les vaccinés, le médecin s'appuie sur des analyses du taux de D-dimères de ses patients prélevés "dans la semaine après leur injection vaccinale". "Les D-dimères sont des produits de la dégradation de la fibrine des caillots, a expliqué le 15 juillet à l'AFP Marie-Antoinette Sevestre-Pietri, présidente de la Société Française de Médecine Vasculaire. Donc quand on a un caillot de sang, on peut avoir des D-dimères circulant à un taux significatif qui peuvent être mesurés". Pour cette raison, un dosage de D-dimères, qui s'effectue par un prélèvement sanguin, peut être prescrit par un spécialiste lorsqu'il suspecte la présence d'un caillot sanguin.Seulement, "ce n’est pas parce que l’on a un taux de D-dimères élevé que l’on a une thrombose", a nuancé le 20 juillet auprès de l'AFP le Dr Nicolas Gendron, médecin au service d'hématologie de l'hôpital Georges-Pompidou. "Si le taux de D-dimère est en-dessous d'un seuil significatif, ça veut dire qu’il n’y a pas de trace d’activation de la coagulation chez la personne, et on peut exclure la thrombose d'un diagnostic. Mais si le taux de D-dimères est élevé, cela ne veut pas dire qu’il y a une thrombose, cela veut dire que la suspicion n’est pas levée et qu'il faudra faire des examens complémentaires, comme un scanner, pour le confirmer", poursuit le Dr Gendron. En d'autres termes, un patient qui fait une thrombose aura très probablement un taux de D-dimères élevé mais un patient présentant un taux de D-dimères élevé n'aura pas nécessairement une thrombose.Car "l’augmentation des D-dimères n’est pas spécifique des thromboses", a précisé le 19 juillet à l'AFP le Groupe de la Société Française d'Hématologie (GFHT). Les D-dimères "augmentent avec l’âge, chez les femmes enceintes et dans de nombreuses situations pathologiques comme les infections bactériennes ou virales même bénignes", note le GFHT.C'est pourquoi le taux de D-dimères au-dessus duquel des examens complémentaires sont nécessaires est généralement plus élevé chez des patients âgés. Il faudrait ainsi connaître le seuil fixé par le Dr Hoffe pour estimer qu'un taux de D-dimères observé chez un de ses patients est considéré comme significativement élevé.Par ailleurs, même si un taux de D-dimères était élevé chez des patients vaccinés, cela ne serait pas forcément un signal inquiétant. "Lorsque vous vous faites vacciner, il y a souvent une inflammation : on a un peu de fièvre, des courbatures donc ça traduit une réaction de l’organisme qui est heureuse puisqu'elle prouve que le vaccin fonctionne", précise Marie-Antoinette Sevestre-Pietri. Or une réaction inflammatoire va entraîner un taux de D-dimères élevé mais ça ne signifie pas qu'il y aura une thrombose pour autant". "A ce jour, aucune donnée scientifique ne permet de prédire un effet délétère d’une augmentation isolée des D-dimères", atteste le GFHT."Dire qu’il y a un taux de D-dimères élevé dans une période où il y a un syndrome inflammatoire accompagnant la réaction immunitaire vaccinale ne veut rien dire, sauf si le Dr Hoffe montrait qu’il y a des D-dimères à des taux très élevés. Or là il ne donne pas de chiffres", souligne de son côté le professeur d'hématologie à l'hôpital George Pompidou David Smadja, interrogé par l'AFP le 20 juillet.Concernant les maux de tête, nausées, vertiges, fatigue et autres effets secondaires du vaccin, qui seraient, selon le Dr Hoffe, de potentiels signes de "thrombose cérébrale au niveau capillaire", les spécialistes affirment là-encore que rien ne permet d'appuyer cette thèse. Ces symptômes, "très banals", ne sont pas caractéristique de thromboses, réfute Marie Sevestre, avant de souligner : "si ces thromboses cérébrales ne sont pas visibles et qu’il n’y a pas de signe clinique très spécifique, comment le Dr Hoffe peut-il dire qu'elles existent dans le cerveau?"Un manque de rigueur scientifiqueDe plus, soulèvent les spécialiste interrogés, le Dr Hoffe ne détaille aucun protocole scientifique pour son expérience. Le médecin canadien explique simplement avoir "recruté des patients" de son cabinet, sans préciser combien, ni dans quelles conditions les tests ont été effectués pour obtenir "62% de résultats positifs de D-dimères élevés". Il qualifie lui-même ses résultats de "préliminaires". "L’expérience relatée par le Dr Hoffe n’est pas une étude scientifique, et ne relève pas de l’« evidence-based medicine » (la médecine basée sur des preuves). Aucun crédit ne peut donc être accordé à ces résultats", estime le GFHT."On ne sait pas comment sont échantillon de patients a été choisi : s’il a pris 6 patients de son cabinet qui ont plus de 75 ans, ils auront forcément un taux de D-dimères élevé... La méthode scientifique utilisée n'est pas décrite et les résultats ne sont pas publiés", confirme la présidente de la Société Française de Médecine Vasculaire.Etudes, essais, traitements...: beaucoup, beaucoup de choses circulent sur les réseaux sociaux à propos du #Covid_19On vous donne quelques clés pour tenter de vous y retrouver #AFP ⬇️ pic.twitter.com/CdZpfoXrmy — AFP Factuel (@AfpFactuel) July 20, 2021 A l'inverse, une étude italienne de juin 2021 relue par les pairs et portant sur le suivi de 30 patients ayant reçu une première, puis une seconde dose de Pfizer-BioNTech conclut qu'il n'y a pas d'augmentation du taux de D-dimères, ni aucun autre signe d’activation de la coagulation chez les personnes vaccinées. Le Dr Charles Hoffe, médecin de famille dans le village de Lytton en Colombie-Britannique, a déjà reçu des mesures disciplinaires des autorités sanitaires de cette province canadienne après avoir établi sans apporter de preuves un lien entre le sérum anti-Covid de Moderna et l’apparition de troubles neurologiques chez des patients vaccinés, rapporte le site Vision Time.Thromboses et vaccination anti-CovidDans sa vidéo, le Dr Hoffe assure en outre que les risques de thromboses concernent les vaccins anti-Covid de manière générale. Pourtant, les rares cas de thromboses majoritairement observés chez des personnes jeunes ne portent que sur les vaccins d'AstraZeneca et Janssen, limités depuis mi-mars aux plus de 55 ans en France.En avril, l'Agence européenne du médicament (AEM ) a indiqué que les caillots sanguins devaient être répertoriés comme un effet secondaire "très rare" de ces deux vaccins à vecteur viral, mais ce n'est pas le cas pour les vaccins à ARN messager de Moderna et Pfizer/BioNTech. L'AEM a reconnu "un lien possible" entre les vaccins d'AstraZeneca et Janssen et "de très rares cas de caillots sanguins inhabituels associés à des plaquettes sanguines basses", tout en estimant dans les deux cas que les bénéfices l'emportent sur les risques. Pour le vaccin AstraZeneca, l'agence estimait en avril le risque de tels caillots à 1/100 000.De plus, les hématologues interrogés par l'AFP tiennent à rappeler que le Covid-19 favorise les risques de thrombose veineuse cérébrale, une conséquence de la maladie souvent occultée. Une étude publiée en avril par l'université d'Oxford conclut même que le risque de développer un caillot de sang cérébral serait 10 fois plus élevé après avoir contracté la maladie qu'après une injection anti-Covid.Sur plus de 7,4 millions de doses d'AstraZeneca injectées, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recense à ce jour 56 cas rapportés de thrombose atypique, dont 13 décès. Concernant l'ensemble des quatre vaccins autorisés, elle note dans son dernier point de surveillance du 15 juillet que "depuis le début de la vaccination, 34.790 cas d’effets indésirables ont été analysés" sur "plus de 49.231.000 injections réalisées". "La majorité des effets indésirables sont attendus et non graves", rapporte l'agence sanitaire. 30 juillet 2021 Corrige coquille au 15e paragraphe
(fr)
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