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Au lendemain de l’attaque djihadiste qui a fait au moins 132 morts à Solhan, dans le nord du Burkina Faso, des médias burkinabè et des publications Facebook ont affirmé, image à l’appui, qu’un autre assaut meurtrier avait eu lieu sur l’axe Dori-Sebba, causant la mort de 47 passagers. Il s’agit d’une fausse information: selon l'État-major des armées et les autorités de la région concernée, "aucun car ou autre véhicule" n’a été intercepté le 6 juin par des "terroristes" sur cette route. La photo, quant à elle, circule depuis 2019 et n’a rien à voir avec la prétendue attaque du 6 juin 2021."Ce jour 06/06/2021 sur l'axe Sebba-Dori: la totalité des passagers d'un mini-car exécutés, au total 47 personnes tuées", assène l’auteur d’une publication partagée plusieurs centaines de fois depuis le 6 juin sur Facebook.La photo censée montrer cette tragédie présente un car calciné à l’avant et en feu à l’arrière, sur une route entourée de végétation. En arrière-plan, quelques personnes sont debout sur la chaussée, non loin du véhicule d’où s’échappe une fumée noire. Capture d’une publication Facebook, réalisée le 17 juin 2021Le même message et son illustration ont été publiés dès le 5 juin sur Opera News, un site régulièrement épinglé pour diffuser de fausses informations. "Le Burkina encore endeuillé", a titré ce site, en assurant que "des hommes armés" avaient "froidement exécuté" les passagers du car.La photo et la légende utilisées par Opera News ont été relayées par de nombreuses publications, principalement sur Facebook (1, 2, 3) mais aussi sur Twitter (1), suscitant de multiples commentaires chez les internautes, parfois sceptiques, parfois horrifiés. Capture de commentaires sous une publication Facebook, réalisée le 17 juin 2021Dans la nuit du 4 au 5 juin, 132 personnes selon le gouvernement et 160 selon des sources locales ont en effet été tuées par des djihadistes dans le village de Solhan, situé près de Sebba, non loin de la frontière avec le Mali et le Niger. Cette attaque, la plus meurtrière depuis le début de l'insurrection djihadiste au Burkina Faso il y a six ans, a suscité une forte émotion au Burkina Faso comme à l’étranger et a fait naître de multiples rumeurs sur les réseaux sociaux, vérifiées par l’AFP factuel.Multiples démentisLes publications faisant état d’une attaque contre un bus de passagers dans le nord du Burkina Faso en font partie, selon l'Etat-major général des armées et le gouverneur de la région du Sahel, qui les ont formellement démenties. Localisation de l'axe Dori-Sebba sur la carte du Burkina Faso"Après vérification aérienne et terrestre par les forces de défense et de sécurité, aucun car ou autre véhicule n’a été intercepté ce dimanche 6 juin 2021" et "encore moins des passagers exécutés sur l’axe Dori-Sebba", a ainsi écrit dans un communiqué le colonel Major Salfo Kabore, gouverneur de la Région du Sahel, dont dépend l’axe Sebba-Dori. Communiqué signé du colonel Major Salfo Kabore, gouverneur de la Région du SahelDans un autre communiqué, le porte-parole de l’armée a quant à lui démenti "formellement" les informations "erronées" selon lesquelles "un car de transport" aurait été "intercepté et détruit par des terroristes sur l’axe Dori-Sebba". Communiqué signé du porte-parole de l’arméeContacté dès le 6 juin par le correspondant de l’AFP au Burkina Faso, le porte-parole de l'organisation des transporteurs de Dori, localité d'où serait parti le car "attaqué", a assuré de son côté n'avoir pas eu connaissance d'un quelconque incident. Photo ancienneLa photo qui accompagne ces publications mensongères n’a par ailleurs rien à voir avec la supposée attaque menée le 6 juin 2021 par des hommes armées: elle circule en effet sur Internet depuis 2019 au moins. Photo extraite d’une publication sur Facebook, le 17 juin 2021Une recherche d’image inversée avec l’outil Google images permet de la retrouver dans de nombreux articles évoquant une attaque contre un bus transportant des élèves au Burkina Faso en janvier 2020 (1, 2, 3…)En optant pour une recherche de publications entre 2017 et 2019 avec la même image, on la retrouve dans un article du 3 septembre 2019 intitulé : "20 civils tués dans l’explosion d’un car de transport en commun sur une mine" au Mali.L’AFP n’a pas pu retrouver l’origine exacte ou bien l’auteur de ce cliché et ne peut donc assurer qu’elle a bel et bien été prise en 2019 au Mali. Mais elle est en tout état de cause bien antérieure au contexte actuel du Burkina Faso. Mises en demeureSuite à la diffusion de ces fausses informations, le Conseil supérieur de la communication (CSC) burkinabè a auditionné mi-juin les médias ayant annoncé la prétendue attaque du mini-car et la mort de 47 passagers.Au total, 18 médias audiovisuels et en ligne ont été entendus. Le groupe privé Oméga médias (radios et télé), qui a rendu la rumeur virale, a écopé de 120 heures (cinq jours) de suspension pour diffusion de fausses informations. D’autres, dont la radio nationale, ont reçu des lettres de mise en demeure ou d’observation.S’il n’y a donc pas eu de nouvelle attaque contre des civils dans les jours qui ont suivi le massacre de Solhan, la situation sécuritaire demeure néanmoins tendue au Burkina Faso, et notamment dans la région dite des "trois frontières" (Burkina Faso, Mali, Niger).Selon l’Etat-major des armées, une "dizaine de terroristes" ont ainsi été "neutralisés" lors d'opérations de ratissage entre le 7 et le 13 juin dans les environs de Solhan. Dans le cadre de cette opération, "un engin explosif" a été découvert et des véhicules "saisis", a-t-il précisé dans un communiqué diffusé le 14 juin.Le Burkina Faso, pays sahélien pauvre, est confronté depuis 2015 à des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières menées par des groupes djihadistes affiliés au groupe état islamique (EI) et à Al-Qaïda. Ces attaques ont fait plus de 1.400 morts et ont contraint un million de personnes à fuir leur foyer.
(fr)
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