?:reviewBody
|
-
Depuis le 31 janvier, des dizaines de milliers d'utilisateurs ont partagé des vidéos et des photos de deux scènes d'une manifestation contre les mesures de restriction liées au coronavirus à Vienne. Elles montrent des policiers marchant dans la rue sans casque, encadrant les manifestants. Les publications interprètent ces images comme un geste de solidarité, ce que la police a toutefois démenti. Par ailleurs, plusieurs journalistes ont assuré à l'AFP que les casques retirés ne l’étaient pas en signe de solidarité.Des dizaines de milliers d'utilisateurs ont partagé deux vidéos ainsi que des photos d'une manifestation contre les mesures sanitaires le 31 janvier sur Facebook, dans plusieurs langues y compris en français, par exemple dans cette vidéo republiée par un utilisateur francophone et partagée plus de 12.000 fois depuis le 1er février. Capture d'écran Facebook prise le 09/02/2021Dans ces publications, on peut voir un groupe de policiers portant leur casque à la main alors qu'ils marchent avec le cortège de manifestants. Dans les vidéos, on peut entendre, en allemand, des personnes lancer des "bravo" et des "merci". Un homme derrière la caméra se réjouit : "La police marche avec le peuple !".Dans les commentaires du post en français, des utilisateurs appellent à "avoir confiance": "notre police va aussi se réveiller", espère une utilisatrice. "Les flics français devraient en prendre de la grainé (sic)", dit une autre.Les vidéos ont été partagées des dizaines de milliers de fois sur les médias sociaux en allemand, mais aussi en slovaque, serbe, néerlandais ou tchèque.Le 31 janvier, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Vienne contre les mesures de restrictions liées au coronavirus imposées par le gouvernement autrichien (plus d'informations ici et ici). Deux semaines plus tôt, le 16 janvier, plus de 10 000 personnes avaient déjà manifesté dans le centre-ville de Vienne, avec de nombreuses violations de la loi sur les mesures Covid 19.Les actions de la police ont été critiquées fin janvier, entre autres sur les réseaux sociaux, comme étant trop passives (par exemple ici ou ici, en allemand). Dans une conférence de presse le 31 janvier au soir tenue par le ministre de l'Intérieur Karl Nehammer (ÖVP) et le commissaire de police Gerhard Pürstl, le premier a déclaré : "Nous avons appris de cette opération que nous devons nous adapter encore plus aux tactiques des manifestants".Mais les forces de l'ordre ont-elles vraiment fait preuve de solidarité en retirant leur casque, comme cela est affirmé ? De précédentes publications à l'été 2020 avaient assuré que des policiers allemands avaient fait preuve de solidarité par un geste similaire, de façon trompeuse comme l'avait déjà montré l’AFP.Ce que dit la police sur le déroulement de la manifestationLa police de Vienne avait interdit à l'avance la manifestation du 31 janvier : "Les expériences de ces dernières semaines ont montré qu’une grande partie des participants aux rassemblements ignorent tout simplement l'obligation de porter des protections buccales et nasales bien ajustées, de sorte qu'on peut presque s'attendre à ce qu'il y ait des infractions à grande échelle lors de ces rassemblements", écrivait la direction régionale de la police de Vienne dans une déclaration deux jours avant la manifestation."C'est pourquoi tous les grands rassemblements à Vienne, 15 au total, qui ont été annoncés ou ont fait l'objet de publicité seront interdits ce week-end", affirmait-elle. Les contrevenants doivent s'attendre à ce que le rassemblement soit dispersé, avait-elle ajouté.En début d'après-midi le dimanche 31 janvier, plusieurs milliers de personnes se sont néanmoins retrouvées pour un rassemblement non autorisé dans le centre-ville. Le rassemblement a été dispersé, selon une déclaration de la police de Vienne. En réponse à une requête de l'AFP le 5 février, le porte-parole de la police Daniel Fürst a précisé : "La dispersion d'un rassemblement de milliers de participants représente toujours un défi particulier pour la police. Dans un souci de proportionnalité, la police s'est efforcée de permettre aux participants à la manifestation de se disperser sans violence, afin d'éviter l'escalade d'une part et la propagation du virus d'autre part".Afin de garantir une issue pacifique, la police a escorté les manifestants le long du Ring, du Getreidemarkt, de la Mariahilfer Straße et de la Linke Wienzeile. Les deux vidéos partagées sur les réseaux sociaux ont été filmées dans ces lieux. Capture d'écran Google Maps prise le 08/02/2021La première vidéo a été prise derrière l'hôtel de ville de Vienne, dans la seconde la manifestation escortée par les policiers qui va de Getreidemarkt vers Linke Wienzeile.La police de Vienne a publiquement démenti toute prétendue solidarité dans un tweet le même jour : "Parce que l'accusation a été faite à plusieurs reprises que nous "marchions" avec la manifestation : dès que les rassemblements se mettent en mouvement, ils sont si possible toujours accompagnés par des collègues en tête, sur les flancs et à la fin" du cortège.Le porte-parole de la police Daniel Fürst a expliqué la stratégie à l'AFP : "La police agit selon la philosophie des 3D - soit (en allemand, ndlr) dialogue, désescalade et application de la loi. Le fait de ne pas porter de casque d’intervention et la formation adoptée relèvent clairement de la désescalade. Cette conduite est - en fonction de la situation ou du contexte de la menace - absolument courante, mais peut également changer à tout moment".Selon le bilan de la police, environ 850 signalements ont été déposés et des arrestations ont eu lieu.Ce que disent les observateurs sur le terrain à propos de la manifestationL'AFP s'est également entretenu par téléphone le 4 février avec le journaliste Michael Bonvalot, qui a posté sur Twitter la vidéo du Getreidemarkt. Il a pris la vidéo à ce moment-là parce qu'il avait remarqué la formation adoptée par la police, a-t-il expliqué au téléphone. Sur Twitter, il a décrit son impression: "La police marche maintenant au milieu du cortège (...) sous les clameurs et les applaudissements des participants". A l'AFP, M. Bonvalot précise : "Il ne s'agit pas de dire que la police a ainsi participé à la manifestation. Il est totalement inadmissible de prétendre que la police s'est joint à la manifestation". Si cela a été interprété comme tel par les manifestants sur le terrain, "le fait que les policiers portent ou non un casque ne dit rien sur leur solidarité", poursuit-il.Il y a eu des manifestations avec casque et sans casque, a-t-il ajouté.Le photographe de l'AFP Alex Halada, présent à la manifestation, l'a également confirmé le 4 février: "Que les policiers ne portent pas de casque est normal, tant qu'aucun objet ne vole. On ne peut pas déduire que les casques ont été enlevés par solidarité".Ses photos du 31 janvier montrent qu'à certains moments de la manifestation les casques étaient portés, à d’autres non. L'atmosphère était alors différente, par exemple lorsque des manifestants ont été brièvement encerclés sur le ring. Policiers avec casques lors de la manifestation du 31/01/2021 (Alex Halada, AFP) Policiers sans casque lors de la manifestation du 31/01/2021 (Alex Halada, AFP) Le retrait des casques "n'était clairement pas de la fraternisation", confirme aussi le photographe Lorenzo Vincentini joint par l'AFP le 4 février. Journaliste indépendant, il travaille souvent sur des rassemblements de la droite, et était près de Getreidemarkt le jour de la manifestation.La décision de porter ou non un casque est prise par le chef des opérations en fonction du danger de la situation, a également expliqué l'expert en droit administratif Christian Piska de l'Institut de droit constitutionnel et administratif de Vienne.Dans l'article sur le précédent cas en Allemagne traitée par l'AFP, un porte-parole de la police de Berlin avait donné une explication similaire concernant le déploiement des forces de l'ordre. "La nécessité de porter ou non un casque ne dépend que de l'évaluation du danger de la situation et se décide au cas par cas", avait déclaré à l'époque un porte-parole de la police berlinoise à l'AFP. Ainsi, il existe d'autres manifestations où les policiers portaient leurs casques à la main. Cela s'est produit, par exemple, lors d'une manifestation contre les expulsions à Vienne, une semaine après la manifestation contre les mesures sanitaires. La police lors d'une manifestation contre les expulsions, Wiener Ring le 6 février (Eva Wackenreuther)"On oublie souvent que les manifestations spontanées sont également protégées par le droit fondamental à la liberté de manifestation", a souligné M. Piska auprès de l’AFP, interrogé le 4 février. En outre, la police a des devoirs de protection et doit agir autant que possible de manière à désarmorcer les tensions. Dans le cas de la manifestation contre les mesures sanitaires, il ne voit aucune action inappropriée de la part des officiers.
(fr)
|