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Une attestation pour se déplacer durant l'épidémie de peste, censée dater du Premier Empire, a été partagée des centaines de fois sur Facebook depuis le 20 mars par des internautes pensant ce document authentique. Mais si des certificats de déplacements ont réellement existé entre le XVIe et le XVIIIe siècle pour limiter les risques de contagion entre différentes villes lors d'épidémies, ce document est parodique. Il a été diffusé à l'origine dans un groupe humoristique consacré à Napoléon Ier.Le confinement allégé auquel est soumis un tiers des Français depuis le samedi 20 mars a relancé les débats sur l'utilité des attestations de déplacement dérogatoire. Le nouveau document de deux pages, paru le 20 mars pour les 16 départements concernés, a suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. Il a suscité les moqueries des internautes qui y voient la signature de la bureaucratie à la française tandis que d'autres y ont vu un document liberticide, ressortant, à titre de comparaison, une attestation au style ancien censée dater de l'époque napoléonienne.Sur ce document figurent plusieurs motifs qui auraient permis de se déplacer alors que la France était frappée par un épisode de peste. Sont ainsi autorisés les "déplacements pour effectuer des achats de première nécessité auprès des cantinières", "les consultations auprès d'un médecin pour cause de typhus" ou encore "les déplacements pour acheminer des renforts et secourir l'Empereur". "S'en servirait-on encore ?", interroge ainsi un utilisateur de Facebook qui a partagé cette image le 20 mars. Capture d'écran prise sur Facebook le 20/03/2021En commentaires, plusieurs internautes questionnent l'authenticité de ce document. "C'est une amie qui me l'a transmise - ça a l'air vrai, l'air seulement", répond l'auteur de la publication. Un autre internaute qui a relayé ce visuel le 1er mars assure pour sa part qu'il s'agit d"une attestation de déplacement dérogatoire du 29 octobre 1805". "J'adore ce document. Quelle histoire et ne dit-on pas que l'histoire se répète ?", écrit-il sur Facebook.Mais ce visuel est parodique. En bas de la feuille, il est clairement écrit "imprimerie de neurchi de Napoléon Bonaparte". Un "neurchi" est un groupe Facebook qui partage des blagues sur un thème. "Neur-chi" est d'ailleurs le verlan de "chineur", puisque l'administrateur de la page doit chercher la perle rare en termes de publications humoristiques.En se rendant sur le groupe Facebook privé dont les publications sont consacrées à Napoléon Ier, on retrouve rapidement l'attestation, partagée sur le ton de l'humour par un administrateur, le 2 novembre 2020. En légende, il est écrit : "n'oubliez point votre document sinon c'est 25 francs-germinal d'amende".Le document parodique, qui fait de nombreuses références à la pandémie actuelle en parlant d'épidémie de "peste-19" et d'"état d'urgence sanitaire de l'Empire français" a beaucoup amusé les membres du groupe. Il comporte de nombreuses touches humoristiques comme les motifs de déplacements : "être conduit à la guillotine", ou effectuer un déplacement pour "motif familial impérieux (coup d'état)". Le vin et la gnôle sont également cités comme "produits de première nécessité".Mais ce visuel parodique a été partagé hors de ce cercle et repris des milliers de fois au premier degré sur d'autres pages Facebook, LinkedIn ou Twitter, ainsi que plusieurs sites internet. Captures d'écran prise sur Twitter le 25/03/2021 Captures d'écran prises le 25/03/2021Pourtant, au 19e siècle, si la population était durement touchée par les épidémies de choléra et la tuberculose, elle n'a pas eu affaire à la peste.Informé que son faux document était relayé de façon virale et parfois pris au premier degré, l'auteur du montage a déploré dans un commentaire l'utilisation de ce visuel humoristique en un "document pour théorie du complot".Depuis, d'autres attestations parodiques ont fleuri sur les réseaux sociaux pour amuser les internautes.Prenez garde avx controles de la maréchavsée y point ne faiste ovbli de vostre dérogation lors des vostres périples. Ycelvi magique parchemin vovs donnera protection avers la pestilence et le gvet. #Dérogation #COVID19 pic.twitter.com/DxLiY5adQD — Simon de THUILLIÈRES (@thuillieres) October 31, 2020 D'authentiques certificats de déplacements retrouvésSi le document partagé sur Facebook a été créé de toutes pièces, d'authentiques certificats de déplacement datant de plus de 300 ans ont ressurgi sur les réseaux sociaux à l'aube du premier confinement. Une archive datant de 1720 partagée en avril 2020 par l'historien Jérémie Ferrer-Bartomeu et faisant écho à la crise sanitaire actuelle a même fait le tour du monde. En pleine épidémie de peste partie du port de Marseille, elle autorise un homme du nom d'Alexandre Coulomb à rejoindre la ville de Blauzac, certifiant qu'il n'y avait dans sa ville d'origine "aucun soupçon de mal contagieux". Attestation de sortie dérogatoire : une archéologie. [1720, Remoulin, Gard]. #CultureChezNous #Covid19 #TeamChartistes pic.twitter.com/DXJ6uGeb69 — Jérémie Ferrer-Bartomeu (@ferrerbartomeu) April 22, 2020"Ces attestations de déplacement sont relativement courantes du XVIe au XVIIIe siècle. Les mobilités sont contraintes, les habitants ne se déplacent pas et ne passent pas les portes des villes comme ils veulent", a expliqué l'enseignant-chercheur à l'université de Neuchâtel en Suisse au Huffington Post le 24 avril 2020. A l'époque, "l'encadrement médical était très faible, donc il n'y avait pas d'autres choix que d'interdire les déplacements. On a même tenté de confiner la ville de Marseille, comme l’évoque Marcel Pagnol dans Les Pestiférés", a détaillé l'historien.Retour en arrière sur l'attestationFace aux critiques, le gouvernement a finalement supprimé l'attestation et la justification du motif de sortie pour les déplacements de moins de 10 kilomètres dans les départements concernés. En cas de contrôle un simple document attestant de son lieu de domicile suffit désormais. L'attestation applicable partout en France pour le couvre-feu de 19h00 jusqu'à 06h00 reste cependant toujours en vigueur.Alors que la vague de malades continue à l'hôpital, trois nouveaux départements, le Rhône, la Nièvre et l'Aube, devraient s'ajouter aux territoires sous restrictions renforcées pour tenter de faire baisser le nombre de contaminations.
(fr)
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