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Nouveaux vaccins capables de "s'intégrer au génome", près de 3% des vaccinés aux Etats-Unis "incapables de travailler", remèdes "extraordinaires" déjà existants contre le Covid-19 : attention dans une vidéo d'une heure partagée des dizaines milliers de fois depuis le 16 janvier sur Facebook, une généticienne française reprend à son compte plusieurs fausses informations sur la pandémie de Covid-19. Pour l'AFP Factuel, des scientifiques et médecins font le point sur les principales contre-vérités mis en avant par cette ex-chercheuse de l'Inserm.Vacciner la population contre le Covid-19 avec des vaccins à instruction génétique, "une folie" ?C'est la thèse défendue par la généticienne française Alexandra Henrion-Caude dans une interview d'une heure sur la web-télé d'extrême-droite "TV Libertés".La vidéo a été partagée plus de 30.000 fois depuis sa mise en ligne le 16 janvier.Dans cet entretien, cette ancienne directrice de recherche à l'Inserm - déjà à l'origine de précédentes infox sur les tests PCR ou les protocoles de recherche sur les vaccins - affirme notamment que les vaccins à ARN-messager contre le Covid-19 peuvent "s'intégrer au génome" des patients.Il existerait même "un risque de transmission (des modifications génétiques, ndlr) aux générations suivantes", prétend Mme Henrion-Caude.De surcroît, selon elle, la vaccination avec cette nouvelle technologie a potentiellement créé de nouveaux variants du virus et provoqué des incapacités durables chez une partie non-négligeable de la population.Toutes ces affirmations sont fausses ou exagérées. Des scientifiques, médecins et institutions reviennent pour l'AFP Factuel sur les infox mises en avant dans ce long entretien. Captures d'écran Facebook prises le 18 janvier1. Non, les vaccins à ARN messager ne s'intègrent pas au génome.Nous avions déjà démontré dans un article précédent que les nouveaux vaccins à ARN messager ne modifient pas les gènes des patients.Comment fonctionnent-ils ?Dans les cas des vaccins à ARN messager, produits notamment par Pfizer/BioNtech et Moderna, on injecte une molécule fabriquée en laboratoire qui va demander à nos cellules de fabriquer une protéine Sars-CoV-2, appelée "spicule".C'est cette protéine qui permet au virus de pénétrer dans la cellule humaine pour l'infecter.En reconnaissant ces protéines "étrangères" mais inoffensives, l'organisme va déclencher une réponse immunitaire et produire des anticorps capables de neutraliser le Sars-CoV-2 s'il venait à nous infecter.Cette instruction génétique ne peut pas modifier les gènes car dans le corps humain "le chemin génétique, c'est : l'ADN qui est transcrit (recopié, NDLR) en ARN. On ne voit jamais le chemin inverse", expliquait le généticien français Axel Kahn à l'AFP dans un précédent article."L'ARN messager ne peut pas se mettre dans l'ADN", car il n'entre jamais dans le noyau de la cellule, ajoutait le Dr Maria Victoria Sanchez du laboratoire d'immunologie et de recherche vaccinale IMBECU-CCT-CONICET en Argentine.Dire que l'ARN messager, injecté via le vaccin, va transformer l'ADN, "c'est un peu comme dire qu'un enfant peut donner naissance à sa mère... On ne peut pas revenir en arrière", compare le professeur d'immunologie Jean-Daniel Lelièvre. Fonctionnement des vaccins à ARN-messager contre le Covid-192. Ces vaccins ne modifient pas non plus les gènes des patients VIHDans cette vidéo virale, Mme Henrion-Caude estime pourtant qu'il existe un risque d'intégration de l'ARN du vaccin au génome des patients, car "l'ARN peut se transformer en ADN chez les patients VIH et les patients porteurs d'un virus silencieux, le spuma virus"."Pfizer sait qu'il y a un risque" car "ils ont traité les patients VIH à part", avance, comme preuve, la généticienne.Ces affirmations relèvent "d'une construction intellectuelle fausse", répond à l'AFP, l'immunologiste Jean-Daniel Lelièvre.Ces deux rétrovirus - le VIH et le spuma-virus - utilisent bien la reverse transcriptase ("transcriptase inverse" en français) une enzyme capable transcrire l'ARN en ADN."Mais les rétrovirus du VIH ou des spuma-virus ne retranscrivent que leur propre ARN, ils ne retranscrivent pas les autres ARN", explique le Pr Lelièvre, membre de la Commission vaccination à la Haute autorité de santé."La +reverse transcriptase+ n'est pas capable d'aider à l'intégration de l'ARN du coronavirus car celui-ci n'est pas formaté pour cela. Et l'ARN messager du vaccin l'est encore moins", complète la professeure émérite de virologie et spécialiste du VIH Christine Rouzioux.Quant aux patients VIH "traités à part" par Pfizer : il s'agit tout simplement d'un protocole classique en recherche médicale car les "patients VIH ont un déficit immunitaire" explique à l'AFP la Pr Rouzioux."On teste d'abord les personnes saines plutôt que des personnes atteintes de comorbidités. Quand l'efficacité est démontrée, on inclut ensuite les comorbidités et les VIH pour les protéger", poursuit-elle. Ainsi, 196 patients atteints du VIH ont bien participé aux essais cliniques du vaccin élaboré par Pfizer et BioNtech, détaille cet article du New England Journal of Medecine.Le 20 janvier, l'Académie de médecine a recommandé aux personnes porteuses du VIH de se vacciner contre le Covid-19, car les taux de mortalité y sont de 2 à 3 fois plus élevés dans cette population.3. Non, il n'y a pas de risque de modification génétique transmissible aux enfantsEn appliquant un raisonnement identique, Alexandra Henrion-Caude évoque un "risque de transmission génétique aux générations suivantes"."S'il n'y pas de risque de transmission génétique (...) pourquoi le protocole de Pfizer" recommande aux patients des essais cliniques "d'avoir des rapports protégés ou recours à des contraceptifs ?", s'interroge-t-elle.Sous-entendre qu'un vaccin est capable d'entraîner des transformations génétiques en modifiant les spermatozoïdes est, selon le généticien Axel Kahn, "complétement idiot"."Pour cela, il faudrait que ça passe dans les génomes et la lignée germinale", explique-t-il.Or, comme on vient de le démontrer, l'ARN, y compris celui de ces vaccins, ne peut pas modifier le génome."Le vaccin à ARN reste localement, il ne va pas se promener partout dans vos testicules, qui sont un sanctuaire immunologique. Et on n'a jamais vacciné quelqu'un dans les testicules...", réagit le professeur Lelièvre.Quant aux recommandations d'avoir des rapports protégés lorsqu'on participe aux essais du vaccin Pfizer, il s'agit, là encore, d'une pratique classique en recherche :"Vaccin, médicament... c'est valable dans tous les essais cliniques : on écarte les femmes enceintes et on demande aux gens de ne pas avoir d'enfants durant la période des essais. Nouvelle utilisation = on fait attention", résume le professeur Lelièvre.4. Non, ces vaccins n'ont pas provoqué les nouveaux variants du virus.Au cours de l'entretien, Mme Henrion-Caude émet l'hypothèse que les campagnes de vaccination ont provoqué l'apparition des variants du virus, plus dangereux, détectés au Royaume-Uni et en Afrique du Sud.Ces vaccins nécessitant deux injections, "la faible immunité" acquise lors de la première injection rend "les patients vulnérables" lorsque la seconde dose est administrée plus tard que prévu, explique la généticienne.C'est ce qu'a fait le Royaume-Uni en rallongeant les délais entre deux injections afin de vacciner en masse, dans un contexte de stocks limités."On ne sait pas" si ces vaccins génèrent des anticorps "facilitants", capables "de provoquer des formes graves de la maladie", poursuit-elle.Pour l'avancer, cette ex-chercheuse de l'Inserm s'appuie sur un communiqué de l'Académie de médecine publié le 11 janvier.Mais attention, l'Académie ne dit pas cela dans son communiqué. Cette interprétation est "amplifiée" et "déformée", a réagi auprès de l'AFP, le professeur Yves Buisson de l'Académie de médecine."Quand on regarde la chronologie, c'est faux. Le mutant britannique est apparu au mois de septembre et il a fait de nombreux cas en novembre", explique cet épidémiologiste, rappelant que la campagne de vaccination n'a démarré que le 8 décembre dans le pays.Concernant les virus "mutants d’Afrique du Sud et du Brésil", ils "sont peut-être moins sensibles aux anticorps vaccinaux mais n'ont pas été induits par cela", ajoute M.Buisson.Néanmois, avoir un vaste nombre de personnes seulement partiellement protégées peut offrir "un terrain favorable" à l'émergence de nouveaux variants du coronavirus "échappant à l'immunité induite par la vaccination", écrit l'Académie dans son communiqué."Pour l'avenir, c'est un risque qu'il faudra prendre en compte" prévient M. Buisson.Quant au risque d'anticorps "facilitants" générés chez les patients n'ayant pas développé une forte immunité au virus, il s'agit "d'un risque théorique individuel" chez les personnes avec "un système immunitaire déficient", tempère ce professeur de l'Académie de Médecine."Ce risque existe dans plusieurs modèles chez l'animal, mais n'a pas été formellement identifié chez l'homme", conclut-il.5. 2,7% des vaccinés, désormais "incapables de travailler" ?Attention à cette interprétation trompeuseMme Henrion-Caude explique, en citant des données du "CDC", les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis, que "2,7%" des personnes vaccinées "se retrouvent incapable de travailler"."Pour une nation qui ne va pas bien sur sa capacité de production de travail, prendre un tel risque, c'est incroyable", conclut la généticienne sur TV Libertés.Ces chiffres existent bel et bien sur le site des CDC (voir ci-dessous) : au 18 décembre sur 112.807 administrations de vaccin Pfizer recensées, 3.150 signalements (soit 2,78%) "d'incapacité de travailler" ont été déclarés.Mais l'affirmation de Mme Henrion-Caude manque de contexte, elle laisse entendre, que près de 3% de la population d'un pays vacciné ne pourra plus jamais travailler de nouveau.C'est faux. Contacté par l'AFP, les CDC expliquent qu'il s'agit d'effets secondaires "anticipés" qui "devraient disparaître au bout de quelques jours".D'ailleurs ces données sont datées du 18 décembre, soit à peine quatre jours après le début de la campagne de vaccination contre le Covid-19 aux Etats-Unis. Capture d'écran du CDC prise le 23 janvier Enfin, il s'agit de données brutes tirées d'un système de suivi par sms échangés avec les personnes vaccinées.Ces données sont purement déclaratives, et "3.150 signalements ne correspondent pas forcément à 3.150 personnes", précise le CDC par courriel le 22 janvier. Il semble donc exagéré d'en tirer une quelconque conclusion.Selon les résultats de l'essai de phase 3 du vaccin Pfizer/BioNTech, dont l'agence américaine du médicament (FDA) a rendu publiques les données détaillées ici, le seul effet indésirable potentiellement inquiétant a été la survenue de 4 cas de paralysie de Bell, une paralysie faciale souvent temporaire.Mais cette fréquence (4 cas parmi 18.000 personnes suivies pendant deux mois) n'est pas différente de celle qu'on observe généralement pour cette paralysie, et on ne sait donc pas si elle a été provoquée par le vaccin. Par précaution, la FDA a toutefois recommandé une surveillance accrue.6. Attention, l'efficacité de ces remèdes n'est pas démontréeAprès avoir listé de prétendus "problèmes" liés à la vaccination, Mme Henrion-Caude dénonce, dans les dernières minutes de la vidéo, un "déni du soin", estimant qu'il existe "plusieurs traitements possibles" contre le Covid-19.Elle cite notamment l'hydroxychloroquine, l'invermectime ou le clofoctol. Mais aucun de ces traitements n'est reconnu scientifiquement à ce jour comme efficace contre le Covid-19.Pour l'hydroxychloroquine, plusieurs études censées démontrer son "efficacité" ont été publiées par le professeur Didier Raoult en 2020, mais elles ont été très critiquées, en raison de leurs manques méthodologiques : notamment trop petits groupes de patients pour les deux premières, pas de groupe témoin dans la troisième. Depuis, des études randomisées (la méthode considérée comme la plus fiable pour tester un traitement) - la britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity menée par l’OMS - ont conclu que l'hydroxychloroquine n'était pas efficace contre le Covid-19.Concernant le traitement au clofoctol, Mme Henrion affirme que "l'Institut Pasteur de Lille dit que c'est extradordinaire".C'est exagéré et prématuré.En réalité, aucune étude sur l'homme n'a encore démontrée l'efficacité de cette molécule, qui serait testée actuellement par l'Institut Pasteur de Lille selon la presse spécialisée.Contacté par l'AFP le 22 janvier, Xavier Nassif le directeur général de Pasteur-Lille, explique que l'institut évalue bien une "une molécule prometteuse qui marche très bien in-vitro" contre le virus - sans confirmer ni infirmer qu'il s'agit du clofoctol -, mais précise que "les essais cliniques"- les seuls qui démontreront ou non son efficacité sur les humains - n'ont pas encore démarré.La logique est similaire pour l'ivermectine, présentée par M. Henrion-Caude comme un traitement qui "en une dose, karchérise l'affaire".Une étude a effectivement bien observé une efficacité in vitro de l'ivermectine sur le Sars-Cov2.Mais attention, à ce jour, son efficacité sur l'homme n'a pas été démontrée par des preuves scientifiques suffisamment solides, considèrent les spécialistes.Nous revenions longuement sur les études consacrées aux effets de ce médicament anti-parasitaire contre le Covid-19, dans cet article de vérification publié il y a quelques jours.En conclusion : il est faux d'affirmer que les vaccins à ARN messager peuvent s'intégrer dans nos gènes, qu'ils ont provoqué les virus mutants circulant actuellement, et que des remèdes "extraordinaires" contre le Covid-19 existent et servent d'alternatives crédibles à la vaccination.
(fr)
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