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Une publication très virale assure que la vaccination contre le Covid-19 a provoqué une "hécatombe" en Europe, évoquant plus de 18.000 "décès avérés". Cette affirmation repose toutefois sur une utilisation trompeuse de la base de données européenne qui recense notamment les décès signalés après la vaccination mais pas nécessairement à cause d'elle.Frappée du drapeau de l'UE et du logo de l'Agence européenne des médicaments (AEM), une publication affirme se baser sur "des chiffres officiels" pour révéler "l'hécatombe" causée par la vaccination contre le Covid-19 : 18.125 "décès avérés" et plus de 1,9 million d'effets secondaires. Partagée plus de 4.300 fois sur Facebook depuis le 14 juillet, cette publication de l'association "covido-sceptique" Réaction 19 en conclut qu'une "situation catastrophique" a été provoquée par l'utilisation à grande échelle des vaccins anti-Covid en Europe depuis décembre. Comme de nombreuses autres déjà vérifiées par l'AFP (ici ou là), cette publication repose toutefois sur une interprétation trompeuse de la base de données européenne qui recense les effets secondaires signalés après la vaccination mais pas nécessairement à cause de la vaccination, comme le rappelle l'AEM. Elle ne fait pas ailleurs aucune mention du repli de l'épidémie observé dans plusieurs pays européens, dont la France, sous l'effet de la campagne de vaccination.Ainsi que l'indique la publication, ces chiffres sont calculés à partir de la base Eudravigilance de l'Agence européenne des médicaments, dont le site précise d'emblée que son contenu ne reflète "aucune confirmation d'un lien potentiel entre le médicament et le(s) effet(s) observé(s)".Cette base de données est alimentée par les signalements de médecins ou de particuliers qui font remonter l'existence d'effets secondaires potentiels apparus plus ou moins longtemps après une injection et sur lesquels les autorités de pharmacologie devront enquêter pour déterminer si un lien peut ou non être établi avec le vaccin."Les informations sur ce site font référence à des soupçons d'effets secondaires, c'est-à-dire des évènement médicaux qui ont été observés après l'administration des vaccins contre le Covid-19 mais qui ne sont pas nécessairement liés ou causés par le vaccin. Ces évènements pourraient avoir été causés par d'autres maladies ou être liés à d'autres médicaments pris par le patient au même moment", met ainsi en garde l'AEM.Il est donc erroné de suggérer, comme le fait la publication, que cette base de données permet d'établir que des "décès avérés" sont survenus "suite à la vaccination" contre le Covid-19. Le même raisonnement s'applique aux effets secondaires même si plusieurs d'entre eux ont bien été reliés aux vaccins après un examen plus poussé des autorités sanitaires : la plupart sont bénins (douleurs au point d'injection, fièvres...) mais, récemment, de très rares affections plus graves ont été associés à l'AstraZeneca (thromboses, comme nous l'expliquions ici) aux vaccins à ARN messager (péricardite, myocardite) ou au Johnson & Johnson (syndrome de Guillain-Barré). En France, 45 cas de myocardite et 95 cas de péricardites ont ainsi été recensés depuis le début de la campagne de vaccination et l'injection au total de 39,2 millions de doses, selon un récent bulletin de l'Agence nationale de sécurité du médicament des produits de santé (ANSM) qui précise que "la majorité des cas sont rétablis ou en voie de rétablissement". Au 13 juillet, l'Agence américaine du médicament (FDA) a identifié 100 cas rapportés de personnes ayant développé le syndrome de Guillain-Barré, sur près de 12,5 millions de doses administrées du vaccin Johnson & Johnson. Sur ces 100 cas, 95 étaient graves et ont requis une hospitalisation et une personne est morte. La FDA a toutefois assuré qu'elle "continuait à trouver que les bénéfices (du vaccin) l'emportaient clairement sur les risques potentiels".En dépit d'effets secondaires, l'AEM continue toutefois de conclure, dans un avis du 9 juillet (en anglais), que "les bénéfices de tous les vaccins Covid-19 autorisés continuent de dépasser leurs risques, étant donné le risque de la maladie du Covid-19 et les complications qui lui sont associées et le fait que des éléments scientifiques montrent qu'ils réduisent les décès et les hospitalisations dues au Covid-19".Preuve selon lui de l'efficacité de ces sérums, le ministre de la Santé Olivier Véran a ainsi affirmé le 15 juillet, sur la base d'une première étude rendue publique en France, que la quasi-totalité des personnes contaminées la semaine précédente par le variant delta n'était pas vaccinée.96% des patients positifs au #covid19 et présentant des symptômes n'étaient pas vaccinés. Le vaccin vous protège. Le vaccin nous protège. — Olivier Véran (@olivierveran) July 15, 2021 Selon une récente étude américaine, quelque 279.000 décès et 1,25 million d'hospitalisations liés au Covid-19 ont par ailleurs été évités simplement aux Etats-Unis grâce à la vaccination.Les chiffres avancés par la publication que nous examinons sont par ailleurs sujets à caution, comme l'AFP l'avait déjà démontré dans cette publication.Pour les obtenir, l'auteur s'est rendu sur le site d'Eudravigilance, puis dans l'onglet "rapports sur les effets indésirables suspectés des médicaments pour les substances" et dans la lettre "C". L'internaute a alors accès à tous les événements rapportés pour chaque vaccin anti-Covid utilisé dans l'Union européenne. Pour chacun, il peut consulter dans l'onglet "Number of Individual cases for a selected reaction" ("Nombre de cas individuels pour une réaction sélectionnée") un chiffre répertoriant des décès ("Outcome: fatal"). Les chiffres partagés dans ces publications viennent de l'addition de ces "fatal outcome" - "issue mortelle" en français - pour chaque type de réaction.Une telle addition n'a pourtant pas de sens, avait déjà expliqué l'EMA le 21 avril à l'AFP : "Il est important de noter qu'une déclaration d'effet secondaire peut contenir plus d'une réaction suspectée et que ces réactions peuvent être classées dans différents groupes de réactions. Par conséquent, la somme du nombre de cas mortels par groupe de réactions ne donnera jamais le nombre total de cas mortels", avait expliqué l'agence, prenant l'exemple d'un patient ayant souffert de vomissements et de maux de tête après la vaccination. Ce patient sera alors "comptabilisé dans le groupe de réactions 'troubles gastro-intestinaux' et dans le groupe de réactions 'troubles du système nerveux'", qui ne sauraient donc être additionnés. Outre l'affirmation sur "l'hécatombe", la publication relaye, de manière plus discrète, d'autres d'assertions trompeuses. Elle assure ainsi que les chiffres de décès seraient sous-évalués parce qu'ils ne portent sur quatre vaccins alors que c'est bien le nombre de sérums autorisés aujourd'hui dans l'Union européenne. Capture d'écran du site de la Commission européenne.La publication évoque également, sans aucune source, un taux de signalement d'effets secondaires qui ne serait que de 5% tout en glissant incidemment que les vaccins seraient en réalité des "thérapies géniques", une affirmation trompeuse plusieurs fois vérifiée par l'AFP (ici ou là).
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