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Dans une vidéo partagée plusieurs milliers de fois depuis fin octobre, l'ancien médecin Christian Tal Schaller affirme qu'une "grande grève" a débuté en Israël contre la vaccination, affirmant que la population bloque les routes et a fermé les villes. En réalité, aucune grève ni blocage massifs n'ont été récemment rapportés dans le pays. Des manifestations ont bien eu lieu ces derniers mois contre le pass sanitaire, mais aucune de l'ampleur décrite dans la vidéo. Christian Tal Schaller affirme également que des "dizaines de milliers" de citoyens ont porté plainte contre le gouvernement contre la vaccination et que le ministre de la Santé a déclaré qu'il n'y avait pas de "victimes vaccinales après la troisième injection", deux affirmations infondées."La presse israélienne (...) refuse de diffuser l’information", affirme Christian Tal Schaller, qui lit dans cette vidéo de 2'30 minutes un texte affirmant qu'une "grande grève a commencé en Israël" : "le peuple manifeste aujourd’hui son épuisement et son ras-le-bol face à la situation Covid et aux vaccinations criminelles. Les voitures s’accumulent, se mettent les unes derrière les autres pour bloquer la circulation, le peuple ferme le pays d’une ville à l'autre, toutes les villes sont désormais solidaires dans ce combat pour la survie de tout un peuple", lit-il.Il continue en comparant la vaccination à "un véritable holocauste" et affirme que les vaccins anti-Covid sont "dangereux, mortels et destructeurs de la vie". Il affirme que "des dizaines de milliers de citoyens ont porté plainte contre la police et le gouvernement pour crimes contre l'humanité" et que le ministre de la Santé "a déclaré officiellement qu'il n'y avait pas de victimes vaccinales après la troisième injection. C'est délirant" . Cette vidéo est relayée sur les réseaux sociaux depuis mi-octobre: une publication, supprimée depuis, avait été partagée près de 4 000 fois en moins d'une semaine. Mais le texte lu par Christian Tal Schaller circulait déjà début octobre. Il apparaît également dans un article du 9 octobre du site Profession Gendarme, régulièrement vérifié par l'AFP. Capture d'écran réalisée le 12/11/2021 sur FacebookL'homme qui apparaît dans cette vidéo est Christian Tal Schaller, un ancien médecin suisse anti-vaccin, dont les propos ont été vérifiés par l'AFP à plusieurs reprises, ici et ici par exemple.Cette vidéo contient plusieurs informations fausses ou infondées: aucune grève nationale ayant mené à un blocage des routes et des villes n'a eu lieu en Israël récemment, le ministère de la Justice a démenti que "des dizaines de milliers de citoyens" aient porté plainte pour "crime contre l'humanité" et il n'y a aucune trace d'une déclaration du ministre de la Santé sur une absence de victime de la troisième dose de vaccin. Israël, l'un des premiers pays à avoir vacciné sa population, est au cœur de nombreuses fausses informations vérifiées par l'AFP (1,2,3).Pas de grève nationale contre la vaccination en IsraëlChristian Tal Schaller affirme qu'une "grande grève" a débuté en Israël contre la vaccination. Or, une recherche sur Google permet de voir qu'aucun média israélien ou étranger n'évoque un quelconque blocage des routes, des villes fermées ou un immense mouvement de la population contre la vaccination au cours des dernières semaines.En août 2021, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté à Tel Aviv contre de nouvelles restrictions anti-Covid et contre la vaccination. Fin septembre 2021, des organisations gérant des crèches ont menacé le gouvernement d'une grève illimitée, demandant de meilleures conditions de travail. Cette grève a duré 5 jours, et a été émaillée de manifestations, restant tout de même loin de l'ampleur des mouvements décrits par Christian Tal Schaller. Elle n'était de plus pas directement liée à la vaccination contre le Covid-19.Fin octobre 2021, quelques dizaines de manifestants arabes israéliens ont bloqué une autoroute pour protester contre l'inaction présumée du gouvernement pour mettre fin à la criminalité dans les villes et villages arabes du pays. Une manifestation qui n'avait rien à voir avec la vaccination.En dehors d'Israël, des manifestants anti-vaccination ou anti-pass sanitaire ont bloqué des routes dans plusieurs pays. En septembre 2021 à Melbourne, par exemple, à New York fin octobre 2021 et même en Belgique, où certains manifestants ont bloqué l'autoroute A8 à la frontière avec la France. Mais aucune de ces actions n'a eu d'envergure nationale.Aucune trace d'une citation du ministre de la Santé affirmant qu'il n'y aurait eu "aucune victime vaccinale" après la troisième dose"Le ministre de la Santé a déclaré officiellement qu'il n'y avait pas de victimes vaccinales après la troisième injection", affirme Christian Tal Schaller à 1'32.Israël a étendu en septembre 2021 l'injection d'une troisième dose de vaccin (Pfizer/BioNTech) à tous les citoyens de plus de 12 ans, conditionnant depuis début octobre l'obtention du pass sanitaire à ce rappel. Une décision prise après la publication d'études montrant une baisse de protection des vaccins anti-Covid après 6 mois. Selon les chiffres disponibles sur le site du ministère de la Santé, en hébreu, plus de 4 millions d'Israéliens avaient reçu le rappel au 15 novembre 2021 (sur une population de 9 millions de personnes).En cherchant des mots-clés en français, anglais ou hébreu sur un moteur de recherche, on ne retrouve aucune trace d'une telle déclaration du ministre de la Santé israélien. Dans un document de pharmacovigilance publié le 25 septembre 2021, le ministère relevait 5 décès survenus après la troisième dose de vaccin parmi des personnes vaccinées et âgées de plus de 60 ans, sur plus d'un million de personnes ayant reçu le rappel. Sur les cinq décès, quatre ont été jugés non liés au vaccin, tandis qu'un faisait l'objet d'une enquête au moment de la publication de ce document.Il paraît donc peu probable que le ministre de la Santé ait déclaré qu'il n'y avait aucun décès causé par la troisième dose du vaccin, sachant qu'un document de son ministère évoque une enquête en cours. Les décès rapportés après une injection ne signifient pas qu'un lien avec la vaccination puisse être établi d'office. Pour établir ce lien, une enquête doit être réalisée par les autorités de santé. L'OMS ne recommande pour le moment pas le rappel du vaccin pour la population générale. Le Premier ministre israélien Naftali Bennett reçoit une dose de rappel du vaccin contre le coronavirus le 20 août 2021. ( AFP / JACK GUEZ)Le ministère de la Justice dément les "dizaines de milliers" de plaintes pour crimes contre l'humanité"Des dizaines de milliers de citoyens ont porté plainte contre la police et le gouvernement pour crimes contre l'humanité", déclare Christian Tal Schaller à 1'11. L'accusation de "crime contre l'humanité" lorsqu'on parle de la vaccination est récurrente parmi les opposants les plus extrêmes aux vaccins. Elle apparaît régulièrement dans des vidéos et des publications vérifiées par l'AFP, ici et ici par exemple. Elle fait partie d'une rhétorique plus vaste, qui banalise à l'extrême l'histoire de la Shoah en utilisant des termes tels que "génocide" ou "holocauste", terme également employé par Christian Tal Schaller.Comme l'expliquait Romain Le Boeuf, spécialiste du droit international et des crimes contre l'humanité à l'AFP en juillet 2021, "l'invocation de crimes contre l'humanité produit un effet médiatique ou émotionnel". "Même s’ils avaient raison sur la nocivité des vaccins, on ne peut en aucun cas parler de crimes contre l’humanité, de terrorisme ou de génocide parce qu’il manque l’intention de détruire un groupe ciblé comme tel", ajoutait dans le même article Yann Jurovics, enseignant-chercheur à l'Université d'Évry.Contacté le 11 novembre 2021, le ministère de la Justice israélien a déclaré à l'AFP n'avoir "aucune connaissance ou preuve" de dizaines de milliers de plaintes de citoyens contre la vaccination.De rares effets secondaires liés aux vaccins, dont l'efficacité contre les formes graves du Covid a été démontrée"Les vaccins anti-COVID sont dangereux, mortels et destructeurs de la vie", déclare Christian Tal Schaller à 1'00, évoquant le Docteur Zelenko, dont les propos ont déjà été vérifiés par l'AFP et affirmant que "les vaccins Pfizer ont tué des milliers et des milliers de personnes dans tout le pays" (à 1'28). Il affirme également que "20 000 citoyens ont témoigné que les Israéliens sont soit blessés avec de graves effets secondaires, soit ils décèdent rapidement après les injections du vaccin Pfizer".Le 1er octobre 2021, le ministère de la Santé israélien a indiqué que la troisième dose provoquait un taux d'effets secondaires plus faible que les deux premières doses. Sur son site, le ministère indique que les effets secondaires signalés après la vaccination "correspondent aux effets secondaires signalés pour les deux premières doses ou pour d'autres vaccins et comprennent habituellement une douleur locale dans la zone d'injection, des maux de tête, de la fièvre, des frissons, des douleurs musculaires".L'un des graphiques disponibles sur le site du ministère permet de suivre le nombre de décès quotidiens en fonction du statut d'immunisation des personnes. Les personnes vaccinées avec deux ou trois doses sont représentées en vert foncé, celles rétablies du Covid depuis moins de 6 mois et ayant reçu une dose de vaccin en vert clair, et les non vaccinées en bleu. Le graphique montrait clairement au 15 novembre 2021 un nombre plus élevé de décès du Covid-19 parmi les non-vaccinés. Capture d'écran réalisée sur le site du ministère de la Santé israélien le 15/11/2021.Un autre graphique disponible sur la même page permet d'observer une nette baisse des hospitalisations de patients Covid dans un état critique depuis le 27-28 septembre, quelques semaines après le début de la campagne de rappel de vaccination dans le pays. Capture d'écran réalisée sur le site du ministère israélien de la Santé le 15/11/2021L'AFP n'a pas retrouvé l'origine du chiffre de "20 000 citoyens" ayant prétendument témoigné de graves effets secondaires après la vaccination avec le vaccin de Pfizer. Un article publié en août 2021 et relayant une étude sur les effets indésirables signalés après la vaccination évoquait un ratio de 3,7 myocardites pour 20 000 jeunes hommes vaccinés.S'il est difficile d'établir les chiffres des décès liés à la vaccination en Israël, parler de "milliers" de personnes "tuées" par le vaccin semble exagéré.Les effets indésirables graves des vaccins anti-Covid existent mais restent pour le moment rares et surveillés par les agences de pharmacovigilance. Début juillet, l'Agence européenne des médicaments (AEM) a reconnu un "lien probable" entre les vaccins à ARN Messager (Pfizer, Moderna) et des problèmes cardiaques, qui ont ensuite été ajoutés aux notices. Le 22 juillet 2021, l'AEM a répertorié le syndrome de Guillain-Barré comme un effet secondaire "très rare" du vaccin Johnson & Johnson. Auparavant, en avril 2021, les caillots sanguins avaient été répertoriés par cette agence comme un effet secondaire "très rare" des vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson. L'immense majorité de la communauté scientifique s'accorde à dire que les vaccins sont efficaces contre les formes graves du Covid, comme l'a expliqué l'AFP à plusieurs reprises, notamment ici. La situation s'est complexifiée avec l'arrivée du variant Delta, mais les spécialistes insistent aussi sur le fait que les vaccins sont indispensables pour lutter contre ce variant. "Ce que les scientifiques préconisent, c'est le maximum de personnes protégées", expliquait fin août à l'AFP l'épidémiologiste Antoine Flahault.Une étude publiée le 21 juillet et reprise dans ce précédent article de l'AFP concluait que deux doses du vaccin Pfizer sont efficaces à 88% pour protéger contre les formes graves de la maladie engendrée par le variant Delta et à 35% pour une dose."Il existe de très nombreuses preuves de l'efficacité de la vaccination pour prévenir les formes graves de la maladie et les décès dus au Covid-19. Nous soutenons fermement que la vaccination est un outil essentiel pour lutter contre le Covid et les terribles conséquences de la maladie", affirmaient les auteurs de l'étude. "Les premières données montrent l'efficacité de la troisième dose : la protection est en général même meilleure qu'après la deuxième. Si cela se confirme, elle pourrait à terme être envisagée comme faisant partie de la vaccination initiale, qui compterait trois injections", abondait Sandrine Sarrazin, chercheuse à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) au Centre d'Immunologie de Marseille-Luminy , interrogée dans le même article. Le 14 novembre 2021, Israël a donné son feu vert à la vaccination des enfants de 5 à 11 ans avec des doses du vaccin de Pfizer-BioNTech. Pfizer a cependant été au cœur d'une polémique début novembre, lorsqu'un sous-traitant du groupe a été accusé d'avoir mal mené une partie des essais cliniques du vaccin.
(fr)
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