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Des photos montrant un homme toucher un requin, censées raconter une belle histoire d'amitié entre l'animal et le pêcheur, ont été partagées plusieurs milliers de fois ces dernières années sur les réseaux sociaux. Mais cette histoire était à l'origine un poisson d'avril publié en 2006 par un magazine de pêche. Les photos utilisées montrent en réalité plusieurs scientifiques déclenchant une impressionnante réaction chez des requins blancs en les touchant au niveau du museau. "Le pêcheur australien Arnold Pointer a sauvé une femelle requin blanc de la mort il y a deux ans en le libérant d'un filet. Aujourd'hui, il a un problème : un requin le suit partout !", raconte l'auteur de cette publication, partagée plus de 800 fois depuis le 30 mai 2021. Cette publication est accompagnée d'une photo sur laquelle on voit un homme toucher un requin dont la gueule est grande ouverte, dans un geste qui semble être une caresse. L'histoire se poursuit : "Arnold raconte : ′′Dès que j'arrête le bateau, elle nage jusqu'à moi, tourne le dos et me laisse gratter son ventre et son cou"". Capture d'écran réalisée sur Facebook le 13/07/2021 Dans les commentaires, les internautes s'émerveillent de cette jolie histoire. ( Marie GENRIES) Capture d'écran réalisée le 13/07/2021 sur Facebook Cette photo circule depuis des années sur les réseaux sociaux. Une publication similaire, publiée en avril 2012, a été relayée près de 5 000 fois depuis et continue à être partagée cette année. D'autres, comme celle-ci, publiée le 7 juin 2021 et visible en entier ci-dessous, partagent plusieurs photos. Dans cette version, le requin a même un prénom : Cindy. L'histoire circule également sur Twitter. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 13/07/2021En réalité, cette photo ne montre pas une belle histoire d'amitié entre un pêcheur et un requin, mais des scientifiques cherchant à déclencher une réaction chez des requins en les touchant à un endroit précis du museau. Cette histoire a déjà été vérifiée par l'AFP en espagnol et circule également en anglais et en portugais. Il s'agissait à l'origine d'un poisson d'avril publié en 2006 par le Magazine des Voyages de pêche, a confirmé son rédacteur en chef à l'AFP. Une blague ancienne devenue virale En observant de près la publication Facebook avec plusieurs photos, on remarque que l'une d'entre elles porte la mention "Michael Scholl", biologiste et expert des requins internationalement reconnu. En faisant une recherche d'image inversée - voire ici comment procéder- et en y ajoutant ce nom, le premier résultat qui apparaît est un article de blog publié en 2006, qui indique que Michael Scholl aurait photographié cette image montrant Michael Rutzen, également spécialiste des requins. L'auteur y raconte une autre histoire que celle décrite dans les publications que nous vérifions : sur cette photo, Michael Rutzen serait en train de tester une "caresse" à un endroit précis du museau du requin, entraînant une réaction impressionnante de l'animal. Si l'on tape les noms "Michael Scholl" et "Michael Rutzen" dans un moteur de recherche, on retrouve de nombreuses photos correspondant à celles dont nous cherchons l'origine, ainsi qu'un article du magazine "Allez savoir" de l'université de Lausanne, intitulé "J’ai caressé un grand requin blanc", d'où semble tiré l'article de blog cité un peu plus haut. Comme l'avaient expliqué nos collègues de Snopes dans un article de vérification remontant à 2008, l'histoire d'amitié mettant en scène un pêcheur nommé Arnold Pointer prend son origine dans une blague, publiée par le Magazine des Voyages de pêche à l'occasion du 1er avril 2006. En 2008, l'ancêtre de notre fausse information, un portfolio animé vérifié par Snopes, citait directement le magazine sans avoir compris qu'il s'agissait d'une blague.L'AFP a contacté le 14 juillet 2021 le rédacteur en chef du magazine, Julien Lajournade, qui a confirmé que cette histoire était bien un poisson d'avril ancien, ajoutant que le nom du pêcheur, Pointer, "vient de "white pointer", un des surnoms du grand requin blanc", eta envoyé une capture d'écran de l'article original, visible ci-dessous.La fin de l'histoire, qui n'est pas reprise dans les publications virales, s'avère particulièrement loufoque, "Arnold Pointer" se disant débordé par l'enthousiasme de son nouvel ami, qui "balance des otaries de 200 kilos à moitié déchiquetées sur (son) bateau". Capture d'écran du "poisson d'avril" original transmise par Julien Lajournade, rédacteur en chef du Magazine des Voyages de pêche, publiée avec son autorisation Un comportement étrange à l'origine de ces photos L'AFP en espagnol a contacté Michael Scholl en juin 2021. Le biologiste a confirmé que cette histoire est une fable qui "circule depuis plus d'une décennie sur les réseaux sociaux". Le spécialiste a indiqué que l'homme en casquette bleue et tee-shirt blanc (dans la publication comprenant plusieurs photos) est bien Michael Rutzen. S'agissant des autres images, il a déclaré: "je ne me souviens pas qui les a prises (...) Je pense que l'une d'entre elles a été prise par (le cinéaste et vidéaste, ndlr) Andy B. Casagrande". Il a ajouté que l'homme à la casquette blanche et au tee-shirt bleu, dont la photo apparaît dans les deux publications, est Morne Hardenberg, un autre spécialiste des requins.Michael Scholl a expliqué que ces images ont été prises entre 1999 et 2004 près de l'île Dyer, dans la province du Cap-Occidental, en Afrique du Sud, une province réputée pour sa concentration de requins blancs. Un requin à pointe noire en train de nager à Umkomaas, près de Durban, en Afrique du Sud, le 10 décembre 2020 ( AFP / Michele Spatari)Contacté par l'AFP en juin, Andy B. Casagrande a confirmé être l'auteur des photos montrant Morne Hardenberg, confirmant lui aussi qu'il ne s'agit pas d'un "pêcheur ou d'une quelconque histoire d'amour, c'est juste un requin qui interagit avec nous sur le bateau". Michael Scholl a expliqué à l'AFP que, sur ces photos, les scientifiques étudient un comportement intrigant des requins blancs: "Lorsque vous touchez le museau d'un requin blanc, il réagit (probablement un réflexe) en arquant son dos et en ouvrant sa gueule". "Mon opinion (mais il existe d'autres théories et opinions) est qu'il s'agit d'un réflexe automatique de protection pour le requin, dans la mesure où le museau est une région sensible (il concentre l'ampoule de Lorenzini, l'électrorécepteur du sixième sens chez les requins) qui se trouve dans un angle mort du requin", a-t-il déclaré. "Le museau est proche des yeux précieux du requin, dont le réflexe est donc d'ouvrir la bouche et de s'arquer en arrière, ce qui fait que ce qui a touché le museau se retrouve directement devant sa bouche et ses dents". "C'est une sorte de réaction de défense du requin pour protéger sa tête et ses yeux. D'autres disent que le fait de le toucher stimule les électrorécepteurs", a-t-il ajouté.Cette technique était utilisée pour "frimer devant les médias" à la fin des années 1990 et au début des années 2000, a déclaré le biologiste, indiquant que la couverture du National Geographic d'avril 2000 a été réalisée grâce à cette technique.Un article publié sur le site Brand South Africa en 2009 évoque le même phénomène. En tapant les mots clés "requin museau Michael Rutzen" en anglais sur Google, on retrouve également une vidéo dans laquelle Michael Rutzen (d'après la description) fait le même geste que sur les photos. Selon Michael Scholl, cité dans l'article du magazine "Allez Savoir" mentionné plus haut, cette pratique est interdite depuis 2004, "pour éviter un accident éventuel chez les opérateurs touristiques". Un requin nage vers un thon mort, utilisé comme appât, lors d'une excursion de plongée en cage avec des requins, le 30 mars 2010, dans les eaux de Gansbaai, dans la province du Cap-Occidental, en Afrique du Sud. ( AFP / GIANLUIGI GUERCIA)Le biologiste a raconté à l'AFP que, lors de ses expériences, "certains requins étaient plus curieux et plus 'joueurs' que d'autres, certains semblaient apprécier ou ne pas se soucier d'être touchés sur le museau et revenaient pour en avoir plus. Parfois, certains d'entre eux se courbaient tellement qu'ils tombaient sur le dos et restaient comme ça, en nageant lentement sur le dos".
(fr)
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