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Des publications relayées plus de 1.500 de fois en une semaine soutiennent qu'un "fonds d'indemnisation a été créé par l'Union européenne" pour les familles des "milliers de victimes de la vaccination" anti-Covid. C'est faux : ces publications s'appuient sur une proposition de résolution déposée par une eurodéputée et non par le Parlement européen, a indiqué l'institution européenne à l'AFP. Par ailleurs, le "nombre de victimes" avancé repose sur une utilisation trompeuse de la base de données européenne de surveillance des vaccins contre le Covid, qui recense les décès signalés après la vaccination mais pas nécessairement à cause d'elle."Olivier Véran affirme qu'il n'y a aucun mort lié au vaccin contre l[e] Covid-19. Cependant, un fond (sic) d'indemnisation a été créé par l'Union européenne pour les familles des milliers de victimes !", écrit le 1er novembre sur Twitter Juliette Deschateaux, fondatrice du collectif étudiant contre la dictature sanitaire (EMLU). Elle accompagne sa publication d'une photo du ministre de la Santé ainsi que d'un lien vers une proposition de résolution du Parlement européen. Son message a été partagé plus de 1.500 fois et repris sur Facebook sous différentes formes. Capture d'écran prise sur Twitter le 09/11/2021 Capture d'écran prise sur Facebook el 10/11/2021 D'autres publications affirment que ce fonds n'aurait pas encore été créé, mais que la proposition de résolution émanerait du Parlement européen. Capture d'écran prise sur Twitter le 10/11/2021 Capture d'écran prise sur le site Aulnaycap.com le 10/11/2021 Une proposition de résolution déposée individuellementSi une proposition de résolution concernant la création d'un "fonds européen d'indemnisation des victimes des vaccins contre l[e] Covid-19" a bien été déposée le 23 septembre, c'est à l'initiative d'une seule eurodéputée française Virginie Joron (Rassemblement national) et non celle du Parlement européen, a confirmé l'institution européenne à l'AFP le 9 novembre. Capture d'écran prise sur le site du Parlement européen le 09/11/2021En effet, conformément à l'article 143 du règlement du Parlement européen, "tout député peut déposer une proposition de résolution portant sur un sujet qui entre dans le cadre des activités de l'Union européenne", jusqu'à une fois par mois. Capture d'écran prise sur le site du Parlement européen le 09/11/2021Tout texte conforme est "publié sur le site internet du Parlement européen", a précisé l'instance européenne à l'AFP, sans que cela signifie pour autant que la résolution est adoptée, comme l'ont interprété à tort de nombreux internautes.Le paragraphe 4 de cet article précise ensuite que la proposition de résolution est soumise au président" qui vérifie si elle satisfait aux critères applicables". "Si le président déclare la proposition recevable, il en fait l'annonce en séance plénière et la transmet à la commission compétente", dispose le règlement. C'est ensuite à la commission désignée de décider de la suite à lui donner. Elle peut "joindre la proposition de résolution à d'autres propositions de résolution ou rapports", "adopter un avis", "établir un rapport", ou encore "décider de ne pas donner suite à la proposition de résolution". Suivant cette procédure standard, la proposition de résolution de Virginie Joron a été annoncée en séance plénière le 21 octobre et transmise à la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI), comme indiqué sur le site du Parlement européen. Capture d'écran prise sur le site du Parlement européen le 09/11/2021"A ce jour, ce sujet n'a malheureusement pas été discuté en commission ENVI avec les coordinateurs et je n'ai pas été informée des suites données", a regretté le 5 novembre sur Twitter Virginie Joron. Une source parlementaire européenne interrogée par l'AFP le 9 novembre, a cependant indiqué à l'AFP que les coordinateurs de la commission ENVI ont bien étudié cette proposition de résolution au cours d'une réunion tenue le 27 octobre et qu'ils "se sont mis d'accord pour ne pas donner suite".Cette décision doit néanmoins encore être approuvée par l'intégralité du comité de la commission ENVI qui se réunira, selon l'agenda du parlement européen, le 18 novembre prochain. La commission ne peut pas, en effet, déléguer aux coordinateurs le pouvoir de prendre des décisions concernant l'adoption de rapports, de propositions de résolution, d'avis ou d'amendements. S'il est donc encore théoriquement possible qu'une décision différente soit prise, cela semble peu probable, puisque l'ensemble des groupes politiques, représentés par les coordinateurs, ne s'est pas prononcé en faveur de la proposition de Virginie Joron.Par ailleurs, même si la commission ENVI prenait finalement une décision différente de celle des coordinateurs, ce texte devrait encore être soumis au débat et au vote du Parlement européen, et être approuvé pour devenir une résolution.Enfin, il reviendrait à la Commission européenne de décider ou non si elle souhaite suivre cette résolution, en la transformant en proposition législative, qui serait alors renvoyée au Parlement pour être débattue.Une interprétation trompeuse des données de l'Agence européenne des médicamentsEn outre, la proposition de l'eurodéputée de créer un "fonds d'indemnisation pour les victimes des vaccins contre le Covid-19", repose sur une interprétation trompeuse des données de la base de données européenne qui recense les effets secondaires signalés après la vaccination, mais pas nécessairement à cause de la vaccination, comme le rappelle l'Agence européenne des médicaments (AEM). Capture d'écran prise sur le site du Parlement européen le 09/11/2021Virginie Joron explique ainsi que l'AEM "affirme que les vaccins contre l[e] Covid-19 ont eu, dans l'Union européenne, une issue fatale pour environ 5.000 personnes".Mais l'AFP a expliqué à plusieurs reprises (ici ou là) que ces chiffres sont calculés à partir de la base Eudravigilance de l'Agence européenne des médicaments, dont le site précise d'emblée que son contenu ne reflète "aucune confirmation d'un lien potentiel entre le médicament et le(s) effet(s) observé(s)".Cette base de données est alimentée par les signalements de médecins ou de particuliers qui font remonter l'existence d'effets secondaires potentiels apparus plus ou moins longtemps après une injection et sur lesquels les autorités de pharmacologie devront enquêter pour déterminer si un lien peut ou non être établi avec le vaccin."Les informations sur ce site font référence à des soupçons d'effets secondaires, c'est-à-dire des événements médicaux qui ont été observés après l'administration des vaccins contre le Covid-19 mais qui ne sont pas nécessairement liés ou causés par le vaccin. Ces événements pourraient avoir été causés par d'autres maladies ou être liés à d'autres médicaments pris par le patient au même moment", met ainsi en garde l'AEM.Il est donc erroné de suggérer, comme le fait la publication, que cette base de données permet d'établir que les vaccins sont responsables des décès survenus après la vaccination contre le Covid-19.Le même raisonnement s'applique au "million de cas d'effets indésirables"" répertoriés et mis en avant par l'eurodéputée, même si plusieurs d'entre eux ont bien été reliés aux vaccins après un examen plus poussé des autorités sanitaires.De très rares affections ont ainsi été associées à l'AstraZeneca (thrombose, comme nous l'expliquions ici) aux vaccins à ARN messager (péricardite, myocardite) ou au Johnson & Johnson (syndrome de Guillain-Barré), mais la plupart sont bénins (douleur au point d'injection, fièvre...).Ces effets potentiels restent en outre extrêmement rares au regard du nombre de 603 millions de doses administrées dans l'Union européenne. 300 millions de personnes sont ainsi complètement vaccinées, soit 67% de la population de l'UE.L'Agence européenne des médicaments continue donc de conclure, dans un avis du 9 juillet (en anglais), que "les bénéfices de tous les vaccins Covid-19 autorisés continuent de surpasser leurs risques, étant donné le risque de la maladie du Covid-19, les complications qui lui sont associées, et le fait que des preuves scientifiques montrent qu'ils réduisent les décès et les hospitalisations dus au Covid".La Haute autorité de santé en France (HAS) a néanmoins déconseillé le 8 novembre le recours au vaccin Moderna pour les moins de 30 ans, se basant notamment sur une étude selon laquelle il accroît légèrement le risque de myocardite et péricardite pour cette population.A l'inverse, elle recommande que le vaccin Moderna, "dont l'efficacité vaccinale semble légèrement meilleure, puisse être utilisé en primovaccination et pour l'administration d'une dose de rappel en demi-dose chez les sujets âgés de plus de 30 ans". Les publics concernés par la dose de rappel en France à la date du 9 novembre 2021Les chiffres avancés par Virginie Joron sont par ailleurs sujets à caution, comme l'AFP l'avait déjà démontré dans cette publication.Pour les obtenir, l'auteur s'est rendu sur le site d'Eudravigilance, puis dans l'onglet "rapports sur les effets indésirables suspectés des médicaments pour les substances" et dans la lettre "C". L'internaute a alors accès à tous les événements rapportés pour chaque vaccin anti-Covid utilisé dans l'Union européenne. Pour chacun, il peut consulter dans l'onglet "Number of Individual cases for a selected reaction" ("Nombre de cas individuels pour une réaction sélectionnée") un chiffre répertoriant des décès ("Outcome: fatal").Les chiffres partagés dans ces publications viennent de l'addition de ces "fatal outcome" - "issue mortelle" en français - pour chaque type de réaction.Une telle addition n'a pourtant pas de sens, avait déjà expliqué l'EMA en avril à l'AFP : "Il est important de noter qu'une déclaration d'effet secondaire peut contenir plus d'une réaction suspectée et que ces réactions peuvent être classées dans différents groupes de réactions. Par conséquent, la somme du nombre de cas mortels par groupe de réactions ne donnera jamais le nombre total de cas mortels", avait expliqué l'agence, prenant l'exemple d'un patient ayant souffert de vomissements et de maux de tête après la vaccination. Ce patient sera alors "comptabilisé dans le groupe de réactions 'troubles gastro-intestinaux' et dans le groupe de réactions 'troubles du système nerveux'", qui ne sauraient donc être additionnés.A l'échelle mondiale, au moins 7,3 milliards de doses de vaccins anti-Covid ont été administrées, selon un comptage réalisé par l'AFP à partir de sources officielles. 10 novembre 2021 Revoici enlève le doublon "à l'AFP" dans le chapô
(fr)
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