?:reviewBody
|
-
Dans un contexte de vives tensions politiques dans les pays du Sahel, l’image de personnes massées devant de grandes flammes et de la fumée noire est partagée des centaines de fois en Afrique de l’Ouest depuis le 30 janvier 2022. Elle est censée montrer une récente manifestation à Niamey, la capitale du Niger. Mais c'est faux: cette photo a été prise en 2014 durant des émeutes à Ouagadougou, au Burkina Faso. La publication, partagée près de 500 fois sur Facebook, montre des dizaines de personnes de dos sous un ciel noirci par des flammes. "Niger. Les rues de Niamey en ébullition", écrit l’auteur de cette publication, en lettres capitales. "La marche panafricaine se déroule dans la violence”, affirme-t-il. Cette manifestation aurait été organisée notamment pour réclamer "le retrait sans délai de toutes les bases militaires étrangères, principalement celle des Français". Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 2 février 2022Ces propos, dans un contexte de fortes tensions politiques dans les pays du Sahel, suscitent bon nombre de messages de "soutien au peuple nigérien".La même photo est associée à d’autres publications Facebook (1,2) qui évoquent une manifestation pour "demander le départ du président Bazoum (Mohamed Bazoum, le président du Niger, NDLR), la fin des bases militaires françaises, la fin de la corruption". Aucun lien avec le NigerDe pareilles rumeurs sont nombreuses sur la toile alors que des critiques à l'égard de la présence militaire française se font entendre au Niger, au Mali et au Burkina Faso. Ces rumeurs sont encore plus présentes, quelques jours après que le Burkina Faso, pays frontalier du Niger, a connu un coup d’Etat le 24 janvier 2022, chassant Marc Roch Christian Kaboré du pouvoir. Avant ce coup d’état, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) avaient pris une batterie de mesures économiques et diplomatiques à l'encontre du Mali, en réaction aux velléités de la junte de se maintenir au pouvoir encore plusieurs années. La mise sous embargo du Mali a déclenché de vives réactions au sein de l’opinion publique dans les pays de l'Afrique de l’Ouest. Mais l’image qui circule actuellement n’a aucun lien avec le Niger.Nous avons effectué une recherche d'images inversées (voir ici, comment on procède) avec cette photo et l’avons retrouvée dans un article du média français Francetvinfo, créditée Agence France-Presse (AFP). Elle se trouve effectivement dans la banque d’images de l’AFP et a été prise par Issouf Sanogo, un photographe de l'agence.Selon la légende, la scène se déroule près du Parlement du Burkina Faso, à Ouagadougou, où des manifestants ont incendié des voitures, le 30 octobre 2014, alors qu'ils protestaient contre le projet de modification de la constitution pour permettre au président Blaise Compaoré de prolonger son règne de 27 ans. Capture d'écran réalisée sur afpforum.com, le 2 février 2022Le descriptif de la photo explique que la police avait lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants pour tenter de les empêcher de s'installer dans le bâtiment de l'Assemblée nationale dans la capitale Ouagadougou avant le vote sur la législation controversée. "Mais environ 1.500 personnes ont réussi à franchir le cordon de sécurité et saccager le parlement, selon des correspondants de l'AFP. Les manifestants ont saccagé des bureaux, incendié des documents et volé du matériel informatique, et incendié des voitures à l'extérieur”, lit-on dans la légende de cette image. La crainte d’un effet domino au NigerQuant à la rumeur sur une récente manifestation à Niamey, Hama Boureima, correspondant de l’AFP au Niger, affirme qu’il y avait certes une manifestation prévue dimanche, le 30 janvier 2022, mais qu'elle a été interdite. "Il n'y a donc pas eu de manifestation le dimanche 30 janvier à Niamey. Les forces de l'ordre avaient pris position en différents endroits de la capitale censés abriter la manifestation", explique-t-il."Non, cette manifestation projetée dimanche à l'appel du mouvement Tournons la page à Niamey, n'a pas eu lieu", confirme une source sécuritaire au Niger, contactée le 1er février par l’AFP. "Par prudence, et pour éviter d'éventuels regroupement, et après son interdiction par les autorités, nos éléments ont été déployés sur l'itinéraire prévu. Il n'y avait rien eu à signaler", ajoute-t-elle.Comme expliqué dans une dépêche AFP, les récents coups d'Etat au Mali et au Burkina font craindre un effet domino au Niger, confronté aux mêmes défis économiques, sociaux et sécuritaires que ses deux voisins sahéliens.Des détracteurs du régime du président Mohamed Bazoum inondent les réseaux sociaux en prédisant que "ce qui est arrivé à Bamako et Ouagadougou risque d’arriver à Niamey", allant jusqu'à inviter "l'armée à prendre ses responsabilités". Le président nigérien Mohamed Bazoum s'adresse aux habitants de Banibangou le 6 novembre 2021 lors d'une visite après la mort de 69 habitants de la région dans une embuscade jihadiste. ( AFP / BOUREIMA HAMA)L'histoire du Niger, parmi les pays les plus pauvres au monde et en proie à des attaques jihadistes meurtrières, est jalonnée de coups d'Etat.Depuis l'indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre : le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mamadou Tandja ; sans compter une série de tentatives entre 2011 et 2021.Les putschs en série agitent l'Afrique de l'Ouest depuis 2020 : au Mali en août de cette année-là et de nouveau en mai 2021, Guinée en septembre 2021 et tout récemment au Burkina Faso, le 24 janvier.Le 1er février 2022, le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, un ancien général au pouvoir depuis 2020, a échappé à une tentative de coup d'Etat qui a fait, selon lui, "des morts".
(fr)
|