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  • 2021-06-04 (xsd:date)
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  • Hydroxychloroquine, origine du virus, masques : attention aux interprétations erronées des emails d’Anthony Fauci (fr)
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  • Dans de nombreuses publications sur les réseaux sociaux depuis le 1er juin, des internautes qualifient la mise en ligne par des médias américains d'emails d'Anthony Fauci, immunologue et conseiller de la Maison Blanche, de "fuite énorme". Ces emails révèleraient l'existence d'une "magouille à tous les étages" sur la pandémie de Covid-19 pour, entre autres, imposer le port du masque, dissimuler l'origine du virus ou discréditer l'hydroxychloroquine. Selon les courriers électroniques consultés par l'AFP, ces interprétations sont fausses."Fauci, 'le plus grand expert en maladies infectieuses' va probablement passer un sale quart d'heure aujourd'hui et les prochains jours", jubile une internaute sur Facebook, dans une vidéo partagée plus de 4.000 fois depuis le 5 juin. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 4 juin 2020Selon elle, Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses américain, "était au courant de tout depuis le début" au sujet de la "plandémie", terme utilisé par les conspirationnistes pour nier la réalité de l'épidémie de Covid-19.La preuve ? La mise en ligne récente de milliers d'échanges électroniques où l'on pourrait notamment lire que le conseiller de la Maison Blanche "savait que l'hydroxychloroquine était bénéfique pour le Covid" ou "que le laboratoire chinois avait déjà manipulé les coronavirus".Un exemple parmi d'autres de dizaines de publications qui circulent depuis mardi 1er juin sur les réseaux sociaux évoquant un "scandale", une "fuite énorme" ou encore la preuve d'une "magouille" internationale en diffusant des captures d'écran d'emails. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 4 juin 2020 Capture d'écran réalisée sur Facebook le 4 juin 2020  D'où viennent ces emails ?Mais contrairement à ce que prétendent certaines de ces publications, les quelque 4.000 pages d'emails du Dr Fauci ne proviennent pas d'une "fuite" explosive de documents confidentiels, qui serait par exemple comparable à la publication par WikiLeaks de dizaines de milliers de télégrammes diplomatiques confidentiels en 2010-2011. L'obtention par le Washington Post et BuzzFeed News de courriels du conseiller de la présidence des Etats-Unis sur la pandémie procède, en réalité, d'une loi de 1967, le Freedom of Information Act (FOIA), qui permet à tout citoyen de demander un accès aux documents de "n'importe laquelle des agences fédérales", peut-on lire sur le site officiel dédié à cette loi. Il y a certes des restrictions – secret-défense, informations commerciales confidentielles...- et des blocages, mais cette loi a notamment permis de rendre publics en 2013 des documents relatifs au procès de l'ex-soldate Chelsea Manning, "taupe" présumée de WikiLeaks, et, à partir de 2015, des emails d'Hillary Clinton lorsqu'elle était secrétaire d'Etat (entre 2009 et 2013). Aux Etats-Unis, le débat sur les emails du Dr Fauci a exclusivement porté sur leur contenu et jamais sur l'opportunité de leur publication.  Dans leurs premiers articles sur le sujet parus le 1er juin, le Washington Post et BuzzFeed ont insisté sur la pression qui pesait sur l'immunologue du fait des tensions avec l'administration Trump, qui minimisait alors l'ampleur de l'épidémie. Des médias conservateurs comme Fox News ont ensuite fait entendre une voix plus critique en suggérant que ces emails prouvaient notamment que le Dr Fauci avait dissimulé des éléments sur l’origine du Covid-19. "Manque de données" sur l'hydroxychloroquineDans la vidéo virale évoquée au début de cet article, une femme affirme donc que Anthony Fauci "savait que l'hydroxychloroquine était bénéfique pour le Covid-19" selon les mails. De nombreuses autres publications (1,2,3,4) avancent que certains des échanges électroniques sont la preuve d'un "sabotage" pour empêcher l'utilisation contre le Covid-19 de l'antipaludéen, ardemment défendu en France par le professeur Didier Raoult.A ce sujet lire notre article Covid-19 et controverses : que sait-on de l’hydroxychloroquine ?Pourtant, dans les mails consultés par l'AFP, l'épidémiologiste américain n'estime à aucun moment qu'il s’agit d'un traitement efficace contre la maladie. Comme le souligne le Washington Post, Anthony Fauci relève surtout des doutes et un "manque de données" quand on le sollicite à ce sujet."Il y a beaucoup d'affirmations de ce genre qui circulent. J'aimerais voir leurs données", répond-il à un pharmacien l'interrogeant en février 2020 sur une publication scientifique chinoise analysant les effets de la chloroquine sur le virus responsable du SRAS entre 2002 et 2004. Capture d'écran d'un e-mail d'Anthony Fauci, réalisée le 4 juin 2021Le 25 mars 2020, il est sollicité par le président du Conseil scientifique en France, Jean-François Delfraissy, qui demande l'avis de l'institut de santé américain sur l'hydroxychloroquine et s'intéresse à la situation aux Etats-Unis après les déclarations de Trump sur le sujet."Comme vous le savez peut-être, nous sommes confrontés à un buzz médiatique depuis l'annonce faite par le Dr. Raoult sur l'efficacité de l'hydroxychloroquine. Ses données ne sont pas particulièrement convaincantes. Nous pouvons remarquer un léger signal positif mais il doit être confirmé par un essai randomisé bien réalisé (...) Je subis une énorme pression politique pour libérer l'hydroxychloroquine et en donner à tout le monde mais je résiste actuellement…", peut-on lire dans un mail envoyé par M. Delfraissy à Anthony Fauci. Capture d'écran d'un mail de Jean-François Delfraissy, réalisée le 4 juin 2021"Nous devrions de préférence rendre les médicaments disponibles dans le cadre d'essais cliniques randomisés et contrôlés et non librement les distribuer", lui répond l'immunologue américain.Loin d'être une révélation explosive, le positionnement de M. Fauci sur l'hydroxychloroquine dans les mails consultés correspond en réalité à celui qu'il a adopté en public."Des essais cliniques sont en cours pour déterminer si l'hydroxychloroquine est efficace pour prévenir le Covid-19 chez les personnes exposées. Jusqu'à ce que nous connaissions la réponse à cette question, les personnes qui prennent hydroxychloroquine sur une base quotidienne pour une autre condition médicale devraient se considérer vulnérables au COVID-19 et prendre les mesures appropriées et recommandées pour se protéger", écrit par exemple Anthony Fauci le 21 avril 2020.Contacté par l'AFP en août 2020, un porte-parole de l'Institut américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), dont M. Fauci est le directeur, avait déjà expliqué : "Le Dr Fauci a précédemment déclaré qu'il manquait des preuves concluantes issues d'essais randomisés contrôlés pour prouver que l'hydroxychloroquine est un traitement efficace contre le COVID-19".Depuis, des études randomisées (méthode considérée comme la plus fiable pour tester un traitement avec un groupe recevant le traitement et un groupe témoin recevant un placebo) -  la britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity menée par l’OMS - ont démontré que l'hydroxychloroquine, n'était pas efficace contre le Covid-19.Interrogé le 4 juin 2021 par l'AFP, l'entourage du Pr Delfraissy rappelle le "contexte de l'époque, avec des pressions de tous bords pour libéraliser l'usage de l'hydroxychloroquine : intellectuels de droite comme de gauche, personnalités politiques qui déclaraient avoir été sauvés par ce traitement ou qui relataient que des amis l’avaient été".Dans cet échange, le Pr Delfraissy "déclare qu'il a résisté à toutes sortes de pressions, y compris politiques, et on peut dire que les résultats de la science lui ont donné raison", poursuit son entourage.Le 2 mars 2021, un comité d'experts internationaux de l'OMS a conclu dans une note publiée dans le British Medical Journal (BMJ) que l'hydroxychloroquine "ne doit pas être utilisée comme traitement préventif pour les personnes qui ne sont pas atteintes du Covid".Des masques inutiles ?Plusieurs publications (dont celle-ci) affirment voir dans un des emails du Dr Fauci la preuve qu'il était, dès début 2020, au fait de l'inutilité supposée du masque pour se protéger du Sars-Cov-2. Dans ce courriel en date du 5 février, l'immunologiste en chef répond à une femme qui s'apprête à prendre l'avion et lui demande si elle doit porter un masque. "Les masques, lui écrit-il, sont vraiment destinés à éviter que des gens infectés ne propagent l’infection" plus "qu'à éviter à des gens non-infectés de contracter l'infection". "Le masque de base que vous achetez en magasin n'est pas vraiment efficace pour tenir à distance le virus", ajoute-t-il.  Capture d'écran d'un mail d'Anthony Fauci, réalisée le 4 juin 2021Il précise toutefois que porter un masque peut "avoir de légers bienfaits" pour se protéger des grosses gouttelettes projetées quand quelqu'un tousse ou éternue.Selon les publications Facebook, cet email apporterait la preuve que le Dr Fauci était "au courant de toute la vérité", notamment "sur les masques ou le confinement qui ne sert (sic) à rien". En réalité, cet email reflète le consensus scientifique qui existait à ce stade encore peu avancé de l’épidémie. Fin février 2020, les autorités sanitaires américaines des Centres de prévention des maladies (CDC) continuaient ainsi à ne pas recommander le port du masque.  En France, l'ex-porte-parole du gouvernement Sibeth N'Diaye avait, elle aussi, défendu en mars 2020 sur BFMTV l'idée que les masques n'étaient pas "nécessaires pour tout le monde" et avait même estimé qu'ils pouvaient être "contre-productifs" s'ils étaient manipulés de manière inadéquate. Quelques semaines plus tard, ce consensus avait toutefois radicalement évolué.  En avril 2020, les autorités américaines ont commencé à recommander le port du masque, une consigne promue alors par le Dr Fauci. "Je veux me protéger et protéger les autres", expliquait-il en mai 2020 sur CNN. Selon Benjamin Neuman, virologue à l’université du Texas, cette évolution, classique en matière scientifique, est liée à l'accélération de la pandémie. "Les emails et les déclarations du Dr Fauci montrent l'évolution de la compréhension (de la pandémie, ndlr) et le changement progressif des priorités, qui étaient d'abord d'éviter un effondrement des hôpitaux et ont ensuite été élargies aux mesures de contrôles plus larges du virus", a-t-il expliqué, joint par l'AFP. Le Dr Fauci a toutefois reconnu en juillet 2020 que l'évolution du discours sur les masques "avait nui à la diffusion du message".  (AFP / Ander Gillenea)En France, la doctrine a elle aussi évolué, à mesure également que l'approvisionnement en masque se renforçait. "Il y a quelques semaines, les autorités scientifiques ne recommandaient pas le port du masque pour tout le monde dans la vie de tous les jours. L'Académie de médecine a été la première en France à évoluer de ce point de vue-là", avait ainsi affirmé Sibeth Ndiaye début mai 2020 sur Europe 1. Le port du masque est devenu obligatoire dans les lieux publics fermés à la mi-juillet 2020 avant d’être généralisé autour de la rentrée de septembre.L'AFP a plusieurs fois épinglé des publications mettant en cause l'inutilité des masques (ici ou là)."Un virus modifié"Sur Facebook et Twitter, des internautes partagent un e-mail censé prouver que des séquences génétiques du coronavirus ont été modifiées. L'email en question a été rédigé par Kristian Andersen, directeur du centre de recherche biomédicale américain Scripps Research.Dans cet e-mail, daté du 31 janvier 2020, le professeur réagit à un article scientifique publié dans la revue Science, intitulé "explorer des génomes des coronavirus pour trouver des indices sur les origines de l'épidémie". Kristian Andersen indique dans sa réponse que son équipe et lui se penchent sur la question. Il indique notamment, dans une phrase surlignée par les internautes, que "les caractéristiques inhabituelles du virus ne représentent qu'une infime partie du génome (<0,1%). Il faut donc examiner de très près toutes les séquences pour s'apercevoir que certaines caractéristiques semblent (potentiellement) modifiées". Plus loin, il écrit : "Je dois mentionner que Eddy, Bob, Mike et moi-même trouvons que le génome du virus ne correspond pas aux prévisions de la théorie de l'évolution", ce qui semble soutenir la théorie d'un virus non "naturel".  Capture d'écran d'un mail envoyé à Anthony Fauci, réalisée le 4 juin 2021Le 20 avril 2020, trois mois après, Anthony Fauci envoie par email le lien d'une étude signée entre autres par Kristian Andersen et publiée dans la revue Nature Medicine le 17 mars.Comme l'explique l'Inserm, qui évoque cette étude sur une page dédiée aux fausses informations autour du Covid-19, "les chercheurs examinent ce qui peut être déduit de l'origine du coronavirus SARS-CoV-2, à partir d'une analyse comparative des données génomiques". Dans la conclusion de cette étude, les chercheurs écrivent que "les preuves montrent que le Sars-Cov-2 n'est pas un virus manipulé à dessein". Il restent prudents sur l'origine du virus, mais écartent l'hypothèse d'un virus échappé d'un laboratoire : "nous ne pensons pas qu'un quelconque scénario de laboratoire soit plausible".  Fin mars 2021, le rapport des experts de l'OMS a relancé le débat sur l'origine du coronavirus, sans pour autant privilégier une piste particulière. Même s'il n'y a pas eu de nouveaux éléments probants, les appels à considérer plus sérieusement l'hypothèse d'un accident de laboratoire à Wuhan se multiplient aujourd'hui, comme l'expliquait ce précédent article de l'AFP.Le 2 juin 2021, après la diffusion des e-mails d'Anthony Fauci, Kristian Andersen a réagi sur Twitter : "Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, nous avons sérieusement envisagé la possibilité d'une fuite de laboratoire. Cependant, de nouvelles données importantes, des analyses approfondies et de nombreuses discussions ont conduit aux conclusions de notre article" - qui conclut que le scénario d'une fuite de laboratoire est peu probable, comme expliqué au-dessus. As I have said many times, we seriously considered a lab leak a possibility. However, significant new data, extensive analyses, and many discussions led to the conclusions in our paper. What the email shows, is a clear example of the scientific process.https://t.co/54pmeyTkV5 https://t.co/ckkgsu780X — Kristian G. Andersen (@K_G_Andersen) June 1, 2021Anthony Fauci a réagi aux questions autour de l'origine du Covid-19 dans une interview diffusée le 3 juin sur MSNBC : "nous ne savions pas et nous ne savons toujours pas quelle est l'origine du virus. Nous pensions tous et nous pensons toujours qu'il est plus probable qu'il s'agisse d'un saut naturel d'espèce d'un réservoir animal à un réservoir humain. Mais comme nous n'en sommes pas sûrs, il faut garder l'esprit ouvert", a indiqué l'immunologiste. Le même jour, au cours d'une interview avec CNN Anthony Fauci a déclaré : "Je continue de croire que l'origine la plus probable est le passage d'une espèce animale à un être humain, mais je garde l'esprit absolument ouvert au fait que s'il peut y avoir d'autres origines, il peut y avoir une autre raison, il pourrait s'agir d'une fuite de laboratoire (...) Et c'est la raison pour laquelle j'ai dit publiquement que nous devons continuer à chercher l'origine". D'autres publications, comme celle-ci, affirment avoir trouvé dans les mails d'Anthony Fauci la "recette" du coronavirus. Elles partagent ainsi un mail intitulé "méthode de production de l'arme biologique coronavirus". "Quelques jours plus tard, Fauci affirmait sur les chaînes de Fake News que le Sars-CoV-2 était d'origine naturelle et que prétendre l'inverse était complotiste", s'indigne l'auteur de cette publication, l'anthropologue de la santé Jean-Dominique Michel, notamment intervenant de la production audiovisuelle Hold Up et  dont les propos avaient déjà été vérifiés par l'AFP.  Capture d'écran réalisée le 04/06/2021 sur Facebook Comme le soulignent plusieurs commentaires, ce paragraphe est en fait copié-collé d'une étude publiée par des chercheurs de l'université de Pennsylvanie en 2005, bien avant donc le début de la pandémie de coronavirus (Sars-Cov-2). L'étude visait à trouver un moyen de bloquer l'activation d'une protéine de pointe du SRAS-CoV pour empêcher l'infection par le virus, a expliqué l'un des auteurs de l'étude à nos collègues de USA Today. Mais il ne s'agit pas d'une méthode de production d'une "arme biologique" à base de coronavirus, a-t-il expliqué. Par ailleurs, cet email a été envoyé à Anthony Fauci mais les emails disponibles en ligne ne montrent aucune réponse du scientifique.Edit 4/06 18H30: ajoute la réaction de l'entourage du Pr DelfraissyEdit 5/06 à 15h : corrige coquille dernier paragraphe (fr)
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