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Plusieurs publications très partagées sur Facebook affirment que la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), émettrice du franc CFA dans les huit Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, "lance un nouveau billet de 50.000 franc CFA". C'est faux: l'institution a démenti "formellement" cette rumeur dans un communiqué. Le franc CFA est par ailleurs voué à disparaître, comme l'ont annoncé les présidents français et ivoirien en décembre 2019: il sera remplacé par une nouvelle monnaie commune, l'eco. "INFO !!", alertent plusieurs publications circulant sur Facebook: "la BCEAO [Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest, ndlr] mettra en circulation un billet de 50.000 francs à partir du 30 avril !!". Ce texte est souvent accompagné d'une photo du soit-disant billet. Le nombre "50.000" y est inscrit deux fois et encadre un dessin représentant une famille de lions sur fond de savane. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 30 avril 2021Cette information circule sur Facebook depuis au moins avril 2016, selon les recherches de l'AFP. Elle a été re-partagée récemment plusieurs dizaines de fois (1, 2, 3…). Démenti formel de la BCEAO Pourtant, il n'existe pas de billet de 50.000 francs CFA, et la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest ne projette pas d'en créer un. Si ces publications circulent depuis des années en ligne, la BCEAO a finalement publié le 25 avril 2021 un communiqué dans lequel elle "dément formellement" cette "fausse information" et "précise qu’elle n’a apporté aucune modification à la gamme actuelle des billets de banque de son émission en circulation qui demeurent valides".Dans le même texte, la BCEAO se réserve également "le droit d’engager des poursuites judiciaires" contre les internautes qui diffusent cette fausse nouvelle. Capture d'écran du site de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, réalisée le 30 avril 2021Sur son site, dans l'onglet "Billets ayant cours légal", aucune trace en effet d'un quelconque billet de 50.000 francs CFA (77 euros). La coupure la plus élevée pouvant être utilisée et échangée en Afrique de l'Ouest est celle de 10.000 francs CFA (15 euros). Sur son recto figure une illustration faisant référence aux "nouvelles technologies de l'information et de la communication". Au verso, des motifs de forêt, dans laquelle se niche un couple d'oiseaux. Capture d'écran du site de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, réalisée le 30 avril 2021Capture d'écran du site de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, réalisée le 30 avril 2021 Par ailleurs, cette vieille rumeur avait déjà été remarquée et débunkée par un site spécialisé dans l'actualité monétaire, BankNoteNews. Dans un article de 2016, deux incohérences avaient été relevées et viennent confirmer que ce billet est un faux. Premièrement, en zoomant, on remarque une faute d'orthographe dans la manière dont est écrit le montant de l'hypothétique coupure: "cinquante milles" au lieu de "cinquante mille". Enfin, les signatures qui figurent sur le billet sont différentes de celles qui se retrouvent sur toutes les coupures en circulation (ci-dessous, sur le billet de 5.000 francs CFA ayant cours légal en mai 2021). Captures d'écran d'une publication Facebook et du site de la Banque Centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest, réalisée le 11 mai 2021Le franc CFA prochainement remplacé par l'ecoCette vieille rumeur recommence à circuler alors que les jours du CFA sont en théorie comptés: le remplacement de cette monnaie commune à huit pays ouest-africains (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) par une nouvelle unité de compte, l'eco, a en effet été annoncée en décembre 2019, de façon conjointe, par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara. Le ministre français de l'Economie et des Finances (G) Bruno Le Maire et le ministre de l'économie du Bénin Romuald Wadagni signent l'accord de coopération monétaire entre la France et l’UEMOA en présence du président français Emmanuel Macron et du président ivoirien Alassane Ouattara, à l'arrière-plan, le 21 décembre 2019. (AFP / Ludovic Marin)Outre le changement symbolique du nom de la devise, l'un des derniers vestiges à ce jour de la "Françafrique", l'avènement de l'eco va modifier deux choses. D'abord, la France va cesser de participer aux instances de gouvernance de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ensuite, la BCEAO ne devra plus déposer la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France, obligation qui était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du franc CFA.Une chose ne change pas en revanche: l'indexation de la devise sur le cours de l'euro, qui apporte une stabilité aux économies des pays de la zone mais les rend également dépendantes de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.L'annonce de la nouvelle monnaie commune concerne uniquement à ce stade les pays de l'UEMOA qui utilisaient le franc CFA. Mais l'idée d'un eco plus large est régulièrement évoquée, en y intégrant d'autres pays comme le Ghana et surtout le Nigeria, poids lourd économique du continent, qui pèse 70% du PIB de la sous-région. Un vendeur compte la monnaie en francs CFA dans un marché d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 29 mars 2019. (AFP / Sia Kambou)Un changement qui tarde à se concrétiserPlus d'un an après cette annonce, pourtant, le changement de monnaie tarde cependant à se concrétiser. "L'eco n'existe pas encore. Aujourd'hui, nous sommes toujours avec le franc CFA. On a l'impression de tourner en rond", déplorait en décembre 2020 auprès de l'AFP l'économiste togolais Kako Nubukpo qui prépare un rapport sur les modalités de transition entre les deux monnaies.Le Covid a obligé les Etats à revoir leurs priorités mais l'épidémie n'est pas la seule raison qui explique cette mise en œuvre poussive. "Ce qui bloque, c'est un problème purement politique : il y a des dissensions entre les dirigeants d'Afrique francophone", estime l'économiste franco-ivoirien Youssouf Carrius.Selon plusieurs observateurs, la Côte d'Ivoire, principale économie de la zone avec le Sénégal, n'est pas particulièrement pressée de faire bouger les choses. Plusieurs fois, le président Alassane Ouattara a défendu le franc CFA, "une monnaie solide", dont la parité avec l'euro assure à ses utilisateurs une stabilité économique.Payer en franc CFA, jusqu'à quand ?L'arrêt du franc CFA suppose avant tout l'impression de nouveaux billets de banque. Pour l'heure, ils sont toujours imprimés à Chamalières, dans le centre de la France, dans une imprimerie de la Banque de France.Aucune date n'a pour l'instant été dévoilée pour changer ces billets. "C'est un calendrier africain. Il y aura cette question-là dans les sujets qui seront débattus au prochain sommet Afrique-France en juillet 2021", assurait l'Elysée en décembre 2020.Un avis que partageait à la même époque Lambert N'Galadjo Bamba, conseiller au ministère de l'Economie et des Finances ivoirien. "Nous avons dû réactualiser la feuille de route en raison de la crise du coronavirus et nous donner plus de temps pour travailler sur la convergence. Tous ces processus demandent du temps, il faut compter quelques années encore" avant le lancement effectif de l'eco, expliquait-il.10/05/2021 11h05 - Ajout de liens vers des publications Facebook archivées au paragraphe 2.11/05/2021 16h47 - Ajout de trois paragraphes avant l'intertitre "Le franc CFA prochainement remplacé par l'eco" avec précisions quant aux incohérences figurant sur le faux billet.11/05/2021 17h38 - Suppression d'un paragraphe en doublon.
(fr)
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