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Une publication partagée 2.600 fois en quatre jours affirme que le porte-parole du CHU de Liège a déclaré dans une interview au quotidien belge Le Soir que "la situation actuelle" dans les hôpitaux "ne déroge pas à la normale". Le problème sanitaire provoqué par le nouveau coronavirus serait donc une "impression", due à une "pénurie d'infirmières". C’est faux. Les propos du porte-parole ont été sortis de leur contexte: dans cette interview, il exprime au contraire son inquiétude face à l'augmentation des cas de Covid-19 dans les hôpitaux. Le porte-parole du CHU de Liège a-t-il "confirmé" que la situation dans les hôpitaux belges "ne déroge pas à la normale" ? C'est ce qu'affirme cette publication. Il aurait également évoqué "une pénurie d'infirmières qui donne l'impression de problème sanitaire". Bref, "rien de neuf sous la météo automnale", si l'on en croit cet internaute. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 16 octobre 2020L'auteur de cette publication partagée 2.600 fois depuis le 12 octobre, Yves Rasir, se présente comme le rédacteur en chef de la revue Néosanté. Cette revue fait la promotion sur sa page d'accueil du conspirationniste belge Jean-Jacques Crèvecoeur et Yves Rasir y donne des "astuces" pour obtenir un test PCR négatif. Dans cette publication, Yves Rasir cite Louis Maraite, porte-parole du CHU de Liège, qui a déclaré dans un article du quotidien Le Soir qu'il y avait "un effet saisonnier avec les maladies de l'automne (pneumonies...)" qui avait déjà entraîné la fermeture des urgences l'année dernière et que "le fond du problème" était "le manque de personnel infirmier". Les propos de Louis Maraite ont été détournés pour exprimer le contraire de leur sens originel. Le porte-parole du CHU de Liège a confirmé à l'AFP que la situation actuelle dans les hôpitaux en Belgique était plus inquiétante que celle des années précédentes. Des propos détournésLa publication rapporte des propos tenus dans "le Suaire", une tournure ironique pour désigner le quotidien national belge Le Soir. En introduisant dans un moteur de recherche les citations ainsi que le nom de Louis Maraite, il est facile de retrouver l'article (payant), publié le 11 octobre 2020 et intitulé : "La reprise de l’épidémie se confirme, certains hôpitaux sont déjà sous pression". On peut y lire l'interview complète de Louis Maraite, qui évoque la situation au CHU de Liège où 60 personnes étaient hospitalisées au moment de la publication de l'article, dont 10 en soins intensifs. Le porte-parole évoque en effet des maladies saisonnières à l'arrivée de l'automne: "L'an dernier à cette époque déjà on avait dû fermer les urgences car l'hôpital était plein."Mais contrairement à ce qu'affirme cette publication, la situation n'est pas "normale" cette année puisque "dans un contexte similaire, il faut s'occuper en plus des patients covid", souligne le porte-parole. Et qu’il faut gérer cela, ajoute le quotidien, dans un contexte d’accélération des contaminations. Capture d'écran réalisée sur le site lesoir.be le 15/10/2020Le porte-parole du CHU de Liège évoque également le problème structurel du "manque de personnel infirmier", que Le Soir incombe en partie aux "arrêts maladies liés au covid". Capture d'écran réalisée sur le site lesoir.be le 15/10/2020Agacé par le détournement de ses propos, Louis Maraite a répondu le 12 octobre dans les commentaires de la publication en priant son auteur de ne pas oublier les "66 hospi Covid en + qui déséquilibrent tout le système". Captures d'écran réalisée sur Facebook le 16/20/2020La situation dans les hôpitaux est aggravée par l'augmentation des cas de Covid-19 Contacté le 15 octobre 2020, Louis Maraite a déclaré à l'AFP que cette publication, qu'il qualifie de "lacunaire" et "démagogique", détournait le sens de ses propos. Les hôpitaux sont d'ordinaire davantage occupés en octobre, a-t-il expliqué : "Chaque année, il y a une augmentation des arrivées aux urgences en octobre. On a plus de pneumonies, d'accidents de voiture…" L'année dernière, à la même époque, le CHU de Liège avait effectivement dû fermer ses urgences pendant 24 heures, le temps de réorganiser ses services face à l'afflux de patients, a-t-il ajouté. Mais la situation est aggravée cette année par l'arrivée de nouveaux cas graves de Covid-19 : "on a 70 patients Covid (au 15 octobre 2020, NDLR) et ce week-end on a dû fermer les urgences pendant 48 heures". La situation dans les hôpitaux n'est pas encore celle de la première vague, mais Louis Maraite s'est inquiété de voir la situation se répéter et de devoir faire de nouveau face à des choix difficiles : "Aujourd'hui, l'ambition du monde hospitalier c'est de soigner tout le monde. On est toujours en train de soigner les patients hors-covid qui n'ont pas été traités au moment de la première vague, et si les cas de coronavirus continuent d'affluer, on va arriver à saturation. Donc si on ne respecte pas les gestes barrières nous allons revenir à la même crise qu'en mars". Lors de la première vague, les hôpitaux de Belgique avaient en effet dû reporter toutes les opérations et consultations non urgentes afin de se consacrer presque uniquement aux patients infectés par le coronavirus. Des infirmières poussent un brancard dans la nouvelle Clinique CHC MontLegia à Liège le 20 mars 2020, en pleine première vague du coronavirus en Belgique (AFP / Bruno Fahy)Les hôpitaux sont plus saturés que d'ordinaire, a confirmé à l'AFP Yves Van Laethem, le porte-parole de la lutte interfédérale contre le coronavirus. Interrogé le 14 octobre 2020, il estime qu'il est "rarissime" que les soins intensifs soient aussi chargés à cette époque de l'année. "L'occupation des hôpitaux actuelle dépasse l'occupation qu'on a généralement au moment des épidémies de grippe, sauf dans des cas de saisons exceptionnelles". Yves Van Laethem s'inquiète de l'arrivée de la grippe saisonnière qui survient généralement en janvier et pourrait surcharger encore davantage les hôpitaux. Quant au manque de personnel à l'hôpital, Louis Maraite a affirmé à l'AFP qu'"on ne peut pas dire que la situation d'aujourd'hui est normale" : "Actuellement, on a un taux de 18% d'absentéisme dans le personnel infirmier. L'année dernière, à la même époque, on en avait 8%. Nous avons deux fois plus d'absentéisme cette année". La pénurie de personnel est en partie due au manque de moyens des hôpitaux, à une réforme des études de soins infirmiers mais aussi à "des arrêts maladies liés au covid", a expliqué Louis Maraite. "La pression a été très forte sur le personnel médical en mars, avril", a-t-il rappelé. Il y a une semaine, le CHU de Liège a dû prendre la décision de reporter à nouveau certaines opérations. Dans toute la Belgique, les hôpitaux doivent désormais réserver 50% des lits en soins intensifs à des patients atteints du Covid-19. La Belgique est l'un des pays qui déplore le plus grand nombre de morts par rapport à sa population. Comme ses voisins français et néerlandais, le pays a donc pris récemment une série de mesures pour endiguer l'épidémie : fermeture des débits de boisson à Bruxelles, couvre-feu dans la province du Brabant wallon... L'annonce de nouvelles mesures était attendue dans la journée du vendredi 16 octobre 2020.
(fr)
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