?:reviewBody
|
-
Se lever trop brusquement en pleine nuit pourrait provoquer une "insuffisance" cardiaque et entraîner la "mort subite", selon des publications partagées plus de 300.000 fois sur Facebook depuis 2019. Cette rumeur a recommencé à circuler en mai 2022. Attention: selon deux cardiologues interrogés par l'AFP, ces affirmations ne sont pas fondées scientifiquement."Évitez la mort subite" en suivant les "conseils" d'un "médecin", recommandent les publications virales.Elles avertissent que si l'on se lève trop brutalement en pleine nuit, par exemple pour aller aux toilettes, "le schéma de l'ECG [électro-cardiogramme, la représentation graphique de l'activité du cœur, ndlr] peut changer".Conséquences, selon les internautes "Le cerveau sera anémique et provoquera une insuffisance cardiaque par manque de sang", conduisant à une "mort subite", qu'on soit "jeune ou vieux". Pour éviter cela, il faudrait suivre la règle des "trois minutes et demie", qui préconise trois étapes pour se lever progressivement (rester allongé, puis s'asseoir, puis glisser vers le bord du lit) et réduirait le risque de décès. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 5 mai 2022Cette rumeur circule sur Facebook depuis au moins 2019 et a fait l'objet d'une kyrielle de publications sur des pages africaines (1, 2, 3, 4...), mais aussi européennes et maghrébines. L'AFP l'avait déjà vérifiée à l'époque en anglais.Qu'est-ce que la "mort subite"? "La mort subite cardiaque se définit comme une mort naturelle avec perte brutale de conscience dans l’heure qui suit le début des symptômes, chez un sujet ayant ou non une maladie cardiaque connue", détaille le site de la fondation française Cœur et Recherche. "Dans 90% des cas, la mort subite est liée à une pathologie cardiaque", précise le 6 mai à l'AFP le Dr Mbaye Paye, cardiologue, médecin du sport et titulaire d'un diplôme d'université de gériatrie et de médecine d'urgence, et qui travaille au cabinet Abdoul Aziz Sy Dabakh à Dakar (Sénégal).L'une de ces pathologies les plus fréquentes dans les cas de mort subite est le "syndrome coronarien aigu" - l'obstruction d'une ou plusieurs artères recouvrant la surface du cœur, qui est "lié à des facteurs de risques cardiovasculaires" (comme le tabagisme, par exemple), détaille le médecin. Aucune preuve scientifiqueQuoi qu'il en soit, selon deux cardiologues interrogés par l'AFP, le phénomène décrit dans les publications que nous vérifions n'est pas scientifiquement prouvé. "Cette publication est fausse et ne repose sur aucun fondement scientifique", avait déclaré en 2019 à l'AFP Dr Bernard Gitura, cardiologue à Nairobi. "Le cœur ne peut pas être affaibli et l'afflux de sang au cerveau coupé par un simple réveil soudain", précisait alors l'expert, "car le corps utilise un mécanisme complexe pour réguler la pression artérielle et le débit sanguin quand quelqu'un se lève après s'être réveillé". Ce mécanisme s'active en quelques secondes, selon le cardiologue: attendre trois minutes avant de se lever semble "très long", car "nos corps ne mettent pas autant de temps à s'auto-réguler". Selon le médecin, si certains symptômes mentionnés dans les publications peuvent être avérés chez des personnes déjà malades, la rumeur les liant au fait de se lever soudainement la nuit est "simpliste à l'extrême". "La nuit, quand on dort, la tension doit chuter de 10 à 20% par rapport à la tension du jour", note ainsi Dr Mbaye Paye. Se réveiller et se lever très rapidement peut donc, chez certaines personnes, causer une chute de tension - provoquant "une syncope, un malaise, mais pas une insuffisance cardiaque". "Des patients sévèrement malades peuvent souffrir d'un hypotension sévère et d'anémie cérébrale. Un débit sanguin et une pression artérielle très bas peuvent en effet conduire à une irrigation du cerveau insuffisante, mais cela ne peut pas arriver simplement lorsqu'on se lève depuis une position assise", avait expliqué Dr Bernard Gitura. Le docteur Mbaye Paye recommande ainsi aux personnes âgées et aux personnes ayant "une pathologie cardiaque ou une comorbidité" de ne pas se lever trop brusquement, car le "malaise" qui pourrait se présenter en cas d'hypotension pourrait créer des complications en lien avec ces caractéristiques pré-existantes - sans qu'un phénomène de mort subite soit constaté.Quant à l'affirmation selon laquelle "le schéma de l'ECG peut changer", c'est également inexact. "L'ECG détecte les rythmes anormaux, mais il ne change pas de motif quand on se réveille brusquement", assurait le Dr Bernard Gitura - une déclaration corroborée par le Dr. Mbaye Paye.Politiques publiques adaptéesSi l'AFP n'a pas pu consulter de chiffres à l'échelle du continent, plusieurs études menées en Afrique sub-saharienne montrent que la mort subite est une préoccupation présente à l'esprit des spécialistes locaux. Au Cameroun, une étude publiée en 2017 dans l'International Journal of Epidemiology suivant 86.188 personnes a observé 27 cas de mort subite. A Dakar, au Sénégal, 476 cas de mort subite ont été enregistrées sur les 1.936 autopsies étudiées par plusieurs scientifiques en 2013, dont les résultats ont été publiés par le Pan African Medical Journal. D'un pays à l'autre, et malgré des résultats très différents, ces études concluent toutes deux au besoin urgent du développement de politiques de santé publiques adaptées.
(fr)
|