PropertyValue
?:author
?:datePublished
  • 2023-01-31 (xsd:date)
?:headline
  • Non, il n'y a pas eu un nombre "record" de faillites d'entreprises en France en 2022 (fr)
?:inLanguage
?:itemReviewed
?:mentions
?:reviewBody
  • Il n'y a pas eu de record du nombre de faillites en France en 2022, contrairement à ce qu'a assuré récemment l'avocat Gilbert Collard sur Twitter. Alors que quelque 42 500 entreprises ont connu une faillite ou une procédure de sauvegarde en 2022, l'eurodéputé et ancien membre du Rassemblement national a affirmé que le pays avait atteint un "record historique" d'entreprises "ayant mis la clé sous la porte". En réalité, non seulement il ne s'agit pas d'un record mais ce chiffre se situe même en dessous des chiffres d'avant la pandémie. Comme l'ont expliqué la Banque de France et plusieurs économistes à l'AFP, la hausse, certes inédite, (+50% sur un an) est due en grande partie à une "normalisation" et à un rattrapage par rapport à la situation d'avant la crise sanitaire, après deux années exceptionnellement basses grâce aux aides publiques apportées aux entreprises.Assiste-t-on à un mur de faillites en France ? La publication mi-janvier de l'étude sur "les défaillances et sauvegardes des entreprises" du cabinet de conseil Altares pour l'année 2022 s'est accompagnée de beaucoup d'inquiétudes, parfois manifestées via les réseaux sociaux.Dans un contexte difficile pour de nombreuses entreprises face à l'inflation et aux fortes hausses des coûts de l'électricité en partie liées à la guerre en Ukraine, le cabinet de conseil a recensé un peu plus de 42 500 procédures de "défaillances" et "procédures de sauvegarde" sur l'année, soit une hausse record de 50% par rapport à 2021.Certains médias, comme Euractiv le 17 janvier, ont alors alerté face à une "explos[ion]" du nombre de faillites en France. Sur Twitter, l'avocat Gilbert Collard a quant à lui déclaré le 25 janvier que ce chiffre était un "record historique", dénonçant la politique économique gouvernementale. Un point soutenu aussi par l'avocat François Couilbault, dans un tweet publié le 26 janvier : "42.500 faillites d'entreprise en 2022, un record. Bruno Le Maire voulait mettre la Russie à genoux, il s'est juste trompé de cible". Capture d'écran de Twitter faite le 31 janvier 202342 500 : moins qu'avant la pandémieQue recouvre ce chiffre ? En plus des 1125 procédures de "sauvegarde" (procédure destinée aux entreprises en difficulté et qui ne sont pas encore en cessation de paiement), le cabinet Altares a recensé 41.389 entreprises en "cessation de paiement", c'est-à-dire incapables de faire face à leurs dettes.Parmi elles, 31.257 entreprises ont subi une procédure de "liquidation judiciaire directe", mettant fin à leur activité, et 10.132 ont été placées en "redressement judiciaire", procédure destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, grâce à la désignation d'un mandataire judiciaire pour administrer tout ou partie de l'entreprise.A noter donc que les entreprises placées sous sauvegarde ou en redressement judiciaire n'ont pas formellement "mis la clé sous la porte".Mais ce chiffre de 42 500 n'est pas un record, comme l'ont confirmé la Banque de France - qui recense également nombre de défaillances d'entreprises - mais aussi le cabinet Altares et l'économiste et directrice de recherche au CNRS Nadine Levratto à l'AFP."Il ne faut pas s'affoler. 42 500, c'est 10 000 de moins que 2019", souligne Thierry Millon, directeur d'études au sein du cabinet Altares et auteur de l'étude de mi-janvier, à l'AFP le 27 janvier. "Nous sommes encore loin des sommets en matière de défaillances", confirme Nadine Levratto.Ce chiffre est en effet encore éloigné de la situation économique pré-pandémie et des 52 100 faillites et sauvegardes d'entreprises décomptées pour l'année 2019.Il se situe même bien en-dessous des records atteints sur les trente dernières années, en 1992 lors de la politique du franc fort, entre 2009 et 2010 à la suite de la crise financière et entre 2014 et 2015 du fait de la problématique des dettes budgétaires en Europe."Sur ces trois périodes, nous avons approché le chiffre de 65 000 faillites sur 12 mois", décrit Thierry Millon. "A 42 500, on est non seulement très en dessous de 65 000, mais on est encore en dessous du chiffre de 2019 d'avant crise."Le nombre de faillites pour l'année 2022 est même en dessous des moyennes, selon Guillaume Richet-Bourbousse, chef de service de l'Observatoire des entreprises au sein de la Banque de France. "En moyenne, la tendance de long-terme, c'est environ 52 à 53 000 défaillances sur 12 mois cumulés. Soit 4500 par mois en moyenne", explique-t-il à l'AFP le 27 janvier.Un historique confirmé par les chiffres de la Banque de France dans le graphique ci-dessous reprenant le nombre de défaillances d'entreprises depuis 1991 (qui n'inclut donc pas les procédures de sauvegarde). L'instance a recensé 41 020 défaillances en décembre 2022 - selon un décompte provisoire, loin des records atteints par exemple en novembre 2009 (63.480) et en avril 2015 (63.923). Nombre de défaillances d'entreprises entre décembre 1991 et décembre 2022, d'après les chiffres de la Banque de France. Chiffres mensuels en cumulé sur 12 mois ( Observatoire des entreprises - Banque de France. Suivi mensuel des défaillances, décembre 2022.)Une hausse inédite en 2022Si, comme on l'a vu, le nombre de défaillances n'est pas un record, la hausse entre entre 2021 et 2022 (+50%) est quant à elle inédite, selon le cabinet Altares. "La France enregistre la plus forte hausse des défaillances jamais connue avec 49,9% [de faillites] en plus sur un an", indique ainsi l'étude. L'auteur du document Thierry Millon tempère : "il faut aussi voir d'où l'on part : en 2021, le nombre de faillites était au plus bas depuis 35 ans"."Cette augmentation est explicable par un simple ratio", explique aussi l'économiste Nadine Levratto. "C’est plus facile d’augmenter de 50% le nombre d’un phénomène quand vous partez de bas que quand vous partez de haut". "Le taux de croissance des faillites est certes impressionnant", explique pour sa part Guillaume Richet-Bourbousse. "Mais le principe d’un taux de croissance, c’est qu’il se situe par rapport à un point haut ou bas. En l’occurrence, lors des années Covid, nous avions atteint un point très bas".Qu'en est-il des 143 000 emplois menacés mentionné dans l'étude du cabinet Altares ? "Ce n'est pas un record non plus", décrit Thierry Millon, qui rappelle que ce chiffre est "encore inférieur de 30 000 par rapport à 2019". Les experts interrogés mentionnent par ailleurs le fait qu'emplois menacés ne signifie pas emplois détruits, et qu'une partie de ces emplois pourraient être préservés dans le cas par exemple où des entreprises en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde verraient leur activité finalement se pérenniser. Un rattrapage après deux années d'aides publiques massives aux entreprisesPeut-on dès lors parler d'une "explosion" du nombre de faillites ? Depuis le début de la crise sanitaire, le très faible nombre de défaillances a en effet atteint un point historiquement bas avec seulement 27 600 en 2021. Prêts garantis par l'Etat (PGE), chômage partiel, rééchelonnements des crédits bancaires : pendant la crise sanitaire, la stratégie du "quoi qu'il en coûte" gouvernemental a soutenu de manière systématique l'ensemble des entreprises françaises, faisant drastiquement baisser de manière mécanique le nombre de faillites. Autre point plus pragmatique : les tribunaux de commerce se sont retrouvés fermés lors des différents confinements, empêchant de fait partiellement l'ouverture de nouvelles procédures et des jugements, comme l'ont soulevé les différents experts interrogés. Au total, le rapport d'Altares pointe ainsi qu'entre 2020 et 2022, seules "103 000 entreprises ont fait défaut contre 162 000 durant les trois années précédentes", soulignant que "59 000 défaillances ont ainsi été 'épargnées'" grâce aux dispositifs d'aide publique. D'où un"mouvement de normalisation" du nombre de défaillances avec l'arrêt progressif de ces aides d'Etat pointé par la Banque de France dans son rapport de suivi des défaillances publié le 5 janvier. "Oui le nombre de défaillances s’accroit, mais c’est normal", souligne Guillaume Richet-Bourbousse. "Il faut aussi voir le processus économique comme un cycle de destruction et de création d’entreprises. On reprend ce cycle comme c’était le cas avant".Nadine Levratto pointe par ailleurs une forte hausse des créations d'entreprises ces dernières années, alors que l'Insee a annoncé la création de plus d'un million d'entreprises en 2022."La démographie d’entreprises est comme la démographie humaine : plus vous avez de créations d’entreprises, plus vous avez de défaillances", décrit l'économiste, qui rappelle que les défaillances sont un phénomène relativement commun dans la vie d'une entreprise : "depuis les années 50, le taux de défaillances des entreprises se situe entre 47 et 53% à cinq ans". Empêcher trop de défaillances d'entreprises pourrait avoir par ailleurs pour effet de "figer l'économie", selon l'économiste. 2023, année de transition...et d'inquiétude ?Néanmoins, le ralentissement de l'économie pour 2023 et les effets structurels concernant la crise énergétique liés à la guerre en Ukraine inquiètent du côté des entreprises, et le nombre de faillites en France pourrait retrouver les niveaux d'avant-crise plus rapidement que prévu."Nous pensions retrouver le niveau de défauts de 2019 début 2024, ce niveau de 2019 sera probablement dépassé en 2023", avait déclaré Thierry Millon à l'AFP le 16 janvier. S'il souligne que la situation est moins grave que lors des périodes de pic de faillites, ce dernier met en garde : "Ce n'est pas tant le nombre de défaut qui est perturbante que la hausse de 50%", précise-t-il le 27 janvier, redoutant un potentiel effet domino lié à des faillites successives d'entreprises dans un secteur donné."Il faut que les entreprises qui perdent des clients fassent attention à ce que la perte de ces clients ne les entraînent pas eux-mêmes dans la difficulté. Quand un ou deux de vos clients font faillite, vous le gérez. Alors que quand vous en avez dix d’un coup, c’est plus compliqué."Pour 2023, le cabinet a projeté une hausse des faillites et sauvegardes de 29%, avec 55 000 entreprises dans cette situation d'ici la fin de l'année. Beaucoup de microentreprises, notamment dans le secteur de l'hébergement et de la restauration, sont concernées. Projections du rapport du cabinet Altares pour l'année 2023. (Capture d'écran du 30 janvier 2023). ( Cabinet Altares)Le rapport Altares souligne notamment une accélération des défaillances "pour les PME comptant entre 10 et 100 salariés, dont plus de 3.200 ont défailli en 2022, avec le tiers sur le seul quatrième trimestre".De son côté, la Banque de France reste plus mesurée. Dans sa note de conjoncture de janvier 2023, l'instance a souligné que l'activité économique française a "continué de faire preuve de résilience" fin 2022, "malgré la succession des chocs externes". Malgré un ralentissement "marqué" en 2023, la Banque de France prévoit par ailleurs "une reprise en 2024 et 2025" dans ses projections publiées en décembre 2022."L'année 2023 sera une année de transition forte qu'il faudra réussir car dès 2024, il y aura un retour de la croissance. Donc tenons", conclut Thierry Millon. (fr)
?:reviewRating
rdf:type
?:url