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  • 2022-11-10 (xsd:date)
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  • Attention à l'utilisation trompeuse de ce graphique sur la contribution de la France aux émissions mondiales de CO2 (fr)
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  • Des publications relayées sur les réseaux sociaux minimisent le rôle de la France dans le dérèglement climatique, en comparant ses émissions de CO2 de 1970 et 2019 en valeur absolue à celles des désormais principaux "pollueurs" mondiaux, la Chine et les États-Unis en tête. Mais le graphique sur lequel s'appuient ces publications ne permet pas de tirer de telles conclusions, qui sont trompeuses. Il établit une photographie annuelle de la contribution des États aux émissions mondiales de CO2, alors que leur responsabilité climatique est calculée par la communauté scientifique en émissions cumulées depuis le début de l'ère industrielle, car le dioxyde de carbone est stocké très longtemps dans l'atmosphère. Par ailleurs, l'empreinte carbone globale (comprenant production et consommation) de la France, calculée en tonnes de CO2 équivalent par habitant, est plus élevée que la moyenne mondiale, comme l'ont expliqué à l'AFP plusieurs chercheurs en sciences du climat ainsi que l'auteur du graphique.Alors que la COP 27 s'est ouverte le 6 novembre pour fixer de nouveaux objectifs internationaux de limitation du réchauffement climatique, des publications relayées sur les réseaux sociaux remettent en cause le poids de la France dans les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2), estimant que sa contribution est minime par rapport à celle de "gros pollueurs" comme la Chine ou les États-Unis. Ces assertions s'appuient sur un graphique publié en novembre 2020 sur le portail de données en ligne allemand Statista. Le visuel, intitulé "Émissions de CO2 : l'envolée asiatique", est accompagné de la légende suivante : "Pays avec les plus grosses émissions de CO2 en 1970 et 2019 (en milliards de tonnes)".D'après ces chiffres, issus de la base de données EDGAR ("Emissions Database for Global Atmospheric Research") de la Commission européenne, en 2019, la Chine émettait 11,54 milliards de tonnes de CO2, contre 5,11 milliards pour les États-Unis et 0,7 milliard pour l'Allemagne. Alors que la France générait 0,47 milliard de tonnes de CO2 en 1970, son taux d'émission en 2019 n'apparaît pas sur le graphique, laissant croire que sa contribution aux émissions mondiales de CO2 est quasi-inexistante. "L'augmentation gigantesque des émissions de CO2 réduit à rien notre propre contribution. Effectivement, nous ferions décroître la France jusqu'à l'effacer du globe, l'effet serait nul. La pertinence de nos lourds efforts réglementaires & financiers va devenir un sujet politique", peut-on ainsi lire dans un tweet (1) partagé plus de 700 fois depuis le 28 octobre 2022, graphique à l'appui. "La France n'est même pas dans l'épaisseur du trait. On disparaîtrait demain, personne s'en rendrait compte", affirment également plusieurs posts relayés plus de 2.000 fois sur Twitter (2) et Facebook (3). Capture d'écran faite sur Twitter le 9 novembre 2022 Capture d'écran faite sur Facebook le 9 novembre 2022  Mais cette utilisation du graphique est trompeuse. Il établit une photographie annuelle de la contribution des États aux émissions mondiales de CO2 en 1970 et en 2019, alors que leur responsabilité climatique est calculée par la communauté scientifique en émissions cumulées depuis le début de l'ère industrielle, car le dioxyde de carbone est stocké dans l'atmosphère sur de grandes échelles de temps. De ce point de vue, la France figure parmi les plus gros pollueurs historiques. Par ailleurs, son empreinte carbone globale (qui comprend production et consommation), calculée en tonnes de CO2 équivalent par habitant, est plus élevée que la moyenne mondiale.C'est ce qu'ont indiqué à l'AFP plusieurs chercheurs en sciences du climat, dont les explications ont été confirmées par l'auteur du visuel utilisé sur les réseaux sociaux.Un graphique décontextualisé Le graphique relayé sur Twitter et Facebook est issu d'un billet publié en novembre 2020 sur le site Statista.L'AFP a contacté son auteur, présenté sur le site comme "Data Journalist", qui a indiqué par mail, le 8 novembre 2022, regretter l'utilisation "à mauvais escient" de son visuel :"Son objectif était de montrer :1) L'explosion des émissions mondiales entre 1970 et 2019 (taille des barres)2) Le déplacement des principaux lieux d'émissions (en tonnes émises) : d'Amérique du Nord/Europe vers l'Asie, en lien notamment avec la délocalisation des activités industrielles et polluantes (code couleurs)L'article qui accompagne l'infographie, nécessaire à sa contextualisation, précise les raisons de l''envolée asiatique' : croissance économique/démographique mais aussi le fait qu'une partie du CO2 rejeté par certains pays est liée à la fabrication de produits exportés et consommés en Occident", a-t-il ainsi expliqué. Capture d'écran prise sur le site Statista le 8 novembre 2022"D'autres graphs/cartes que nous avons réalisés donnent d'autres points de vue - tenant compte de la population, de l'empreinte des produits/services importés... Ils sont pour la plupart suggérés en lien avec l'article sur le site de Statista".L'auteur du graphique a renvoyé l'AFP vers plusieurs documents, effectivement présents dans l'article qui accompagne le visuel, comme cette infographie sur les émissions de CO2 par habitant à travers le monde."L''envolée asiatique' ne réduit pas à néant la contribution de la France dans les émissions de GES (gaz à effet de serre, NDLR)", a-t-il également précisé, "elle attire l'attention sur la 'délocalisation des émissions' pour certains produits consommés sur place, et sur l'importance (et urgence) pour les pays les plus développés de trouver des solutions pour réduire l'impact de leur niveau de vie – un 'confort' que le reste de la planète aspire légitimement à atteindre, mais qui n'est toujours pas soutenable à l'échelle mondiale."La France, l'un des principaux émetteurs historiques de CO2Le graphique présente des données annuelles de contribution aux émissions de CO2. Pour autant, "ce ne sont pas les émissions de la France en 2019 qui comptent, ni les émissions en 1970, mais c'est le cumul de toutes les émissions du pays depuis environ 1900", a expliqué à l'AFP le chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement et membre de l'Académie des Sciences Philippe Ciais, le 9 novembre 2022.En effet, ce sont les émissions cumulées qui importent en matière de responsabilité climatique, car "le rapport du GIEC a montré que le réchauffement climatique est proportionnel à ces émissions historiques", poursuit le chercheur."Le CO2 est un gaz à effet de serre à longue durée. C'est-à-dire qu'une fois qu'il a été émis, même si c'était il y a cinquante ans, il reste dans l'atmosphère. Par exemple, le CO2 émis dans les années 1950 continue à réchauffer le climat aujourd'hui", ajoute-t-il."Si on prend du recul et qu'on se dit que c'est une affaire de cumul des émissions de CO2, on s'aperçoit que l'Europe - la France en particulier avec le Royaume-Uni - fait partie des principaux émetteurs de CO2 par le passé", complète Roland Séférian, climatologue et chercheur à Météo France, contacté par l'AFP le 8 novembre 2022."Ce n'est désormais plus le cas, parce que le pays s'est en partie désindustrialisé et a exporté sa production ailleurs, vers d'autres pays émergents", pointe-t-il.Ainsi, dans une perspective historique, la France a joué un rôle déterminant dans l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère.De ce point de vue, "la France se hisse au douzième rang des émissions territoriales cumulées de CO2 depuis 1850", expliquait à l'AFP en août 2022 la climatologue Françoise Vimieux, s’appuyant sur les données du site d'information britannique Carbon Brief. Ces émissions territoriales correspondent à celles générées par la production émanant de l'industrie, du transport ou encore du secteur résidentiel pour ce qui concerne un territoire particulier, dont par exemple la France, comme détaillé sur le site de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (Ademe). L'empreinte carbone de la France plus élevée que la moyenne mondialeSelon les données du Global Carbon Project, une organisation qui cherche à quantifier les émissions mondiales de gaz à effet de serre et leurs causes, la France a émis 315,93 millions de tonnes de CO2 en 2019 et représente environ 0,9% des émissions mondiales de dioxyde de carbone.Mais ces chiffres ne représentent que les émissions territoriales du pays et ne rendent pas compte de l'empreinte carbone du territoire. "Si on ajoute le poids de nos importations, on frôle les 2%", spécifiait ainsi Françoise Vimieux, dans un autre article de vérification de l'AFP.La France importe plus de marchandises qu'elle n'en exporte, contrairement à la Chine, par exemple.Ainsi, la France émettait en 2019 depuis son territoire 6,5 tonnes de CO2 équivalent par habitant, mais son empreinte carbone par habitant représente environ 10 tonnes de CO2 équivalent par habitant si on tient compte des échanges internationaux, selon un rapport publié en septembre 2021 par le Haut Conseil pour le climat. Capture d'écran du rapport 2021 du Haut Conseil pour le Climat prise le 8 novembre 2022L'empreinte carbone de la France, constituée pour moitié (54 % en 2019) d'émissions associées aux importations, selon le ministère de la Transition écologique, est donc bien supérieure aux seules émissions sur son propre territoire.Dans un thread Twitter déroulé le 24 septembre 2021, la climatologue Valérie Masson-Delmotte expliquait par ailleurs qu'"au niveau mondial, les émissions de gaz à effet de serre sont d'environ 59 milliards de tonnes de CO2-équivalent en 2019 dont 38 pour le CO2 issu des énergies fossiles. C'est 50% de + qu'en 1990. Par habitant, c'est donc environ 7,5 tonnes de CO2-e (dont 5 pour le CO2)".Conclusion : l'empreinte carbone, en France, est largement plus élevée que la moyenne mondiale (et peine à diminuer).(5/...) — Dr Valérie Masson-Delmotte (@valmasdel) September 24, 2021 De plus, il est important de tenir compte des différences de taille de la population. Car, même si l'empreinte carbone complète de la France représente 2% des émissions mondiales de CO2, "il faut préciser que la population française ne représente que 0,84% de la population mondiale", ajoutait en août 2022 Françoise Vimeux."On ne peut pas comparer les émissions d’un pays d'1 milliard d'habitants aux émissions d'un pays de 70 millions d'habitants", abonde Philippe Ciais.Par ailleurs, selon un calcul effectué en 2018 par le groupe de réflexion et de recherches Global Footprint Network, si toute l'humanité consommait comme les Français, elle aurait exploité l'équivalent des capacités de régénération de 2,9 Terres cette année-là. "Un résultat bien au-dessus de la moyenne planétaire qui évolue ces dernières années autour de 1,7 Terre", commente le think tank.L'ambition de l'Accord de Paris, ce traité international sur les changements climatiques adopté par 196 parties lors de la COP 21 à Paris en décembre 2015, est de "limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 degrés, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel", peut-on lire sur le site de l'ONU. Principaux points du troisième volet du rapport du Giec, publié le 4 avril 2022, sur les solutions pour réduire les émissions de CO2Dans son dernier rapport, le groupe d'experts du GIEC a présenté une liste non-exhaustive de solutions pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et limiter les conséquences du changement climatique.Les "pertes et dommages" climatiques, un enjeu sensible à la COP 27La question de la responsabilité des États et de la justice climatique est au cœur des négociations de la COP 27 organisée à Charm el-Cheikh, en Égypte, du 6 au 18 novembre 2022.Officiellement inscrits à l'agenda de la conférence mondiale sur le climat, les "pertes et dommages" désignent les impacts inévitables du changement climatique, déjà chiffrés en dizaines de milliards de dollars et qui devraient atteindre des sommes astronomiques. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, prononce un discours lors du sommet des dirigeants de la conférence sur le climat COP27, le 7 novembre 2022. ( AFP / JOSEPH EID)Leur prise en compte était depuis des années une revendication essentielle des pays les plus exposés, qui sont aussi souvent très peu responsables des émissions de gaz à effet de serre causant le réchauffement. (fr)
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