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Une photo partagée plus de 4.000 fois depuis le 6 octobre prétend montrer un rassemblement politique à Kissidougou, dans le sud de la Guinée, à douze jours de l'élection présidentielle. C'est faux : il s'agit en réalité d'un cliché pris en 2016 pendant le "grand Magal", une fête religieuse, à Touba, au Sénégal. "Merci beaucoup kissidpugou" (sic), s'enthousiasme la publication virale partagée plus de 4.000 fois depuis le 6 octobre sur Facebook."Sekoutoureya (Sékhoutouréya, le palais présidentiel guinéen, ndlr) ce bien tot 18 octobre" (sic), poursuit l'internaute, faisant référence à l'élection présidentielle qui se tiendra à cette date en Guinée avec pour principaux candidats le président Alpha Condé et son principal opposant, Cellou Dalein Diallo. Sur la photo accompagnant cette publication, une immense foule s'étend à perte de vue dans une large rue. Plusieurs camions, dont un où figure le logo de "Sen TV", une télévision privée sénégalaise, sont également visibles. Capture d'écran d'une publication Facebook prise le 8 octobre 2020.Contrairement à ce qu'affirme l'internaute qui la partage, ce cliché n'a pas été pris à Kissidougou (le nom de la ville étant mal orthographié dans la publication originale), dans le sud de la Guinée, mais à Touba, dans l'ouest du Sénégal."Grand Magal" de ToubaUne recherche inversée sur le moteur de recherche Google permet en effet de retrouver la trace de la photographie: elle a déjà été postée en novembre 2016 sur Facebook. Cette publication est la toute première occurrence de cette photo trouvée en ligne par l'AFP. Elle vient d'une page du nom de "Cheikh Ahmadou Bamba".Ce nom fait référence à un cheikh né en 1853 et décédé en 1927, qui fonda à la fin du XIXe siècle le mouridisme, une confrérie soufie qui continue à jouer un rôle prépondérant dans la vie quotidienne des Sénégalais. Il est surnommé "Serigne Touba".Chaque année, son départ en exil le 12 août 1895 (selon le calendrier musulman) est fêté lors du "grand Magal", une célébration qui rassemble plusieurs millions de membres de la confrérie à Touba.Tous les ans, ils se pressent en rangs serrés aux alentours de la grande mosquée et des mausolées de cette ville qu'ils considèrent comme sainte.La dernière édition du Magal a eu lieu le 7 octobre 2020. L’AFP l’avait relatée. Des pèlerins entre dans la Grande Mosquée de Touba le 28 octobre 2018, le jour du "grand Magal" des Mourides.(Seyllou / AFP)Dans d'autres publications présentant la même photo (Twitter, Facebook), des internautes évoquent également la ville de Touba. Sous la publication virale, les internautes ne sont d'ailleurs pas dupes : plusieurs signalent à l'auteur qu'il s'agit d'une photo prise à Touba et pas en Guinée. Capture d'écran de commentaires sur Facebook prise le 8 octobre 2020.Nationale 3L'AFP a été en mesure d'identifier là où le cliché a été pris: d'un bâtiment en hauteur, probablement la Grande Mosquée, qui donne sur la route nationale 3, intégralement occupée par la foule.A l'arrière-plan de la photo virale, on aperçoit le même bâtiment que celui visible sur cette capture d'écran de Google Street View (encadré en rouge), ainsi que la même antenne (cercle vert) et le même bâtiment juste devant (cercle bleu).La prise de vue date de janvier 2016, quelques mois avant le "grand Magal", célébré en novembre de cette même année. Capture d'écran de la photographie virale dans une publication Facebook prise le 8 octobre 2020 Captures d'écran de Google Street View prises le 8 octobre 2020 Partisan de Cellou Dalein DialloEn consultant le profil de l'internaute qui a partagé cette photo, l'AFP a par ailleurs repéré plusieurs publications soutenant le candidat et principal opposant au président guinéen, Cellou Dalein Diallo, qui dirige l'Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). Capture d'écran de publications Facebook prise le 8 octobre 2020.Le 6 octobre, jour où il partage ce cliché en le situant à Kissidougou, en Guinée, un rassemblement était en effet organisé dans cette ville par M. Diallo.Le chef de l'UFDG avait partagé le lendemain une photographie de la foule sur son compte Facebook ainsi que sur son compte Twitter.Grand défilé de joie et ferveur populaire indescriptible à mon arrivée à Kissidougou où les braves populations sont prêtes à sanctionner les fausses promesses d'@alphacondepresi dans les urnes le 18 octobre prochain. pic.twitter.com/A9jwQ5LvCg — Cellou Dalein Diallo (@Cellou_UFDG) October 7, 2020Un an de contestationEn Guinée, la perspective puis la confirmation d'une candidature du président Alpha Condé, 82 ans, à un troisième mandat controversé au scrutin du 18 octobre a suscité depuis un an une contestation ayant fait descendre dans les rues des dizaines, voire des centaines de milliers de Guinéens, souvent durement réprimée.Début octobre, Amnesty a dénoncé la répression des manifestations, à l'origine de la mort d'au moins 50 personnes en un an, ainsi que l'immunité des forces de défense et de sécurité.Une mission conjointe de l'ONU, de l'Union africaine et de la Cédéao (Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest) a mis en garde le 3 octobre contre les "discours de haine à relent ethnique (...) susceptibles d'encourager les violences" durant la campagne et annoncé le déploiement d’observateurs de la Cédéao et de l'UA "afin de contribuer à une élection crédible et transparente".L'ONU a explicitement demandé le 7 octobre aux candidats à la présidentielle de s'abstenir de tout discours de haine ethnique susceptible d'entraîner des violences.
(fr)
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