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Un citoyen du comté d'Orange en Floride déroule un discours anxiogène sur les mesures mises en oeuvre pour contrer l'épidémie de Covid-19 dans une vidéo partagée quelques milliers de fois sur plusieurs réseaux sociaux depuis fin septembre. Il affirme pêle-mêle qu'il est dangereux de porter un masque et de vacciner la population en période d'épidémie car cela permet le développement de variants, que les vaccins anti-Covid ne protègent pas du virus et que le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech n'est pas approuvé par l'agence américaine des médicaments. Ces affirmations sont trompeuses voire totalement fausses, comme l'ont déjà expliqué de nombreux experts à l'AFP."Démonstration puissante du Dr Kevin Stillwagon, au Conseil des commissaires d'Orange County, Floride, le 15 septembre 2021", peut-on lire dans la description d'une vidéo publiée sur la plateforme Odysee le 30 septembre 2021, depuis visionnée plus de 4.500 fois.Il s'agit de l'enregistrement d'une intervention d'un anglophone se présentant comme "le Dr. Kevin Stillwagon, propriétaire et contribuable du comté d'Orange", sous-titrée en français. La même séquence a été vue depuis plus de 6.000 fois sur Facebook (ici), près d'un millier d'autres sur Instagram (ici), des centaines de fois sur TikTok (ici), et partagée à des dizaines de reprises sur Twitter (là ou là). Capture d'écran Facebook, réalisée le 19/10/2021 Capture d'écran Odysee, réalisée le 19/10/2021 Une vidéo similaire mais sans sous-titres a aussi été partagée plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux sud-africains (ici ou là).D'où vient cette vidéo ?En effectuant une recherche d'images inversée, dont le principe est expliqué en dessous, on peut retrouver cette vidéo publiée sur le réseau social américain Reddit, le 24 septembre 2021. Elle apparaît également dans un article du site britannique "The White rose" publié quelques jours plus tard, qui fait part d'une "intervention puissante du Dr. Stillwagon", ou encore sur des plateformes d'hébergement de vidéos comme BitChute.Ce clip est en fait un extrait d'une session du conseil des représentants du comté d'Orange, en Floride (ce qui peut correspondre à une réunion de conseil départemental), qui s'est déroulée le 14 septembre 2021, et dont la rediffusion est disponible en ligne. Kevin Stillwagon est intervenu dans la deuxième moitié de cette session, au cours de laquelle le "grand public", donc des citoyens du comté en question, étaient invités à s'exprimer face aux élus. On peut retrouver son intervention à partir de 7 minutes 40 dans la partie numéro 7 du replay de la réunion.Qui est le "Dr. Kevin Stillwagon" ?Une recherche Google au sujet du "Dr Kevin Stillwagon" donne peu de résultats. On peut simplement retrouver son profil sur un site recensant les spécialistes médicaux américains, qui indique qu'il travaillait en tant que chiropracteur à Saint-Cloud, en Floride, ville située dans le comté voisin à celui d'Orange. Il est à la retraite depuis 1988.La chiropraxie est la "médecine manuelle de référence pour les soins du dos et des articulations", selon le site de l'Association française de chiropraxie.Parmi les autres résultats liés à son nom, on trouve également des articles de blog qui font état de son récent discours devant les élus du comté d'Orange, certains utilisateurs affirmant que Kevin Stillwagon a "détruit le narratif lié au masque et à la vaccination en trois minutes".Cependant, au moins six des arguments qu'il aborde dans son intervention sont fondés sur des informations trompeuses ou erronées sur le Covid-19, et ont déjà fait l'objet de plusieurs articles de vérification de l'AFP.1 - Les mesures prises pour faire face au Covid et la peur de la maladie sont "sans fondement" : trompeurKevin Stillwagon commence son discours en prenant à partie les représentants du comté d'Orange au sujet de leur gestion de l'épidémie de Covid-19. "Vous prenez de très mauvaises décisions fondées sur la peur d'un virus qui a un taux de survie d'environ 99% pour la plupart d'entre nous. Cette peur est sans fondement", lance-t-il.Cette première affirmation est trompeuse : le taux de survie n'est pas la meilleure mesure de la gravité d'une maladie, estimaient plusieurs professeurs américains étudiant les statistiques liées à la santé à l'AFP en mai 2020."Un taux de survie est mesuré avec les cas de maladie au dénominateur, pas avec la population totale. Si vous faisiez cela pour le cancer, par exemple, vous obtiendriez également un taux de survie fantastique", illustrait par exemple Theo Vos, professeur à l'Institut de métrologie sanitaire et d'évaluation de l'Université de Washington.Par ailleurs, des personnes de tous âges peuvent être infectées par le Covid-19, mais les personnes âgées et les personnes souffrant de pathologies préexistantes peuvent être plus sensibles au virus, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).L'OMS indique aussi sur son site que "la plupart des personnes qui contractent la COVID-19 ont des symptômes bénins ou modérés et peuvent guérir grâce à un traitement".Ainsi, aux Etats-Unis, le taux de survie diffère également en fonction de la démographie, comme l'indiquent les données des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les agences de santé du pays.Au 19 octobre 2021, la pandémie a fait au moins 4.902.638 morts dans le monde depuis fin décembre 2019, selon le bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles.Les Etats-Unis sont le pays le plus endeuillé avec 726.201 morts, suivis par le Brésil avec 603.465 décès enregistrés, l'Inde, avec 452.454 morts comptabilisés, le Mexique avec 284.477 décès et la Russie, qui fait état de 225.325 morts.L'OMS estime, en prenant en compte la surmortalité directement et indirectement liée au Covid-19, que le bilan de la pandémie pourrait être deux à trois fois plus élevé. Nombre de morts liés au coronavirus officiellement annoncés par pays, au 19 octobre ( Infographie AFP) Nombre de morts liés au coronavirus officiellement annoncés par pays, au 19 octobre ( Infographie AFP) 2 - Porter le masque augmente le risque d'infection : faux"Ce masque que vous continuez d'insister de faire porter aux gens fait diminuer la quantité d'air dans les tissus de vos poumons. Nous savons dorénavant que ce virus (...) fusionne avec vos tissus pulmonaires pour vous infecter. Et cela fonctionne mieux en cas de diminution d'oxygène", avance ensuite Kevin Stillwagon."J'arrêterais donc immédiatement de porter un masque, si j'étais vous", conclut-il.L'idée que les masques peuvent être dangereux, en provoquant des hypoxies, c'est-à-dire des déficiences de l'organisme en oxygène, a déjà circulé à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux depuis début 2020.Plusieurs scientifiques ont déjà expliqué auprès de l'AFP dans plusieurs articles (dont celui-ci, celui-ci, celui-ci ou encore celui-là) qu'un masque, correctement porté, n'est pas dangereux pour son utilisateur. "Les masques, notamment chirurgicaux, sont conçus pour être portés pendant une durée de plusieurs heures par les professionnels de santé, sans entraver leurs capacités à travailler, ni altérer leurs capacités respiratoires", notait en septembre 2020 Eric d’Ortenzio, épidémiologiste à l’Inserm."Ils ne peuvent pas générer une hypoxie. Pour cela, il faudrait que le masque soit hermétiquement collé à notre peau. Ce que limite les masques de protection, c'est l'entrée de molécules plus grandes", qui pourraient contenir des traces de virus, détaillait le docteur Emilio Herrera, professeur de physiopathologie et expert en hypoxie à l'université du Chili à Santiago."Le masque filtre le virus, mais pas les molécules. Un virus est beaucoup plus gros qu’une molécule d’oxygène ou de dioxyde de carbone", assurait Jean-Luc Gala, chef de clinique à la clinique universitaire Saint Luc à Bruxelles et spécialiste des maladies infectieusesLes masques n’ont par conséquent aucun impact sur le système immunitaire. "Les personnels de santé passent huit heures par jour avec un masque et ils ne développent pas d’infection secondaire ou de problèmes de santé", rappelait en 2020 Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Bien que l'utilisation prolongée de masques médicaux puisse être inconfortable, l'OMS maintient également que le port de masques n'entraîne pas d'intoxication au dioxyde de carbone (CO2) ni de manque d'oxygène. "Lorsque vous portez un masque médical, assurez-vous qu'il est bien ajusté et qu'il est suffisamment serré pour vous permettre de respirer normalement. Ne réutilisez pas un masque jetable et changez-le toujours dès qu'il est humide", peut-on lire sur le site de l'OMS.Le CDC vont dans le même sens : "Les molécules de CO2 sont suffisamment petites pour traverser facilement le matériau du masque. En revanche, les gouttelettes respiratoires qui transportent le virus responsable de la Covid-19 sont beaucoup plus grosses que le CO2, et ne peuvent donc pas passer aussi facilement à travers un masque correctement conçu et correctement porté", peut-on lire sur leur site.Porter un masque va de pair avec l'application d'autres mesures préventives, dont la distance physique, l'évitement des endroits bondés et des contacts étroits, une bonne ventilation, le nettoyage des mains et le fait de se couvrir la bouche lorsque l'on éternue ou que l'on tousse. 3 - Le vaccin "ne donne absolument aucune protection contre l'infection", et pire, il "réduit la capacité de votre système immunitaire" : fauxKevin Stillwagon continue sa tirade en affirmant que "cette injection, que vous insistez que les gens prennent, ne vous donne absolument aucune protection contre l'infection". "L'injection réduit la capacité de votre système immunitaire d'empêcher les virus d'entrer de 60%, et une injection de rappel la réduira encore plus", précise-t-il encore.L'AFP a déjà vérifié des affirmations similaires ici et là. Les experts interrogés sont cependant formels : la vaccination n'augmente pas la probabilité d'infection par le Covid-19."Tous les vaccins Covid-19 approuvés pour une utilisation d'urgence par l'OMS ont été testés de manière approfondie et il a été prouvé qu'ils offraient un haut degré de protection contre les maladies graves et la mort", indique également l'OMS sur son site.La progression de la campagne de vaccination tend aussi à démontrer l'efficacité des vaccins contre les formes graves de la maladie, notaient des experts dans cet article. Alison Galvani, directrice du Yale Center for Infectious Disease Modeling and Analysis, a réaffirmé en octobre auprès de l'AFP qu'"indépendamment de la baisse de l'immunité, les personnes qui ont été vaccinées sont beaucoup moins susceptibles d'être infectées, hospitalisées ou de mourir du Covid-19".Le Dr. Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses américain, a lui aussi affirmé que les vaccins protègent les gens des formes graves du Covid-19."Les vaccins font exactement ce que nous leur demandons de faire lorsqu'il s'agit de vous éviter l'hôpital, une maladie grave, et certainement de prévenir votre décès", déclarait-il lors d'un point de presse le 2 août 2021.Plusieurs professeurs ont aussi déjà démenti l'affirmation selon laquelle la vaccination peut affaiblir le système immunitaire auprès de l'AFP.Heidemarie Holzmann, professeur de virologie à l'Université de médecine de Vienne, affirmait en décembre 2020 qu'il s'agissait d'un "non-sens complet"."Notre système immunitaire est constamment actif", détaillait-il. Ainsi "même si vous êtes vacciné contre une ou plusieurs maladies, le corps est toujours exposé aux antigènes 24 heures sur 24. Le système immunitaire n'est pas condamné à l'oisiveté par les vaccinations", expliquait le professeur Holzmann. Le chef du service infectiologie et professeur en immunopathologie à l'Université de Liège Michel Moutschen, confirmait en mars 2021 dans un autre article que "les vaccins n'ont aucun impact sur l'immunité naturelle". 4 - Les vaccins favorisent la création des variants, et poussent le virus à vous infecter : faux"Encore pire, les anticorps créés par cette injection ne peuvent plus neutraliser les variants, et en fait augmentent la capacité du virus à vous infecter", poursuit Kevin Stillwagon lors de son intervention devant le conseil du comté d'Orange."Il devrait être affreusement évident pour vous (...) que cela va continuer à empirer si vous continuez à vacciner les gens alors qu'un virus est en train de se propager. Les variants émergent de la population vaccinée", assène-t-il aussi.Il s'agit encore une fois d'une affirmation infondée déjà relayée sur les réseaux sociaux et démentie par des experts auprès de l'AFP.Le Dr. Anna Durbin, professeure de santé internationale dans le département de santé publique de l'université Johns Hopkins, a notamment réfuté cette affirmation qui a gagné en popularité avec la propagation du variant Delta, hautement infectieux et responsable d'une flambée mondiale des cas."Le variant Delta n'est pas apparu à cause des vaccins. Le variant Delta est né de la concurrence naturelle avec le variant Alpha. La meilleure façon de prévenir les variants est de vacciner autant de personnes que possible", affirmait-elle auprès de l'AFP en août 2021.Plusieurs experts précisaient alors que les vaccins Covid-19 réduisent plutôt qu'augmentent les risques liés au virus, et ne peuvent pas créer de mutations.Les mutations créant les variants sont un phénomène naturel, normal chez les virus, indiquaient des experts cités dans cet autre article de juillet 2021.En effet, les mutations se produisent quand le virus se réplique pour se multiplier car des erreurs se glissent dans ces copies : plus le virus circule, plus il y a de mutations et plus il y a de risques, statistiquement, que ces mutations soient problématiques. C'est pour cette raison que les médecins insistent sur le fait qu'il faut vacciner vite, pour laisser au virus moins d'opportunités de mutation."Bien sûr qu'il faut vacciner en période d'épidémie", concluait ainsi Frédéric Altare, directeur du Département d'Immunologie au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) et directeur de recherche à l'Inserm. 5 - Le vaccin n'est pas approuvé par l'agence américaine des médicaments : faux"Ce soi-disant vaccin est toujours administré à travers ce qui est appelé une 'autorisation d'urgence'. Il n'est pas approuvé par la FDA. La FDA a approuvé une demande de 'licence biologique' pour un produit appelé Comirnaty. La demande a été approuvée, mais pas le produit. Comirnaty n'est pas disponible aux Etats-Unis", prétend ensuite Kevin Stillwagon.Des affirmations similaires ont circulé sur les réseaux sociaux au cours de l'été 2021. Elles sont cependant fausses : le vaccin Comirnaty, qui désigne le nouveau nom de commercialisation du produit de Pfizer et BioNTech, a été complètement approuvé par la FDA en août 2021.Une autorisation d'utilisation d'urgence (EUA) émise par la Food and Drug Administration (FDA) américaine, équivalent de la Haute Autorité de Santé, sert, selon le site de l'instance, à "faciliter la disponibilité et l'utilisation de contre-mesures médicales, y compris de vaccins, lors d'urgences de santé publique, telles que la pandémie actuelle de Covid-19".La FDA a autorisé trois vaccins dans le cadre d'une "utilisation d'urgence" aux États-Unis : ceux fabriqués par Pfizer-BioNTech, par Moderna et par Janssen. Le vaccin de Pfizer-BioNTech a par ailleurs reçu l'approbation complète de la FDA, sous le nom de Comirnaty, en août 2021. Bien que Comirnaty soit entièrement approuvé aux États-Unis pour les personnes âgées de 16 ans et plus, "le vaccin continue également d'être disponible en vertu d'une autorisation d'utilisation d'urgence (EUA), notamment pour les personnes âgées de 12 à 15 ans et pour l'administration d'une troisième dose chez certaines personnes immunodéprimées", peut-on aussi lire dans le communiqué de presse de la FDA du 23 août 2021.6 - Aucun essai sur des animaux n'a été réalisé pour les vaccins anti-Covid : faux"Par conséquent, selon la loi, vous ne pouvez pas forcer les gens à prendre ce médicament sans consentement éclairé, et sans essais sur les animaux pour prouver qu'il est sans danger", termine Kevin Stillwagon.Des publications prétendant que les entreprises pharmaceutiques avaient "sauté" les essais sur les animaux lors du développement des vaccins contre le Covid-19 parce que les sujets mouraient constamment ont déjà été vérifiées par l'AFP en mai 2021.Les vaccins Pfizer-BioNtech, Moderna et Johnson & Johnson ont tous été soumis à des tests sur des animaux, avaient annoncé les trois fabricants au cours de l'été 2020, dont les résultats ont été publiés dans des communiqués distincts.Toutes les entreprises ont indiqué que les vaccins ont créé une réponse immunitaire qui a protégé les animaux contre une infection par le SRAS-CoV-2."Si la sécurité et l'efficacité ne sont pas garanties dans les essais précliniques, l'étude ne se poursuivra pas", avait déclaré Kirk Leech, le directeur exécutif de l'Association européenne pour la recherche animale, en mai 2021 à l'AFP.Kirk Leech et Akiko Iwasaki, immunobiologiste à l'université de Yale, avait par ailleurs tous deux confirmé que des tests sur des animaux avaient bien eu lieu lors du développement des vaccins contre le Covid-19, comme cela est le cas pour de nombreux médicaments.L'urgence de la pandémie a cependant fait que certains tests sur les humains et les animaux ont été menés simultanément pour les vaccins Moderna et Pfizer, avaient-ils relevé.
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