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Une publication largement partagée sur Facebook laisse croire, vidéo à l’appui, que des bureaux de la Mission des Nations Unies en République démocratrique du Congo (Monusco) ont été assiégés et incendiés lors des manifestations anti-ONU qui ont secoué l’Est de la RDC durant la semaine du 5 avril. C’est faux : cette vidéo date d’un précédent mouvement d’humeur contre la Monusco, en novembre 2019. Si les bâtiments des Nations Unies n’ont cette fois-ci pas été attaqués, les critiques restent vives contre les casques bleus, accusés d’inefficacité face aux violences qui secouent la région.La Monusco dans la tourmente en République démocratique du Congo: à l'appel de mouvements citoyens et de groupes de pression, une grève générale de dix jours a débuté le 5 avril dans l’Est du pays pour réclamer le départ des casques bleus déployés dans le cadre de la Mission de l'ONU en RDC.En cause, l’incapacité de cette force de maintien de la paix à empêcher les violences commises par des groupes armés dans la région, notamment les Forces démocratiques alliées (ADF), une milice d'origine ougandaise accusée de plusieurs massacres de civils dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu et en Ituri.Dans le cadre de ce mouvement de protestation, deux villes ont été paralysées dans l’Est de la RDC : Beni et Butembo, carrefour commercial de plus d'un million d'habitants. Des heurts ont par ailleurs éclaté entre manifestants et forces de l’ordre, durant lesquels un homme a été tué par balles.C’est dans ce contexte tendu qu'est apparue une vidéo partagée près de 350 fois sur Facebook, prétendant montrer l’attaque d’un bâtiment de la Monusco. Cet assemblage de photos et de séquences filmées dure près de trois minutes et montre des jeunes gens en colère, brandissant des bâtons près d’un bâtiment en feu d’où s’échappe une épaisse fumée noire. Capture Facebook, réalisée le 12 avril 2021Une voix en fond sonore décrit l'événement en lingala, la langue nationale de la RDC, et en français. "La population a débordé à l’endroit de la Monusco", dit l’orateur. "C’est une réussite totale !", se réjouit-il, alors qu’apparaissent à l’écran des manifestants marchant le long d’une route bitumée ou bien bloquant un axe, assis à même la chaussée.Voilà "ce qui se passe dans le Nord-Kivu aujourd’hui", insiste l’auteur de cette publication, qui accuse plusieurs grands médias internationaux, dont la BBC et Radio France internationale, de ne pas vouloir "montrer ces images". La "Monusco doit partir", termine-t-il en lettres capitales. Une vidéo datant de 2019Les images relayées par cette publication, en réalité, n’ont pas été filmées lors des événements de ces derniers jours : une recherche sur Facebook avec les mots-clé "Monusco" et "Beni" fait apparaître la même vidéo sur des publications Facebook datant du 25 novembre 2019 (1, 2).A cette date, un camp de la Monusco à Beni avait bel et bien été envahi par des manifestants, puis partiellement incendié. Ces émeutes, là encore, visaient à protester contre l’"inaction" de l’armée congolaise et des Casques bleus face aux tueries à répétition attribuées aux ADF.Lors de cette attaque, relatée par l’AFP, des émeutiers avaient mis le feu à la mairie de Beni avant de se diriger vers deux camps des Nations unies. Les forces de sécurité congolaises avaient tiré à balles réelles pour contenir des manifestants, avant que ceux-ci ne parviennent finalement à entrer dans l’un des deux camps.Contacté par l’AFP, le porte-parole de la Monusco Mathias Gilman a confirmé que la vidéo virale ces derniers jours sur Facebook montrait les "incidents de 2019" et non les évènements actuels. "Les bureaux de la Monusco n’ont pas été attaqués récemment. Nous n'avons subi aucun dommage", a-t-il déclaré.Un territoire sous tension La famille d'une femme tuée dans une attaque présumée par le groupe rebelle des Forces démocratiques alliées ougandaises (ADF) se rend au lieu de sépulture le 12 novembre 2018, à Beni. - (AFP / John Wessels)Si les bureaux de la Monusco n’ont pas été pris d’assaut lors des dernières manifestations, la situation n’en reste pas moins tendue à Beni et Butembo, notamment depuis la mort d'un manifestant tué par balle vendredi.Suite à ce décès, le maire de Butembo, Sylvain Mbusa Kanyamanda, a déclaré à l'AFP avoir "ordonné l'arrestation du suspect, un policier identifié par des témoins", mais aussi de "tous les autres policiers présents dans le périmètre pour des besoins d'enquête".Le "seul tort" de la victime "est d'avoir exigé le départ de la Monusco (...) parce que les casques bleus ne font absolument rien pour protéger des civils contre les massacres", a indiqué à l'AFP Léon Tsongo, un des responsables du groupe de pression "Parlement debout", qui organisait avec d'autres la manifestation."On ne va plus reculer jusqu'à obtenir le départ du dernier contingent des Casques bleus", a-t-il ajouté.Dans une déclaration conjointe, la délégation de l'Union européenne et les représentations diplomatiques occidentales ont exprimé de leur côté leur soutien à la Monusco, saluant son "travail continu pour protéger la population civile et éliminer la menace posée par les groupes armés".Les représentations signataires, parmi lesquelles les Etats-Unis, le Canada, le Japon, le Royaume-Uni, ont néanmoins affirmé soutenir "le droit de la population de l'Est de la RDC à se rassembler et manifester pacifiquement afin de faire entendre sa voix".Présente en RDC depuis 1999, la Monusco compte environ 15.000 militaires et policiers, avec un budget annuel avoisinant un milliard de dollars. Son travail est souvent critiqué et l'inefficacité d'une Brigade d'intervention rapide (FIB) de la Mission dans la région de Beni est régulièrement dénoncée. Des soldats de la paix uruguayens de la MONUSCO patrouillent à Nioka, sur la route nationale 27 dans la province d'Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, le 15 septembre 2020 (AFP / Alexis Huguet)Dans un compte-rendu de mission publié le 7 avril, la cheffe de la Mission de l’ONU en RDC, Bintou Keita, a exprimé sa "préoccupation face aux appels à la violence et à la haine" visant "les humanitaires et les institutions nationales et internationales" et notamment la Monusco.Cette dernière est "consciente des difficultés extrêmes auxquelles fait face la population dans le contexte d’une recrudescence des attaques contre les civils, notamment par les ADF", souligne toutefois le document, qui appelle à des "efforts conjoints" de tous pour lutter contre ce groupe armé.Les Forces démocratiques alliées (ADF) sont accusés d'avoir tué plus 1.840 civils depuis avril 2017, d'après les experts du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST). Ils sont considérés actuellement comme les plus violents des 122 groupes armés actifs dans l'Est de la RDC, où les attaques de groupes armés sont fréquentes.
(fr)
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