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Des publications partagées près de 2.000 fois depuis le 2 août relayent une photo qui montrent, selon les internautes, "73 chinois arrêtés au Katanga", dans le sud de la République démocratique du Congo, pour "kidnapping" d'enfants de la région en vue de commettre des actes cannibales. Pourtant, selon la police et la justice, aucun ressortissant de cette nationalité n'a été arrêté récemment dans les trois entités qui composaient l'ex-province du Katanga, dans le sud du pays. La photo virale montre en réalité des employés d'une société minière attendant d'être auditionnés dans le cadre d'une enquête n'ayant rien à voir avec des soupçons d'enlèvements ou de cannibalisme."Affaire kidnapping dans le grand Katanga", en République démocratique du Congo, alertent plusieurs publications sur Facebook. Elles affirment que "73 chinois [sic]" suspectés de "kidnapping" et de cannibalisme visant des "enfants au Katanga" ont été arrêtés dans cette région. Tous ces messages s'accompagnent d'une photo montrant une douzaine de travailleurs d'origine asiatique, en habits de travail, accroupis dans un couloir. Trois hommes noirs, à l'arrière plan, semblent monter la garde et attendre avec eux devant une porte close. Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 6 août 2021Ces publications ont été partagées près de 2.000 fois depuis le 2 août sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5...). Aucun ressortissant chinois arrêté pour enlèvement au KatangaPourtant, cette rumeur est complètement infondée: aucun Chinois n'a été arrêté pour kidnapping dans le but de manger des enfants, selon plusieurs sources locales des différentes provinces du sud du pays interrogées par l'AFP."Aucun Chinois n'a été arrêté" dans la province du Haut-Katanga, et aucun ressortissant de ce pays ne se trouve "dans les cachots au Katanga", l'une des trois entités issues du démantèlement du Katanga, mentionné dans les publications virales, a déclaré à l'AFP Teddy Katumbo Lundu, procureur de la République du parquet de grande instance de Lubumbashi.Il s'agit bien là d'une "fausse rumeur", a confirmé sans ambages à l'AFP le major Ghislain Kitenge, commandant spécial de la police dans la ville de Kolwezi, chef-lieu de la province de Lualaba, également ex-territoire du Katanga. Lui assure que des "Chinois" ont bien été arrêtés, "mais pas pour l'affaire des enfants" et mentionne plutôt une affaire d'escroqueries aux visas.Contactée par l'AFP, l'ambassade chinoise en République démocratique du Congo a dénoncé pour sa part une "fake news" et redirigé vers un communiqué de presse publié le 2 août par la compagnie minière de Musonoïe (Commus), une entreprise du secteur minier active dans la province du Lualaba appartenant à Zijin Mining, une importante société minière chinoise.Ce document affirme que la photo qui accompagne les publications virales a été "prise pendant que les employés de COMMUS [qui y apparaissent participaient] à l'enquête auprès du parquet provincial de Lualaba" et condamne les "remarques absurdes" et la "conduite malveillante" des "auteurs de rumeurs concernés", sans préciser davantage la teneur de l'enquête susmentionnée. Il a été publié le même jour par l'entreprise sur Twitter.Communiqué de COMMUS#COMMUS#kolwezi#lualaba#lubumbashipic.twitter.com/yT6BVFDIRr — COMMUS SAS (@COMMUS_SAS) August 2, 2021 Des recherches d'images inversées avec la photo qui circule sur Facebook n'ont pas permis de retrouver sa trace et d'en authentifier l'origine. Pour autant, les uniformes des hommes qui y apparaissent ressemblent fortement à ceux des employés de Commus, comme on peut le voir sur cette photo publiée sur le site du gouvernement de Lualaba (à droite), prise lors d'une visite du gouverneur provincial dans l'entreprise en 2018. On y repère les mêmes vestes noires et oranges à cols noirs (rectangle rouge). Les deux couleurs sont, comme dans la photo virale, séparées par une bande fluorescente (rectangle jaune). Ces mêmes uniformes sont visibles sur les photos publiées par le compte Twitter de l'entreprise. Capture d'écran d'une photo d'une publication Facebook, réalisée le 11 août 2021 Capture d'écran d'une photo du site du gouvernement provincial de Lualaba, réalisée le 11 août 2021 Selon le média allemand Deutsche Welle, qui a également vérifié cette rumeur et qui cite une source anonyme au sein de l'entreprise, "le parquet avait besoin des sujets chinois qui apparaissaient dans une vidéo où les forces de l'ordre frappaient les creuseurs clandestins sur le site de Commus". Contactée sur Twitter, l'entreprise chinoise n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.Fin juillet, une vidéo montrant des militaires obéissant à des donneurs d'ordre chinois et fouettant des creuseurs dans une des concessions de Commus avait en effet circulé sur les réseaux sociaux, choquant l'opinion publique congolaise, comme le racontent les Observateurs de France 24 dans cet article. La société s'était expliquée dans un communiqué, regrettant un "incident". Selon plusieurs médias congolais (1, 2, 3), deux militaires ont par la suite été condamnés à de la prison ferme et à des amendes pour coups et blessures sur deux creuseurs artisanaux qui s'étaient infiltrés illégalement sur une concession appartenant à Commus.Attaques et enlèvements d'enfants en hausse en Afrique occidentale et centraleCette rumeur circule dans un contexte d'augmentation des enlèvements et des attaques visant des enfants, selon un communiqué du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) publié début juillet en Afrique de l'Ouest et du Centre et notamment en RDC. Dans ce pays, "au cours du seul premier trimestre 2021, plus de 3.400 violations contre des enfants (telles que des recrutements dans des groupes armés, des enlèvements ou des exécutions) ont été confirmées", souligne l'organisation, "soit 64 % du nombre total de violations enregistrées sur l’ensemble de l’année 2020". Plusieurs médias congolais ont récemment alerté au sujet d'une recrudescence des kidnappings dans la province du Haut-Katanga (1, 2, 3). Ce phénomène n'est pourtant pas nouveau en RDC: déjà en 2017, une "crise" des kidnappings d'enfants contre rançons avait été relevée par le quotidien britannique The Guardian, sur la base des déclarations d'une organisation locale de protection de l'enfance. Une situation également rapportée par le quotidien français Le Monde, qui soulignait début 2018 que les procès pour ces crimes étaient rares dans le pays.
(fr)
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