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Le vaccin contre le Covid-19 serait dangereux pour les femmes enceintes et allaitantes, assurent des publications partagées plusieurs milliers de fois depuis une dizaine de jours, s'appuyant sur un document prétendument publié par Pfizer. C'est faux : le document mis en avant provient de l'agence de régulation des médicaments du Royaume-Uni, et présente des recommandations datées de 2020. Ces dernières ont depuis été modifiées, les données n'attestant pas de preuves de dangers pour les femmes enceintes ou allaitantes vaccinées contre le Covid-19, a confirmé l'agence à l'AFP. La plupart des pays recommandent à ce jour la vaccination pour les femmes enceintes et allaitantes, et deux chercheuses ont confirmé à l'AFP qu'au vu des données connues, la vaccination présente plus de bénéfices que de risques pour ces dernières."Donc les documents #Pfizer montrent que leur vaccin est déconseillé pour les femmes enceintes et allaitantes", assure un tweet du 4 mai partagé plus de 2.000 fois. "#Pfizer prévient que le #Vaccin pourrait polluer le lait maternel et qu'ils ne connaissent pas les conséquences, d'un allaitement, suite à cette injection à la mère. Ils recommandent de ne pas vacciner en cas d'allaitement. Une piste pour les lésions hépatiques infantiles", renchérit un autre post partagé plus de 3.300 fois depuis la même date.Tous deux partagent des captures d'écran de documents en anglais, sur lesquels ont peut lire que "le vaccin anti-Covid à ARNm BNT126b2 [celui de Pfizer-BioNTech, NDLR] n'est pas recommandé pendant la grossesse", et "ne doit pas être utilisé pendant l'allaitement". Capture d'écran Twitter, prise le 12/05/2022 Capture d'écran Twitter, prise le 12/05/2022 Plusieurs demandes au sujet de ce document nous ont aussi été transmises sur WhatsApp. Des affirmations semblables ont été relayées dans des articles de blogs, sur Twitter, Facebook et Telegram (1, 2), où elles totalisent plus de 100.000 vues.Des allégations similaires, avec les captures d'écran des mêmes documents ont largement circulé sur Twitter, Facebook, Instagram en anglais. Ces affirmations sur des dangers potentiels pour les femmes enceintes ont circulé sur les réseaux sociaux en parallèle de la diffusion de nombreuses allégations, souvent trompeuses, liées aux "Pfizer docs" ou "Pfizer documents", des documents relatifs au vaccin rendus publics de façon progressive par l'Agence américaine du médicament, comme déjà détaillé dans cet article de vérification de l'AFP.Un document des autorités de santé britanniques datant de 2020En effectuant une recherche avancée sur Google (dont le principe est précisé dans cette vidéo) avec les mots-clés en anglais présents dans les captures d'écran figurant dans les publications, l'AFP a pu retrouver le document original dont elles sont extraites, qui a été publié sur le site de l'agence britannique de réglementation des médicaments le 8 décembre 2020.Le document de dix pages est une recommandation qui avait alors été adressée aux professionnels de santé britanniques, alors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 venait de débuter dans ce pays.Interrogé par l'AFP en mai 2022, un porte-parole de l'agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé ("Medicines & Healthcare products Regulatory Agency", ou MHRA) a confirmé que ce document a bien été publié sur le site de l'agence fin 2020, tout en soulignant qu'il ne reflète pas ses recommandations actuelles concernant les vaccins.Dans le document de décembre 2020, il est en effet indiqué que les précautions (de ne pas recommander la vaccination des femmes enceintes et allaitantes) étaient dues au manque de données à ce moment-là.En effet, comme dans la plupart des essais cliniques, les personnes enceintes et allaitantes ont été exclues des essais de phase 3 du vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19. Cela est habituel dans les protocoles d'essais : les populations à profil spécifique (comme les femmes enceintes ou les enfants par exemple) sont testées dans un deuxième temps.Comme de nombreux pays, le Royaume-Uni a donc d'abord, par principe de précaution, indiqué que le vaccin n'était pas recommandé aux femmes enceintes et allaitantes. "C'était notre évaluation, à l'époque", a ainsi précisé le porte-parole de la MHRA à l'AFP en mai 2022.Cependant, les recommandations ont été continuellement mises à jour depuis, et le Royaume-Uni a entre temps non seulement autorisé le vaccin pour les femmes enceintes et allaitantes, mais le recommande actuellement fortement, en raison des risques particuliers du Covid-19 pour cette population. Capture d'écran du site de l'agence de régulation des médicaments britannique, prise le 12/05/2022Les données favorables à la vaccination des femmes enceintes et allaitantesAucun problème de sécurité n'a été soulevé concernant la prise du vaccin Covid-19 de Pfizer-BioNTech pendant la grossesse, selon le porte-parole de la MHRA, qui fonde cette évaluation sur les plus de 104.000 personnes enceintes qui ont reçu au moins une dose de vaccin Covid-19 en Angleterre et en Ecosse."Il n'y a pas non plus de preuve actuelle que la vaccination Covid-19 pendant l'allaitement cause un quelconque préjudice aux enfants allaités ou affecte la capacité à allaiter", a ajouté le porte-parole de l'agence.Victoria Male, maîtresse de conférences en immunologie reproductive à l'Imperial College de Londres, a apporté des précisions sur Twitter au sujet des affirmations au sujet du document de décembre 2020.Le 10 mai 2022, elle a précisé auprès de l'AFP que "puisque les personnes enceintes n'ont pas été incluses dans les essais cliniques, pendant les premières semaines du déploiement du vaccin au Royaume-Uni, celui-ci ne leur a pas été proposé. Cependant, à partir du 1er janvier 2021, compte tenu du fait que le Covid peut provoquer des maladies graves pendant la grossesse, des naissances prématurées et des morts à la naissance, nous avons étendu la vaccination aux personnes enceintes à haut risque".Victoria Male a ajouté que les données recueillies depuis offrent des preuves solides en faveur de la vaccination. "Des études réalisées sur plus de 208.000 personnes vaccinées pendant la grossesse montrent qu'il n'y a pas de risque accru de problèmes de grossesse après la vaccination. Certaines de ces études ont également suivi des bébés jusqu'à l'âge de six mois, et nous n'avons constaté aucun problème chez eux non plus - en fait, certains éléments indiquent qu'ils sont protégés contre la contamination par le virus Covid", a-t-elle assuré.La vaccination des femmes enceintes recommandéeEn mai 2022, la plupart des pays recommandent ainsi aux femmes enceintes et allaitantes de se faire vacciner. En France, au printemps 2021, le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale a recommandé l'élargissement de la vaccination aux femmes enceintes.Le dossier de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur les vaccins contre le Covid et les femmes enceintes est consultable sur le site de l'agence. Il y est clairement indiqué qu'"à ce jour, aucun signal n'a été identifié chez les femmes enceintes et allaitantes avec l'ensemble des vaccins contre le Covid-19 disponibles en France". Capture d'écran du site de l'ANSM, prise le 12/05/2022Les autorités sanitaires des États-Unis et du Canada recommandent également le vaccin anti-Covid pour protéger les femmes enceintes.Une étude publiée en mars 2022 portant sur 97.590 personnes dans l'Ontario, au Canada, a indiqué que la vaccination contre le Covid-19 pendant la grossesse n'était "pas associée de manière significative à un risque accru de résultats péripartum (liés à la fin de la grossesse et l'accouchement, NDLR) défavorables", dont des hémorragies, des césariennes ou des admissions dans une unité de soins intensifs néonatals.Kathryn Gray, une médecin spécialiste en médecine obstétrique, maternelle et fœtale dans un hôpital de l'école de médecine d'Harvard à Boston, aux Etats-Unis, a assuré à l'AFP qu'elle continuait "assurément" à recommander le vaccin contre le Covid-19 à ses patientes enceintes.Elle renvoie par ailleurs vers une méta-analyse de 23 études publiée le 10 mai 2022, qui conclut que "la vaccination avec des vaccins à ARNm contre le Covid-19 pendant la grossesse semble être sûre et est associée à une réduction des morts à la naissance". Une femme enceinte reçoit une dose de vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19 le 24 juillet 2021à Medellin, en Colombie ( AFP / JOAQUIN SARMIENTO)Des organisations représentant les professionnels médicaux de plusieurs pays se positionnent aussi en faveur de la vaccination des femmes enceintes et allaitantes, soulignant que les vaccins Covid-19 ne présentent pas de risque général pour la fertilité.Trois organisations américaines représentatives des gynécologues et obstétriciens, de praticiens en médecine reproductive et en médecine maternelle et fœtale ont ainsi indiqué dans une déclaration commune qu'"aucune perte de fertilité n'a été signalée parmi les participants aux essais ou parmi les millions de personnes qui ont reçu les vaccins depuis leur autorisation, et aucun signe d'infertilité n'est apparu dans les études sur les animaux".Dans un avis du 17 novembre 2021, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a lui aussi recommandé la vaccination de toutes les femmes enceintes, quel que soit le stade de la grossesse.La page de questions liées à la vaccination des femmes enceintes du site du ministère des solidarités et de la santé note par ailleurs qu'"à ce stade, aucune étude n'a démontré l’impact du vaccin sur la fertilité des femmes ayant un projet de grossesse".Une étude publiée en janvier 2022 qui a suivi des couples aux États-Unis et au Canada "a constaté que les chances de conception ne changeaient pas en fonction du statut vaccinal des deux partenaires".L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) fait le point sur les données sur la vaccination des femmes enceintes dans cet article, et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a rédigé une foire aux questions sur le sujet, consultable ici.Que sont les "Pfizer documents" ?Ces allégations ont été propulsées sur les réseaux sociaux alors que des rumeurs au sujet des "Pfizer documents" ont largement circulé sur Internet. Comme détaillé dans cet article de l'AFP, la FDA ("Food and Drug Administration"), l'agence du médicament américaine, publie de façon progressive des documents liés à l'autorisation par la FDA du vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19 fin 2020. L'entreprise pharmaceutique a, comme c'est l'usage, assorti sa demande d'autorisation de milliers de pages de données et d'informations sur les essais qu'elle avait mené sur l'efficacité et la sûreté de son produit. D'autres datent aussi d'après l'autorisation, car Pfizer continue de fournir des données de surveillance "post-autorisation".En décembre 2020, une première autorisation d'urgence avait été accordée par la FDA au vaccin, qui a dès lors pu être utilisé. Pfizer a ensuite aussi déposé une autre demande d'autorisation, via la procédure plus classique, approuvée en août 2021.Les "Pfizer documents" sont consultables sur le site d'une organisation non-gouvernementale nommée "Public Health and Medical Professionals for Transparency" (PHMPT), dont l'objectif affiché est de rendre publics ces documents. On y trouve, au 10 mai 2022, "238 documents" téléchargeables, publiés entre le 17 novembre 2021 et le 2 mai 2022.Pour cela, l'organisation s'appuie sur le "Freedom of Information Act" (FOIA), la loi américaine sur la liberté d'accès à l'information qui oblige les agences fédérales américaines à transmettre à tous ceux qui en font la demande leurs documents.Dans un premier temps, la FDA, qui n'a pas contesté son obligation de rendre publique cette documentation, avait proposé de les publier au rythme de 500 pages par mois, expliquant avoir besoin de temps pour cette opération d'envergure inédite pour elle. Selon l'agence fédérale, quelque 330.000 pages de documents tombent sous le coup de la FOIA, comme on peut le lire en détail dans ce document juridique du 15 novembre 2021.Mais le groupe PHMPT avait demandé un rythme bien plus rapide et un juge texan a décidé début janvier 2022 que FDA devait publier ces documents à raison de "plus de 12.000 pages" avant le 31 janvier 2022 puis "55.000 pages tous les 30 jours", à partir du 1er mars. C'est pourquoi des documents fleurissent. Capture d'écran de la décision du juge texan du 6 janvier 2022A chaque fournée de "Pfizer documents" publiés, ces allégations trompeuses ressurgissent bien que la plupart aient déjà été réfutées par de nombreux scientifiques du monde entier et fait l'objet de quantités d'articles de vérification.Depuis le début des campagnes de vaccination dans le monde, plus de 10 milliards de doses de vaccin (toutes marques confondues) ont été administrées. Scientifiques indépendants comme autorités sanitaires continuent d'affirmer que le rapport bénéfice-risques de ces injections est largement favorable.La surveillance des vaccins (la pharmacovigilance) a fait surgir des alertes liées à des effets indésirables soupçonnés d'être causés par les vaccins, mais lorsqu'ils sont graves, ils restent très rares. Les points réguliers de l'Agence nationale de la sécurité des médicaments en France met tout cela en contexte par exemple ici. L'Agence européenne (EMA) fait de même là. Selon les chiffres officiels, plus de 81% des adultes dans l'Union européenne sont vaccinés. Une infirmière prépare une dose de vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19 près de Marseille, le 12 janvier 2022 ( AFP / CLEMENT MAHOUDEAU)
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