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Des publications partagées plusieurs centaines de fois sur Facebook depuis le 1er juin prétendent montrer une usine de fabrication de "fausses cigarettes" démantelée "au Cameroun". C’est faux : les photos relayées par ces internautes ont été prises en 2019, lors d’une opération policière visant une fabrique de cigarettes clandestine à Budapest, en Hongrie. Selon les autorités, "aucune opération de ce genre" n'a eu lieu au Cameroun, ni ces dernières semaines ni auparavant.Un bric-à-brac de papier, de caisses en bois et de machines vieillissantes, reliées entre elles par des courroies et des tuyaux: sur ces photos, largement partagées sur les réseaux sociaux, des milliers de cigarettes attendent d'être emballées, éparpillées sur le sol ou empilées sur des tables, dans une atmosphère chaotique.Selon une publication virale sur Facebook depuis le 1er juin, et qui a depuis été supprimée, ces images montrent une "usine de fausses cigarettes démantelée au Cameroun". Ce message a été repris dans de nombreux posts, sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5...), mais aussi sur Twitter (1, 2). Capture de l'un des posts trompeurs, réalisée le 4 juin 2021Selon l’une de ces publications, publiées au lendemain de la journée mondiale sans tabac, les contrebandiers opéraient dans "l’Ouest" du Cameroun."Voilà comment certains avides du gain facile s’arrangent à tuer les autres en toute impunité. Si notre justice appliquait des peines sévères (peine de mort ou la perpétuité) à tous ceux qui s’aventurent dans ce jeu criminel, il y a longtemps que cela se serait arrêté", assure un autre post.Une usine démantelée en HongriePourtant, les images relayées par ces publications n’ont rien à voir avec le Cameroun : elles datent de novembre 2019 et ont été prises durant l’interpellation de contrebandiers à Budapest, en Hongrie.Une recherche d’image inversée via l’outil Google images permet de retrouver ces mêmes photos dans une série de cinq clichés diffusés dans un communiqué de presse d’Europol, l’agence européenne de police criminelle, en date du 12 novembre 2019. Capture du communiqué de presse d'Europol, réalisée le 4 juin 2021Ce communiqué, publié en anglais, indique que "l’Administration nationale hongroise des impôts et des douanes (NTCA)" a "découvert une fabrique de tabac illégale" dans un "vaste entrepôt à Budapest", à la suite d'une alerte de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF)."Au cours de leurs investigations, les agents ont trouvé une chaîne de montage en fonctionnement et une autre encore en construction. Ils ont également découvert des appareils pour la coupe du tabac, la fermentation et l'emballage des cigarettes", précise le communiqué.Au total, "les enquêteurs ont trouvé six millions de cigarettes et 35 tonnes de tabac à fumer finement coupé", soit assez pour fabriquer "21 millions de cigarettes supplémentaires". L’opération a conduit à "l’arrestation de 20 employés" ainsi qu’à celle des "responsables" du réseau, ajoute Europol.Selon l’agence européenne basée à La Haye (Pays-Bas), le groupe criminel à l'origine de ce trafic était composé principalement de citoyens roumains et moldaves. Il s’approvisionnait "à l’étranger", précise le communiqué - qui ne cite à aucun moment le Cameroun.Contrairement à ce qu'affirment les publications virales sur Facebook, aucune usine de cigarettes contrefaites n'a en effet été démantelée au Cameroun, ni ces dernières semaines, ni même auparavant."Ni la gendarmerie ni les éléments de la brigade de contrôle sous ma responsabilité ne l’attestent. Aucune usine de fabrication de fausses cigarettes n’a été démantelée au Cameroun", a assuré à l'AFP Barbara Elemva-Amana, cheffe de la brigade nationale de contrôles et de la répression des fraudes au ministère camerounais du Commerce. "D’ailleurs, aucune opération de ce genre n’a encore eu lieu sur le territoire", a-t-elle insisté.Aucun média camerounais, de fait, n’a évoqué ce prétendu démantèlement.Un trafic juteuxSelon Europol, le marché noir du tabac représente "46,3 milliards de cigarettes" par an, pour un coût évalué à "10 milliards d'euros" pour les Etats de l'UE. L’office européen contre la contrebande note cependant qu'"il est difficile d’estimer avec précision la taille du marché illégal du tabac". Légende : Des cigarettes prêtes à être emballées dans une usine de l’entreprise Bigott à Caracas (Vénézuela) le 19 février 2021 (AFP / Yuri Cortez)Dans le monde, près d'une cigarette sur dix provient de la contrebande, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui chapeaute le Protocole international de lutte contre la contrebande du tabac. Dans une étude de 2009, un collègue d’experts avait estimé à 657 milliards le nombre de cigarettes de contrebande produites chaque année.
(fr)
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