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Des publications partagées sur Facebook et Twitter depuis le 2 février prétendent montrer un décret de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), principale coalition d’ex-rebelles touaregs au Mali, annonçant "le démarrage du bornage" entre "l'Etat de l'Azawad" (anciennement revendiqué par les groupes armés indépendantistes) et "l'État du Mali". Ce document, relayé dans un contexte de vives tensions politiques, est en réalité un faux. La CMA et la "Plateforme", mouvement composé de groupes armés pro-gouvernementaux, dénoncent une "campagne tout azimut" visant à "disqualifier" le processus de paix.Le "démarrage des travaux de bornage entre l'Etat de l'Azawad et l'État du Mali" : voilà ce qu’annonce un "décret" largement relayé sur Facebook (1, 2, 3, 4, 5…) et Twitter (1, 2...) depuis le 2 février, attribué à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), coalition à dominante touareg d’anciens rebelles maliens.Ce travail de délimitation entre l’Etat malien et l’"Azawad" (un vaste territoire situé dans le nord du Mali, dont des groupes armés ont réclamé l’indépendance en 2012) permettra "d’éviter tout conflit d’intérêt", précise le document, qui porte en apparence le sceau de la CMA et la signature de son président.Selon ce prétendu décret, "toutes les opérations militaires" seront par ailleurs “interdites”, à moins de reposer sur un "accord préalable de l’Etat de l’Azawad et ses partenaires (Force Barkhane et MINUSMA)" ayant "fourni des efforts pour l’indépendance" de ce territoire. Capture publication Facebook, réalisée le 4 février 2021"Aberrant", "triste", "déplorable"… Ce document, partagé dans un contexte de crispation autour de la mise en oeuvre du processus de paix entre Bamako et les ex-rebelles, a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. "Neuf ans de combat pour à la fin donner une capitulation", a regretté un internaute. "Cela équivaut à une déclaration de guerre", a dénoncé un autre.La CMA, coalition à dominante touareg regroupant plusieurs mouvements ayant combattu les forces maliennes dans le nord du pays au début des années 2010, a signé en juin 2015 un accord de paix avec le gouvernement malien et des groupes armés pro-gouvernementaux, appelé "accord d’Alger".Mais la mise en œuvre de cet accord, censé instaurer une paix durable dans cette partie du Sahel, accuse de nombreux retards. Ce qui suscite des tensions, notamment sur les questions de décentralisation et de réintégration d’anciens rebelles dans l’armée dite reconstituée. "Un vulgaire montage"Signe que le dossier est épineux : la CMA s’est empressée de contester l’authenticité du décret devenu viral sur Facebook et sur Twitter, dénonçant un "vulgaire montage" et une "campagne tout azimut (...) orchestrée par une association de pseudos patriotes.”Ce "décret imaginaire" a été produit "dans le souci de semer le doute dans l’esprit de l’opinion publique nationale et internationale", a-t-elle regretté dans un communiqué conjoint avec la Plateforme des Mouvements du 14 Juin 2014 d'Alger, dite "Plateforme", composée de groupes armés pro-gouvernementaux."La CMA" et la "Plateforme" se "portent en faux contre l’esprit et le contenu de ce document fallacieux et contre toutes tentatives de délitement des engagements pris devant la communauté internationale" et réaffirment "leur attachement indéfectible à l’Accord pour la paix", ajoute le communiqué, daté du 2 février. Le secrétaire général du Mouvement national de libération de l’Azawad (MLNA) Bilal Ag Acherif et le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra signent l’accord de paix d’Alger le 19 février 2015 (Faroud Batiche / AFP)Création d’une zone de défense et de sécurité Le CMA authentifie en revanche un autre document, diffusé lui aussi sur les réseaux sociaux, qui annonce la création d’une "zone de défense et de sécurité" relevant de son "état-major" dans le Gourma malien, une région située entre Gao et Tombouctou, au sud du fleuve Niger. Cette "zone de défense" a "pour objectif de conjuguer les efforts avec le gouvernement et la Plateforme des mouvements du 14 Juin 2014 d'Alger, qui dispose elle aussi d'une ‘zone militaire’ dans cette région", afin de "sécuriser certaines zones où la présence des FAMAs (Forces armées maliennes, ndlr) est faible", justifie-t-elle.Ce document, signé le 29 janvier, a suscité lui aussi de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux, ainsi qu'une vive réaction du ministère malien des Affaires étrangères, qui a dit condamner "fermement cette décision qui fragilise le processus de paix dans un contexte de recrudescence des attaques terroristes"."L’acte ainsi posé constitue une transgression du cessez-le feu conclu entre les parties (...) et une flagrante violation des dispositions" fixées par "l’Accord pour la paix et la réconciliation" de 2015, a ajouté dans un communiqué le ministère, en invitant "la CMA à réviser sa position".L'annonce de la création d'une "zone de défense et de sécurité" dans la région du Gourma est survenue trois jours après la première visite du gouvernement malien dans la ville de Kidal, fief de la coalition des ex-rebelles, depuis le putsch qui a renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta. Cette visite, qui n’a duré que 24 heures, avait pour objectif de "faire avancer le processus de paix". C’est une "visite symbolique" mais qui a "permis de faire avancer le processus de paix", a assuré à l’AFP un ministre de la délégation, sous le couvert de l'anonymat L'accord d’Alger, qui englobe les questions sécuritaires, politiques, économiques et sociales, prévoit la création d'Assemblées régionales dotées de pouvoirs importants et élues au suffrage universel direct, mais, comme le souhaitait Bamako, ni autonomie ni fédéralisme.S’agissant des questions de sécurité, il prévoit également une armée restructurée, intégrant notamment des combattants des mouvements du Nord, "y compris dans le commandement". Ce redéploiement progressif de l'armée nationale dans les principales villes du nord du pays n’a en réalité commencé qu’il y a à peine un an. Des combattants touaregs de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) lors d’un rassemblement à Kidal, dans le nord du Mali, le 28 septembre 2016 (stringer / AFP)Le Mali, où la situation politique reste confuse depuis le coup d'Etat du 18 août, est le théâtre d'une crise multiforme qui a fait des milliers de morts, civils et combattants au cours des neuf dernières années.Le pays reste notamment en proie aux agissements des groupes jihadistes et aux tensions intercommunautaires. Ces violences se sont propagées au centre du pays, au Niger et au Burkina Faso voisins, dans la zone dite des "trois frontières".* ajoute réaction du ministère des Affaires étrangères malien à la création d'une "zone de défense et de sécurité" annoncée par la CMA
(fr)
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