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Des publications très virales circulent depuis le 4 mars sur les réseaux sociaux, affirmant qu'un policier sénégalais a été "brûlé vif" dans la ville de Bignona (sud-ouest) durant les heurts qui ont secoué ces derniers jours le Sénégal. C'est faux: aucun mort n'a été à déplorer parmi les forces de l'ordre dans cette ville de Casamance, comme l'a déclaré une source policière à l'AFP. Selon le préfet du département, un agent de sécurité a manqué d'être immolé mais a pu échapper aux manifestants. Cinq personnes au moins sont mortes depuis le début des violences, les plus graves qu'ait connues le Sénégal depuis des années."URGENT", martèle un message partagé près de 200 fois en quelques jours sur des pages Facebook au Sénégal, théâtre de violentes émeutes depuis début mars. Selon son auteur, "un policier" a été "brûlé vif à Bignona", ville située dans le sud-ouest du pays, "en représailles à l'élève de 20 ans tué pendant les manifestations". Ces heurts, les plus graves qu’ait connus le Sénégal depuis des années, ont éclaté après le placement en garde à vue du principal opposant politique sénégalais, Ousmane Sonko, accusé de viols et menaces de mort par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser.Ces manifestations ont entraîné la mort d'un jeune de 20 ans, Cheikh Ibrahima Coli, le jeudi 4 mars à Bignona. Selon certaines des publications virales sur Facebook, c’est pour venger la mort de ce jeune homme que des manifestants auraient pris à partie le policier avant de le "brûler vif". Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 8 mars 2021Sur Facebook et sur Twitter, ces publications cumulent au 8 mars plusieurs centaines de partages (1, 2, 3, 4…) et suscitent de nombreux commentaires.Un agent de sécurité pris pour cible Pourtant, l'information qu'elles relaient est erronée."C'est faux", a déclaré le 8 mars à l'AFP un responsable de la police sénégalaise, en précisant qu’il n’y avait "pas de police à Bignona". Les forces de l'ordre sont représentées dans cette ville par la gendarmerie, d'autres corps militaires et par des agents de sécurité de proximité (ASP). "Aucun homme de tenue n'a été brûlé vif", a assuré de son côté le préfet de Bignona, Babacar Ndiaye, dans une déclaration filmée par le média Génération 93.4 FM publiée le 6 mars. Selon M. Ndiaye, les manifestants ont bel et bien "tenté de mettre le feu sur un agent de sécurité de proximité (ASP)" en l’aspergeant d'essence. Mais "ce dernier a réussi à s'échapper", a-t-il raconté.Photo d'affrontements xénophobes en Afrique du SudCertaines des publications virales sur internet relaient par ailleurs une photographie d'un homme à quatre pattes, le corps intégralement en feu (1, 2...) -- une image présentée comme étant celle du policier brûlé par les manifestants.Attention, cette photo peut heurter la sensibilité de certains lecteurs.Afficher Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 8 mars 2021MasquerLà encore, c'est faux: l'image n'a rien à voir avec les tensions qui déchirent actuellement le Sénégal.Une recherche d'images inversée sur le moteur de recherches Google conduit à une page du site de la banque d'images Getty, où l'on apprend que la photo a été prise à Johannesburg, en Afrique du Sud. Attention, cette photo peut heurter la sensibilité de certains lecteurs.Afficher Capture d'écran du site gettyimages.fr, réalisée le 8 mars 2021MasquerCette image a été prise par l'AFP et montre un "policier sud-africain portant secours à un homme qui a été immolé à Reiger Park, lors d'affrontements xénophobes qui ont secoué Johannesburg" le 18 mai 2008, précise la légende.Elle n'a donc rien à voir avec les manifestations survenues ces derniers jours au Sénégal, notamment à Bignona.Attention, cette photo peut heurter la sensibilité de certains lecteurs.Afficher Capture d'écran du site afpforum.com, réalisée le 8 mars 2021MasquerL'une des pires crises de l’histoire du SénégalCes manifestations ont démarré après l'arrestation de l'opposant Ousmane Sonko, le 3 mars. Trois jours de heurts entre jeunes et forces de l'ordre s'en sont suivies au Sénégal, pays de 16 millions d'habitants considéré d'ordinaire comme un îlot de stabilité politique.Selon les autorités, au moins cinq personnes ont trouvé la mort durant ces affrontements, la presse avançant des chiffres plus élevés mais difficilement vérifiables. De nombreux commerces et intérêts français (Auchan, Total, Eiffage...) ont également été incendiés ou bien pillés, notamment à Dakar.En prévision de nouveaux débordements, la capitale sénégalaise a été placée lundi sous la protection de blindés de l'armée, en particulier dans le quartier du Plateau, siège des grandes institutions et de la présidence sénégalaise. Les écoles et de nombreux commerces ont par ailleurs été fermés. Des fourgons blindés appartenant aux forces armées sénégalaises traversent la place de l'Indépendance, à Dakar (Sénégal), le 8 mars 2021. (AFP / John Wessels)M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, a été officiellement arrêté le 3 mars pour trouble à l'ordre public, alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol portées contre lui par une employée d'un salon de beauté, où il affirme s'être rendu pour un mal de dos.Après plusieurs jours d’audition, le responsable politique de 46 ans a été inculpé lundi pour viol, mais relâché sous contrôle judiciaire. Cette remise en liberté est intervenue alors qu’un appel à manifester a été lancé par un collectif de contestation auquel appartient le parti de M. Sonko.Un malaise profond Le Sénégal a connu plusieurs accès de violence ces derniers mois, notamment pour protester contre le couvre-feu. Mais pour un bilan d'un tel ordre, il faut remonter à la présidentielle de 2012 et la victoire de Macky Sall sur le sortant Abdoulaye Wade, qui se présentait pour un troisième mandat controversé: les violences avaient fait entre six et 15 morts, selon les sources.Pour de nombreux observateurs, l’arrestation d'Ousmane Sonko est le révélateur d'un malaise bien plus profond dans un pays considéré comme un îlot démocratique en Afrique de l'Ouest.Beaucoup reprochent à Macky Sall des atteintes aux libertés et l'accusent de diriger le pays au profit d'une élite, composée notamment de ses proches, au détriment de l'immense majorité de la population dont les conditions de vie déjà précaires ont été aggravées par le Covid-19. Un partisan du principal candidat d'opposition, Ousmane Sonko, participe à une manifestation devant le palais de justice de Dakar, au Sénégal, le 8 mars 2021 (AFP / John Wessels)A cause de la pandémie, la croissance économique jusqu'alors soutenue est devenue atone et de nombreux secteurs, du tourisme à la pêche, sont en grandes difficultés. Les restrictions aux déplacements et aux rassemblements affectent durement cette grande majorité de la population active dans le secteur dit informel, des marchands de rue aux ouvriers du bâtiment en passant par les chauffeurs.L'incertitude est totale sur l'effet qu'aura la libération d'Ousmane Sonko. Les manifestations, largement spontanées, ont certes eu pour mot d'ordre cette libération. Mais le président est pressé de toutes parts de répondre à d'autres aspirations: celles d'une population éprouvée par les effets de la pandémie et d'une jeunesse nombreuse en mal d'emplois et de perspectives.
(fr)
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