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Une vidéo abondamment relayée sur les réseaux sociaux soutient que 0,8% des personnes vaccinées contre le Covid-19 décèdent quinze jours après leur première injection, assurant se fonder sur les déclarations d'un ancien cadre de Pfizer. Mais même s'il dénonce la gestion sanitaire de l'épidémie et a déjà lui-même relayé des fausses informations sur les vaccins, ce dernier assure à l'AFP ne jamais avoir formulé une telle mise en garde. Par ailleurs, si l'on se fiait au pourcentage avancé dans la publication, plus de 100.000 personnes seraient mortes en France après avoir été vaccinées, un chiffre colossal en décalage complet avec les données officielles et jugé "surréaliste" par un virologue interrogé par l'AFP.Ce serait un "exemple intéressant d’information" sur la nocivité supposée des vaccins anti-Covid-19 : dans une vidéo qui a beaucoup circulé sur Facebook, Christian Tal Schaller, figure de la "complosphère", fait la lecture d'une mise en garde qu'il attribue au Britannique Mike Yeadon, présenté comme un "immunologue mondialement renommé" et un ancien scientifique en chef chez Pfizer. Ses fonctions passées ont toute leur importance puisque le géant américain Pfizer commercialise un des principaux vaccins utilisés contre le Covid-19 en Europe et aux Etats-Unis. Capture d'écran Facebook."Il dit qu’immédiatement après avoir reçu la première injection, environ 0,8% des personnes décèdent dans les deux semaines. Les survivants ont une espérance de vie moyenne de deux ans mais cette espérance de vie diminue à chaque injection de rappel", détaille M. Schaller, qui se présente comme un "médecin suisse" et un "chamane" sur sa page Facebook et se revendique ouvertement "complotiste". Lisant manifestement un texte qu'il tient dans la main, M. Schaller poursuit sa litanie: "Ce professeur affirme que le but ultime du régime de vaccination actuellement administrée ne peut être qu’un évènement de dépopulation de masse"."Des milliards sont déjà condamnés, dit-il, à une mort ignoble et atroce", clame-t-il en affirmant encore citer M. Yeadon, avant d'assurer, selon ses propres mots cette fois, que la campagne de vaccination actuelle procède d'"un mouvement génocidaire". Ce court extrait, tiré d'une longue émission diffusée le 22 avril sur la page Facebook du conspirationniste belge Jean-Jacques Crèvecoeur (déjà épinglé par AFP Factuel ici ou là), a beaucoup voyagé sur Internet. Depuis le 30 avril, il a été relayé plusieurs milliers de fois sur Facebook et visionné plus de 20.000 fois sur le réseau social russe VK. L'émission de M. Crèvecoeur a, elle, été partagée plus de 4.700 fois sur Facebook.L'extrait est toutefois truffé d'infox et le texte sur lequel il s'appuie est faussement attribué à Mike Yeadon, selon les recherches effectuées par l'AFP.La mise en garde relayée par M. Schaller est une traduction d'un texte en anglais qui circule notamment sur Twitter où elle est effectivement attribuée à Mike Yeadon, qui a déjà lui-même relayé des fausses informations épinglées par l'AFP sur de supposés risques d'infertilité liés au vaccin Pfizer et sur la fin de l'épidémie de coronavirus (ici en espagnol). Capture d'écran TwitterSur sa page LinkedIn, M. Yeadon dit avoir travaillé entre 1995 et 2011 chez Pfizer dans l'unité de recherche sur les affections allergiques et pulmonaires, en qualité de scientifique en chef (Chief Scientific Officer) puis de vice-président. Interrogé par mail le 5 mai par l'AFP, un porte-parole de Pfizer a confirmé que M. Yeadon avait travaillé pour le géant pharmaceutique.Ce diplômé de biochimie n'est en revanche pas "immunologiste", encore moins "de renommée mondiale", comme l'affirme la vidéo publiée sur Facebook. Co-fondateur en 2011 du laboratoire Ziarco spécialisé dans la dermatologie et revendu à Novartis en 2016, M. Yeadon dénonce, depuis l'apparition de la pandémie, les restrictions imposées par les gouvernements pour lutter contre la pandémie et met en doute la fiabilité des vaccins.Dans une vidéo publiée le 5 mai, on peut le voir affirmer, contre l'avis d'une grande partie de la communauté scientifique, que les confinements n'ont "jamais ralenti la transmission" du coronavirus et que les masques ne fonctionnent pas. Capture d'écran sur site Banned Videos.Celui qui fait une courte apparition dans la vidéo conspirationniste "Hold-Up" (vérifiée ici par AFP Factuel) conseille également de ne pas se faire vacciner avec des produits qui n'auraient, selon lui, "pas été testés de manière inadéquate" et seraient "quelque part dangereux".Pour autant, joint le 5 mai par l'AFP, M. Yeadon dément catégoriquement être l'auteur de la mise en garde relayée sur la vidéo que nous examinons ici. "Il faut que je sois très clair: ces mots ne sont pas absolument PAS DE MOI", nous a-t-il répondu par email, une mise au point qu'il avait déjà faite sur sa page LinkedIn à l'intention d'un internaute qui l'interrogeait sur ce même texte. Capture d'écran LinkedIn"Je suis très préoccupé par la tournure des choses et je crois fermement que nous allons aboutir à un système totalitaire de contrôle via les passeports vaccinaux mais je ne pense pas que la première +génération de vaccins+ soit universellement nuisible", poursuit-il dans son email, tout en affirmant, sans preuves, que le nombre de morts liés aux vaccins serait bien supérieur aux chiffres officiels. Dans ses échanges avec l'AFP, M. Yeadon assure par ailleurs que la technologie de l'ARN messager au coeur du vaccin Pfizer-BioNTech faisait partie des "outils de laboratoire" dans ses programmes de recherche du temps où il travaillait pour le géant américain, et qu'il avait été "étonné" de voir que les principaux vaccins anti-Covid étaient fondés sur cette technique.Le porte-parole de Pfizer assure, quant à lui, que l'unité que dirigeait M. Yeadon ne participait pas au développement de "vaccins candidats", qui relève d'un département spécifique ayant commencé en 2018 à travailler sur des vaccins à ARN messager contre la grippe et en 2020 contre le Covid.Pour la petite histoire, le traitement anti-eczéma baptisé ZPL389 développé par l'ancien laboratoire de M. Yeadon et sur lequel avait parié Novartis en 2016 a tourné court: les essais cliniques ont été stoppés par le géant suisse, lui causant une perte de 485 millions de dollars selon son bilan du 2e semestre 2020. Capture d'écran des résultats de Novartis au deuxième semestre 2020.Faussement attribuées à M. Yeadon, les affirmations relayées dans la vidéo que nous examinons sont par ailleurs infondées scientifiquement, notamment celles affirmant que 0,8% des personnes vaccinées décèdent dans les deux semaines suivant l'injection. En appliquant ce pourcentage au 21 avril, pour tenir compte de ce supposé délai de deux semaines, la vaccination aurait provoqué la mort d'environ 104.000 personnes en France et de plus d'un million de personnes aux Etats-Unis depuis décembre et le début de la campagne de vaccination dans ces deux pays, d'après les calculs de l'AFP.Ces chiffres colossaux --qui représenteraient ainsi plus d'un tiers du nombre total de morts toutes causes confondues aux Etats-Unis en 2019-- sont en décalage total avec le nombre de décès signalés auprès des autorités après la vaccination.En France, fin avril, environ 560 décès avaient ainsi été rapportés depuis le début de la campagne de vaccination à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), d'après les données compilées par l'AFP. Au 4 mai, près de 23,3 millions d'injections avaient été réalisées dans le pays.Dans ses points de situation réguliers, cette autorité de pharmacovigilance prend par ailleurs soin de préciser que le lien de causalité entre ces décès et la vaccination n'a pas été établi à ce stade."Concernant les cas de décès déclarés, les données actuelles ne permettent pas de conclure qu’ils sont liés à la vaccination. Ces événements continueront de faire l’objet d’une surveillance spécifique", indique ainsi son bulletin couvrant la période du 9 au 15 avril.Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires des Centers of Disease Control (CDC) avaient elles reçu, au 27 avril, 4.178 signalement de décès intervenus après une vaccination et l'injection de plus de 245 millions de doses. Là encore, le lien de causalité n'a pas été établi à ce stade. L'estimation relayée dans la vidéo fait par ailleurs sursauter Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université, joint le 5 mai par l'AFP."104.000 décès post-vaccinations en France, avec le maillage de surveillance post-vaccination dont on dispose, vous pensez bien qu’on le verrait! On arrive à détecter des évènements aussi peu fréquents que les thromboses (avec la vaccination AstraZeneca, ndlr) mais on ne verrait pas 104.000 morts post-vaccinaux! C'est surréaliste", ajoute-t-il.Ce virologue appelle, à l'opposé, à se "rendre compte du nombre de morts évités grâce à la vaccination". "Très clairement, la balance est du côté du vaccin, il n’y a même pas de débat là-dessus", assure-t-il.Selon les estimations des autorités sanitaires britanniques, la campagne de vaccination, qui a débuté dans le pays début décembre, a ainsi permis au total d'éviter le décès de 10.600 personnes âgées de 60 ans et plus.
(fr)
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