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Des naissances "en masse" de bébés "sans système immunitaire" seraient survenues ces dernières semaines dans le sud-est de l'Australie, prétendent des publications virales sur les réseaux sociaux, assurant ou sous-entendant qu'il s'agirait des "effets de la vaccination" anti-Covid des parents sur leurs nourrissons. Mais si une hausse de cas de virus respiratoire syncytial, un virus commun qui infecte les voies respiratoires, a été enregistrée dans un Etat australien cette année, cette dernière ne signifie pas que les nourrissons naissent sans système immunitaire. Des experts interrogés estiment plutôt que ces bébés, n'ayant pas été exposés à certains virus pendant les confinements, y sont plus vulnérables."En Australie, naissances en masse de bébés 'sans système immunitaire' ! Des milliers admis chaque semaine à l'hôpital ! Transparence et vérité sur les causes de cette affaire terrible, vite !", alerte le président du parti Les Patriotes Florian Philippot dans des publications Twitter et Facebook totalisant près de 3.000 partages depuis le 3 juillet, renvoyant vers un article du journal britannique Daily Mail.De nombreuses personnes estiment en commentaire que les injections anti-Covid des parents seraient en cause. "Vive les parents vaxx", "Merci tous les moutons qui courent se faire injecter le poison", "Voilà ce que ça donne de vacciner des femmes enceintes", s'indignent certains. Des allégations semblables ont été reprises dans d'autres publications sur Twitter et dans plusieurs articles de blogs (1, 2, 3) partagés plusieurs dizaines voire centaines de fois depuis début juillet. Capture d'écran du site Planetes360, prise le 15/07/2022Des affirmations similaires ont aussi été massivement relayées sur les réseaux sociaux en finnois. Elles se répandent alors que l'Etat australien de Nouvelle-Galles du Sud (qui traverse actuellement sa saison hivernale) a enregistré ces dernières semaines une augmentation des cas de virus respiratoire syncytial (VRS), un virus commun, survenant généralement à la fin de l'automne et en hiver, qui infecte les voies respiratoires. Les cas de VRS en Nouvelle-Galles du SudLa transmission du VRS est "favorisée par un temps froid et humide", indique le site du dictionnaire médical Vidal. Une infection causée par le VRS "ne peut être différenciée des autres infections respiratoires virales sur la base des symptômes", précise l'institut finlandais de la santé sur une page dédiée à ce virus. Elle se caractérise généralement par un écoulement nasal, des maux de gorge et éventuellement de la fièvre.Chez les jeunes enfants, les personnes âgées ou vulnérables, le VRS peut aussi provoquer des infections des voies respiratoires inférieures, des bronchiolites ou des pneumonies, comme le note le site du ministère des Solidarités et de la Santé. La Nouvelle-Galles du Sud a connu ces dernières semaines une augmentation de cas de plusieurs virus (grippe, Covid-19, et virus respiratoire syncytial), comme l'indiquait la page d'information du gouvernement le 4 juillet 2022. Plusieurs médias australiens en ont également fait état (1,2).Le dernier rapport hebdomadaire de surveillance des virus respiratoires publié par le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud note néanmoins que "les détections de cas de virus respiratoire syncytial (VRS) ont diminué cette semaine" (du 2 au 9 juillet, NDLR).Selon les experts interrogés par l'AFP, l'augmentation de cas de VRS en Australie résulte du fait que les jeunes enfants n'ont été que très peu ou pas du tout exposés à ce virus pendant les périodes de restrictions sanitaires liées au Covid-19. Il n'y a, à ce stade, aucune preuve pouvant mener à penser que l'augmentation des cas de VRS signalés puisse être causée par la vaccination, et le vaccin anti-Covid d'un parent ne peut pas nuire à l'immunité du bébé, ont confirmé plusieurs chercheurs à l'AFP.Que dit l'article du Daily Mail ?L'article a été publié le 28 juin 2022. Il est intitulé "'Pandemic babies' with no immunity are ending up in intensive care across Australia with respiratory illnesses" (soit, en français, "Des 'bébés pandémie' sans immunité se retrouvent en soins intensifs avec des maladies respiratoires en Australie"). L'article indique ensuite que "le triple assaut du VRS, de la grippe et du Covid a submergé le service d'urgences de l'hôpital pour enfants Westmead de Sydney" et qu'"une alerte a été lancée" lorsque les cas hebdomadaires de VRS sont passés de "355" à "3.775" trois semaines plus tard. Capture d'écran de l'article du Daily Mail, prise le 07/07/2022Les rapports hebdomadaires de surveillance des virus respiratoires de la Nouvelle-Galles du Sud confirment qu'entre fin mai et fin juin, les cas signalés de VRS étaient en augmentation. Pour la semaine se terminant le 19 juin, un total de 3.775 cas de VRS avaient été rapportés, contre 1.862 cas trois semaines auparavant."Les présentations aux urgences pour bronchiolite, qui est un diagnostic clinique des nourrissons généralement associé au VRS, ont continué à augmenter avec 695 présentations pour bronchiolite cette semaine chez les enfants âgés de 0 à 4 ans, contre 627 présentations la semaine précédente. Parmi ces présentations, 40% ont été admis à l'hôpital", notait aussi le rapport de la semaine du 19 juin.Cependant, le chiffre de 355 cité dans l'article du Daily Mail ne correspond pas aux cas de VRS enregistrés, mais aux "présentations aux urgences pour bronchiolite" au cours de la semaine se terminant le 14 mai, selon le rapport de surveillance de la Nouvelle-Galles du Sud à cette date. Cette semaine-là, ce sont plutôt 766 cas d'infections par le VRS qui avaient été recensés. Capture d'écran du rapport hebdomadaire de surveillance des virus respiratoires de Nouvelle-Galles du Sud, pour la semaine se terminant le 15 mai 2022, prise le 15/07/2022Par ailleurs, il est trompeur d'avancer que les bébés mentionnés seraient "nés sans système immunitaire", comme le prétendent les publications sur les réseaux sociaux en se fondant sur l'article du Daily Mail. Son premier paragraphe indique ainsi qu'"un nombre inquiétant de 'bébés-pandémie', non immunisés contre les virus respiratoires, se retrouvent gravement malades".En d'autres termes, ces bébés n'étaient pas immunisés contre certains virus, dont le VRS, mais cela ne signifie pas qu'ils n'auraient aucun système immunitaire, qui comprend l'ensemble des organes, des tissus, des cellules qui permettent à l'organisme de se défendre. Si c'était le cas, les conséquences seraient bien plus graves."Si leur système immunitaire était 'détruit', peu importe ce que cela puisse signifier, alors le VRS serait le dernier de leurs soucis", a expliqué à l'AFP Dominic Dwyer, professeur clinicien d'immunologie et de maladies infectieuses à l'Université de Sydney. Principaux composants et fonctionnement du système immunitaire ( AFP / John SAEKI)Par ailleurs, l'article du journal britannique ne dit pas que la vaccination anti-Covid-19 des parents aurait un effet sur l'immunité des nourrissons, comme le sous-entendent certains internautes. Il explique plutôt que les bébés dont il est question ont été récemment confrontés à des virus respiratoires, comme le VRS (mais aussi la grippe par exemple) qu'ils n'avaient jamais rencontrés auparavant. "Nous n'avons connaissance d'aucune preuve" permettant de soutenir que l'augmentation des cas de VRS est le résultat de la destruction de l'immunité des bébés par les vaccinations de leurs parents, a aussi déclaré à l'AFP le 8 juillet Jessica Rubinchtein, porte-parole du réseau des hôpitaux pour enfants de Sydney, dont fait partie l'hôpital pour enfants de Westmead, mentionné dans l'article.Aucune preuve d'un lien entre les vaccins et l'augmentation des cas de VRS Selon trois spécialistes interrogés par l'AFP, il n'existe, au 15 juillet 2022, aucune preuve permettant d'établir un lien entre l'augmentation des cas de VRS signalés ces dernières semaines et la vaccination anti-Covid.Il n'est ainsi "absolument pas" vrai d'affirmer que l'immunité des bébés serait détruite parce que leurs parents sont vaccinés contre le Covid-19, a assuré le 12 juillet 2022 à l'AFP Ian Barr, directeur adjoint du centre de collaboration pour la référence et la recherche sur la grippe de l'OMS et professeur honoraire de microbiologie et d'immunologie à l'Université de Melbourne. "Tous les bébés sont plus sensibles aux infections que les adultes, parce que leur système immunitaire est encore en développement et s'adapte au fur et à mesure qu'ils rencontrent des virus, bactéries, ou autres agents pathogènes", a-t-il détaillé.Dans certaines situations, "le transfert transplacentaire [réalisé à travers la membrane du placenta, NDLR] d'anticorps peut se produire et protéger les nouveau-nés pendant les premiers mois de leur vie, avant qu'ils ne rencontrent des agents pathogènes, mais cela dépend du fait que la mère ait elle-même de bons niveaux d'anticorps, et ceux-ci ne sont généralement générés que lorsqu'elle est infectée ou vaccinée. Or, il n'existe pas encore de vaccin contre le VRS. Donc, si la mère n'a pas été confrontée au VRS elle-même récemment, le niveau d'anticorps transféré à l'enfant sera faible, et ne pourrait probablement pas protéger le bébé contre une infection au VRS", a ajouté le chercheur."Rien ne permet d'établir que le système immunitaire d'un bébé soit en quoi que ce soit affecté négativement par la vaccination de ses parents, ou plutôt de la mère, rien à voir d'ailleurs avec le père. Au contraire, il est plutôt amélioré parce que le bébé porte une partie des anticorps protecteurs de la mère", a insisté Dominic Dwyer.Anthony Byrne, chercheur spécialiste des infections respiratoires et professeur associé à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud, a également assuré le 13 juillet qu'il n'y avait "aucune véracité" dans les allégations affirmant que le système immunitaire des bébés nés après la vaccination de leurs parents serait dégradé, estimant qu'elles "n'ont aucun sens d'un point de vue immunologique"."L'immunité conférée par un vaccin contre le Covid ne se traduira pas par une moindre immunité contre le VRS. Cela n'a tout simplement aucun sens, le système immunitaire est hautement spécifique à des millions d'antigènes différents. L'immunité à un virus ne réduit pas l'immunité à un autre", a résumé le chercheur.Des bébés pas exposés aux virus pendant les restrictions sanitairesIan Barr juge que depuis le début de la pandémie, "plus d'enfants n'ont peut-être pas été exposés au VRS alors qu'ils l'auraient normalement été, ce qui a exacerbé la situation cette année". En outre, selon lui, le VRS en circulation en 2020-2021 était presque entièrement de sous-type A, alors qu'en 2022, des VRS de sous-types A et B circulent tous les deux en Australie. Ainsi, selon lui, "les enfants peuvent également être plus sensibles au VRS B, car il n'a pas circulé largement en Australie depuis près de trois ans".Dominic Dwyer propose la même explication. Selon lui, pendant les mesures de restrictions liées au Covid-19 , les virus hivernaux typiques comme le VRS ont "essentiellement disparu". Or, "lorsque la société est revenue à une situation économique et commerciale habituelle et aux voyages, les virus sont réapparus. Comme les virus avaient disparu pendant un certain temps, l'immunité des personnes contre ces virus a baissé car elles n'étaient pas infectées. Cela concerne notamment les femmes enceintes et leurs bébés pendant cette période", a-t-il résumé."L'augmentation des cas de VRS est probablement due à un plus grand nombre d'infections virales respiratoires cet hiver en Australie, combiné à des interactions sociales beaucoup plus nombreuses qu'au cours des deux dernières années", a complété Anthony Byrne. Selon lui, il y a également cette année une plus large disponibilité et un meilleur accès aux tests de dépistage, qui ont pu permettre une détection large, car de nombreux laboratoires et hôpitaux combinent les tests de détection du Covid-19 avec ceux de la grippe, du VRS et d'autres virus respiratoires communs. Un nouveau-né attrape le doigt de sa mère le 17 septembre 2013 à l'hôpital de Lens, dans le nord de la France ( AFP / PHILIPPE HUGUEN)Le vaccin administré à un parent ne nuit pas à l'immunité de son bébé"Le vaccin administré à la mère n'affaiblit en rien le système immunitaire du bébé. Au contraire, en donnant à une mère enceinte un vaccin contre la grippe par exemple, les anticorps produits par l'organisme de la mère sont transmis au fœtus à travers le placenta et protègent le bébé contre la grippe après la naissance. Ensuite, les anticorps disparaissent lentement", a expliqué le 5 juillet de l'AFP Anu Kantele-Häkkinen, professeure de maladies infectieuses à l'Université d'Helsinki. Depuis le début de la campagne de vaccination anti-Covid, de nombreuses allégations trompeuses ou infondées au sujet de prétendus dangers liés à la vaccination des femmes enceintes circulent sur les réseaux sociaux. L'AFP a déjà vérifié des affirmations similaires à de nombreuses reprises. En novembre 2021, elle s'est penchée sur une vidéo dans laquelle un médecin prétendait que les hôpitaux du Québec débordaient de bébés malades à cause des vaccins anti-Covid-19 de leurs mères. En mai 2021 d'autres allégations infondées, liées à la diffusion des "Pfizer documents", ont prétendu que la vaccination des femmes enceintes ou allaitantes présentait un grave danger pour les nourrissons (ici, là).L'AFP a également vérifié nombre d'allégations selon lesquelles les vaccins Covid-19 nuisent au système immunitaire. Fin 2021, des articles prétendaient à tort démontrer, à partir de données britanniques ou allemandes, que les vaccins causaient des infections au VIH. En janvier 2022, ce sont les propos d'un responsable de l'agence européenne du médicament, mal interprétés, qui avaient mené certains internautes à affirmer que la vaccination affaiblirait le système immunitaire.Depuis le début de la pandémie de Covid-19, l'AFP a réalisé plus de 780 articles de vérification en français liés au Covid-19, au 15 juillet 2022.
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