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Une vidéo de la chaîne de télévision française France 24 vue plus de 350.000 fois en moins de 24 heures circule sur les réseaux sociaux au Mali. Les internautes qui la partagent prétendent qu'elle montre une intervention d'un journaliste en direct de Niamey, au Niger, après une tentative de coup d'Etat le lundi 31 janvier 2022. Attention: cette vidéo, authentique, date du 18 février 2010, jour du coup d'Etat qui a renversé le président Mahamadou Tandja. Les récents coups d'Etat au Mali et au Burkina Faso font néanmoins craindre un effet domino au Niger, confronté aux mêmes défis économiques, sociaux et sécuritaires que ses deux voisins sahéliens."Des tirs ont été entendus dans la capitale nigérienne, c'est ce qu'affirment plusieurs témoins sur place" à Niamey, annonce une présentatrice dans une vidéo de deux minutes très largement relayée sur les réseaux sociaux au Mali. Dans le coin inférieur droit de la vidéo, le logo de la chaîne française France 24 - et à gauche, une photo de Mohamed Bazoum, l'actuel président du Niger.Dans ce court extrait, la journaliste échange par téléphone avec Alessandro Siclari, présenté comme un "Observateur" de France 24 se trouvant "tout près du palais présidentiel", où se serait déroulé selon les internautes qui partagent cette vidéo une "tentative de coup d'Etat" le 31 janvier 2022. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 2 février 2022Cette vidéo, partagée plus de 2.600 fois et visionnée plus de 360.000 fois en moins de 24 heures, circule sur Facebook au Mali dans un contexte politique très instable au Sahel. Les récents coups d'Etat au Mali et au Burkina Faso, menés par les armées de ces pays, font craindre un effet domino au Niger, confronté aux mêmes défis économiques, sociaux et sécuritaires que ses deux voisins sahéliens.Coup d'Etat de 2010 au NigerAttention cependant: cette vidéo, qui vient bien de France 24, date en réalité de février 2010, soit plus de douze ans avant le prétendu "coup d'Etat" évoqué par les internautes qui la partagent. Au 2 février 2022, aucune tentative de coup d'Etat récente n'a été rapportée au Niger.Il suffit pour constater cette infox de consulter les centaines de commentaires publiés en réaction à ces images. Plusieurs internautes dénoncent une "fake news" ou une "ancienne vidéo" - et l'un d'entre eux va jusqu'à publier une capture d'écran de cette même vidéo sur la chaîne YouTube de France 24, où sa date de publication (le 18 février 2010) apparaît clairement. "Pour ceux qui ne font pas d'efforts dans la réflexion", admoneste-t-il, "voici une preuve que c'est une ancienne vidéo qui date d'il y a 11 ans". Capture d'écran d'un commentaire d'une vidéo Facebook, réalisée le 1er février 2022On retrouve bien cette vidéo, publiée à cette même date, en cherchant le titre visible dans cette capture d'écran ("Niger - Tentative de coup d'Etat") sur la chaîne YouTube de France 24. Capture d'écran d'une vidéo YouTube, réalisée le 2 février 2022Dans ce court extrait, la présentatrice, Vanessa Burggraf - qui n'est plus présentatrice aujourd'hui mais directrice des quatre chaînes de France 24 - interroge Alessandro Siclari, un "Observateur" de France 24 présent à Niamey lors du coup d'Etat militaire qui renversera le président nigérien de l'époque, Mamadou Tandja. Il décrit la situation dans la capitale en cette journée du 18 février, alors qu'on vient d'apprendre qu'une "tentative de coup d'Etat" serait en cours: les rues "désertes", quelques "coups de feu" qui retentissent encore dans la ville et l'incertitude qui entoure la situation politique du pays. Contacté par l'AFP le 2 février, il explique qu'il était à l'époque en mission humanitaire à Niamey et avait travaillé ponctuellement "en tant que journaliste" pour France 24. "C'était en février 2010", confirme-t-il, lors du "coup d'Etat qui avait amené l'armée au pouvoir". Son bureau se trouvant proche du palais présidentiel, il avait été contacté par la chaîne pour faire le point sur la situation.Aujourd'hui, assure-t-il, il travaille en tant que responsable de la communication à Médecins sans frontières (MSF) depuis Bruxelles, comme le confirme son profil Twitter. "Je ne savais même pas qu'il y avait des rumeurs [sur les réseaux sociaux]" au sujet d'une nouvelle tentative de coup d'Etat, témoigne-t-il à l'AFP. "Mais je suis à Bruxelles, je ne peux pas être à Niamey", s'amuse-t-il. A l'époque, ce coup d'Etat militaire mené par le chef d'escadron Salou Djibo, à la tête de la compagnie d'appui de Niamey, avait renversé le président en place Mamadou Tandja accusé d'être à l'origine d'une dérive autocratique. Numéro un de la junte au pouvoir, Salou Djibo, ex-Casque bleu, a dirigé le pays jusqu'en avril 2011 - date à laquelle le nouveau président civil Mahamadou Issoufou, élu en mars de cette même année, fut investi. L'histoire du Niger, parmi les pays les plus pauvres au monde et en proie à des attaques jihadistes meurtrières, est jalonnée de coups d'Etat. Depuis l'indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre: le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010, évoqué dans la vidéo virale que nous vérifions. Sans compter une série de tentatives entre 2011 et 2021.Série de coups d'Etat au SahelCe n'est pas par hasard qu'une telle vidéo est détournée aujourd'hui sur les réseaux sociaux: elle a commencé à circuler le jour même d'un coup de force manqué en Guinée-Bissau, une semaine après un coup d'Etat militaire au Burkina Faso, et alors qu'une crise politique secoue le Mali où la junte militaire au pouvoir depuis mai 2021 est sous le coup de sanctions africaines et internationales pour non-respect du calendrier électoral visant à rendre le pouvoir à des autorités civiles.Mali et Burkina Faso sont désormais sous la direction d'une junte. Les putschistes disent de concert n'avoir pas eu d'autre choix que de prendre leurs "responsabilités" et se drapent dans la sauvegarde de la patrie. Ils observent ensuite une feuille de route se ressemblant d'un pays à l'autre, de la Guinée au Burkina Faso en passant par le Mali et le Tchad. Des manifestants rassemblés à Ouagadougou au Burkina Faso le 22 janvier 2022 en soutien à l'armée brandissent des portraits du colonel Assimi Goïta (gauche), Président de la transition du Mali depuis le 24 mai 2021, et du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba (droite), chef de l'insurrection burkinabè et du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). ( AFP / OLYMPIA DE MAISMONT) Et malgré le soutien militaire et financier international, les Etats sahéliens, parmi les plus pauvres au monde, sont dépassés.La prise du pouvoir par les militaires est le fruit d'une "très forte désillusion démocratique au sein des opinions publiques", selon Niagale Bagayoko, présidente du think-thank African Security Sector Network (ASSN), interrogée par l'AFP le 25 janvier. "Aujourd'hui, qui considère, à part les partis politiques eux-mêmes, qu'aller voter va avoir un impact sur la situation, autant individuelle que sécuritaire au Sahel ?", interroge-t-elle.Effet dominoCes récents remous politiques au Mali et au Burkina font craindre un effet domino au Niger, qui fait face aux mêmes difficultés que ces deux pays frontaliers. A Niamey, l'irruption des armées sur la scène politique au Mali et au Burkina Faso est autant condamnée qu’applaudie. Comme dans ces deux pays, la persistance des attaques jihadistes qui endeuillent les familles, ainsi que les scandales de corruption, sont des sources de préoccupation au Niger.Des détracteurs du régime du président Mohamed Bazoum inondent les réseaux sociaux en prédisant que "ce qui est arrivé à Bamako et Ouagadougou risque d’arriver à Niamey", allant jusqu'à inviter "l'armée à prendre ses responsabilités".Selon plusieurs experts cités par l'AFP dans cet article du 29 janvier pourtant, si des similarités se dégagent entre les situations malienne, burkinabè et nigérienne, les conditions n'étaient pas réunies début février 2022 pour qu'un nouveau coup de force secoue le pays.3 février 2022 Nouvelle version avec coquilles corrigées
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