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  • 2022-03-02 (xsd:date)
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  • Les frontières de l'Ukraine sont internationalement reconnues, elle n'a jamais eu besoin de les "enregistrer" auprès de l'ONU (fr)
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  • L'Ukraine n'aurait jamais "enregistré ses frontières" auprès de l'Organisation des Nations unies (ONU) après son indépendance en 1991, selon des publications partagées plusieurs centaines de fois sur les réseaux sociaux. La Russie n'aurait donc commis aucune violation du droit international en envahissant son territoire. C'est faux : les Etats n'ont pas à enregistrer leurs frontières auprès de l'ONU, a expliqué à l'AFP une experte des relations internationales. La souveraineté de l'Ukraine est internationalement reconnue, y compris par l'ONU et la Russie.Ces assertions ont été partagées en ligne dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février 2022. Elles soutiennent qu'en 2014, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon avait confirmé que l'Ukraine n'avait pas demandé à enregistrer ses frontières et n'existait pas en tant qu'Etat souverain. Ces publications affirment de manière trompeuse que le traité de la Communauté des Etats indépendants (CEI) de 1991, qui achevait la dissolution de l'Union soviétique, dépeignait "le territoire de l'Ukraine" comme "une région administrative de l'URSS". Des publications ont été partagées plusieurs centaines de fois en français depuis le 23 février sur Facebook (1, 2, 3), Twitter, VKontakte (1) et sur des sites internet (1). L'affirmation a également circulé en grec, en allemand, en anglais ou encore en bulgare.C'est faux: l'intégrité de l'Ukraine et ses frontières ont été reconnues par différents traités internationaux consultables en ligne et y compris par la Russie. Les Etats n'ont pas la nécessité d'enregistrer leurs frontières auprès de l'ONU, a expliqué à l'AFP une experte des relations internationales. Capture d'écran Facebook effectuée le 2 mars 2022Ban Ki-moon et l'UkraineCes publications avancent que le "07.04.2014", "le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a fait une déclaration étonnante, dont la diffusion est interdite dans les médias ukrainiens et sur Internet. Le conflit entre les deux pays a été évoqué lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. La conclusion suivante en a été tirée : l'Ukraine n'a pas enregistré ses frontières depuis le 25 décembre 1991."Nous avons reconstitué l'agenda Ban Ki-moon - qui a été secrétaire général de l'ONU entre 2007 et 2016 - le 7 avril 2014. Une recherche internet (1, 2) révèle qu'il se trouvait ce jour-là au Rwanda pour la commémoration du génocide ayant eu lieu 20 ans auparavant dans le pays. L'ONU a publié sa prise de parole lors de l'événement. Il n'y fait nulle part mention de l'Ukraine. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon à Kigali le 7 avril 2014 lors de la cérémonie marquant le 20e anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda ( AFP / Simon MAINA)En avril 2014, les tensions étaient fortes dans la région ukrainienne du Donbass après l'annexion de la Crimée un mois auparavant.La situation en Ukraine a été abordée lors d'un point de presse par le porte-parole adjoint du secrétaire général à New York le 7 avril 2014. "Interrogé à propos des tensions [...] le porte-parole a rapporté que le secrétaire général est profondément inquiet face à l'instabilité croissante dans l'Est de l'Ukraine [observable] durant le week-end dernier. Il exhorte toutes ceux ayant des responsabilités ou de l'influence sur la situation à désamorcer les tensions, et encourage toutes les parties à s'exprimer pacifiquement pour apaiser la situation", selon les éléments clefs du point presse diffusé sur le site des Nations unies.Cette déclaration a été réitérée par le porte-parole adjoint durant le point de presse quotidien le jour suivant.En se référant à la date du "07.04.2014", cette publication trompeuse pourrait également suggérer que la situation en Ukraine constituait le coeur de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies de ce jour. Cependant, selon l'agenda officiel des réunions et résolutions du Conseil de sécurité, l'institution ne s'est pas réunie le 7 avril 2014.L'ONU appelle au respect des frontières ukrainiennesNos recherches n'ont pas permis de retrouver la déclaration attribuée à Ban Ki-moon dans cette publication trompeuse. Nous avons cependant identifié plusieurs déclarations de l'ancien secrétaire général des Nations unies et d'autres hauts responsables en 2014 à propos de la crise en Ukraine. Aucune ne remettait en question les frontières de l'Ukraine. Elles appelaient au contraire à préserver sa souveraineté face aux menaces russes.Le 1er mars 2014, le secrétaire général adjoint des Nations unies Jan Eliasson a rapporté durant un point presse que Ban Ki-moon avait "réitéré son appel au respect absolu et à la préservation de l'indépendance de l'Ukraine, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale".Le 19 mars 2014, le même responsable a indiqué que le secrétaire général "continuait à dialoguer avec les acteurs clés dans le but de désamorcer la situation, en exhortant sans cesse au dialogue et au bon suivi de la Charte des Nations unies dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine".Le 13 avril suivant, le Conseil de sécurité a abordé la situation en Ukraine. Oscar Fernandez-Taranco, sous-secrétaire général aux affaires politiques, a affirmé que "le secrétaire général et les Nations unies restent attachés à rechercher une solution pacifique à cette crise qui ne cesse de s'aggraver".Selon des communiqués du porte-parole du secrétaire général accessibles publiquement et datant de 2014, Ban Ki-moon appelait à la protection du statut de l'Ukraine à plusieurs reprises.Le 2 mai 2014, il appelait"toutes les parties à respecter pleinement la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine". Des propos répétés le lendemain par Ban Ki-moon dans un communiqué, ainsi que de nouveau en juin et en août 2014.En mai 2015, le secrétaire général se trouvait à Kiev pour commémorer le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. "Les Nations unies et l'Ukraine sont de véritables partenaires : l'Ukraine est un membre fondateur [de l'ONU] et durant ses 24 années d'indépendance, l'Ukraine a fourni [des soldats pour les] forces de maintien de la paix pour de nombreux endroits de la planète", avait alors déclaré Ban Ki-moon.L'Ukraine et les Nations uniesUne autre preuve achève de contredire l'idée de départ selon laquelle les Nations unies ne reconnaîtraient ni l'Ukraine ni ses frontières : il s'agit des liens solides entre l'organisation et l'Etat ukrainien.L'Ukraine, alors connue sous le nom de république socialiste soviétique d'Ukraine, comptait parmi les membres fondateurs de l'ONU en 1945. Le pays a d'ailleurs fait partie des membres élus pour siéger temporairement au sein du Conseil de sécurité de l'ONU - avant d'y siéger pour la dernière fois de 2016 à 2017.L'ancien ministre ukrainien des Affaires étrangères Hennadiy Udovenko a même siégé en tant que président de l'Assemblée générale de l'ONU en 1997 et en 1998.Les Nations unies ne sont pas habilitées "à reconnaître un État ou un gouvernement. En tant qu'association d’États indépendants, l'ONU peut admettre un nouvel État parmi ses Membres ou accréditer les représentants d'un nouveau gouvernement", est-il expliqué sur le site de l'ONU."L'enregistrement des frontières n'existe pas", a expliqué à l'AFP Mira Kaneva, professeure adjointe au département de droit international de l'université de Sofia, le 23 février 2022. "La reconnaissance des frontières est faite en signant un traité adéquat qui expose la volonté des parties concernées. La reconnaissance prend effet après la ratification du traité, et non par l'enregistrement de ce traité auprès des Nations unies - qui consignent les traités internationaux", a-t-elle expliqué à l'AFP."Les frontières ne sont pas enregistrées auprès des Nations unies. Les traités, eux, le sont par l'article 102 de la Charte de l'ONU. L'absence d'enregistrement n'est cependant pas cause d'invalidité : un traité non enregistré a pleinement force de loi", a indiqué à l'AFP Dimitar Gochev, professeur adjoint en droit international au sein de la même université. "Les frontières de l'Ukraine sont déterminées par le principe uti possidetis juris - qui signifie que, lorsqu'un Etat est dissous, les nouveaux Etats adoptent les frontières de l'unité administrative dont ils sont issus."La Russie a reconnu l'Ukraine à plusieurs reprisesCes publications trompeuses soutiennent que l'Ukraine n'a "pas enregistré ses frontières" depuis le 25 décembre 1991. Cette date correspond à la dissolution finale de l'Union soviétique. La chute de l'URSS en cinq moments-clés ( AFP / Aude GENET, Sabrina BLANCHARD)L'Ukraine a voté massivement en faveur de son indépendance vis-à-vis de l'Union soviétique, alors en voie d'effondrement, lors d'un référendum tenu le 1er décembre 1991. Le président russe Boris Eltsine a reconnu son indépendance le jour suivant, comme l'a rapporté l'AFP. Capture d'écran de l'alerte donnée par l'AFP le 2 décembre 1991Le 8 décembre 1991, les dirigeants des trois plus grandes républiques au sein de l'URSS - la Russie, l'Ukraine et le Belarus - ont signé l'accord fondateur de la Communauté des Etats indépendants (CEI) en se présentant comme Etats souverains. L'URSS dissoute, la CEI a été ensuite rejointe par huit autres pays.L'organisation dispose de son propre site internet qui comporte des informations détailles sur la CEI, dont un ensemble de documents historiques tels que l'accord fondateur de la CEI. Selon l'article 5 de ce texte, les parties "reconnaissent et respectent l'intégralité territoriale de chacune ainsi que l'inviolabilité des frontières existantes au sein de la Communauté". Capture d'écran du traité fondateur de la CEI le 28 février 2022"En 1991 [lors de la signature du traité de Minsk], le président russe Boris Eltsine a reconnu l'indépendance de l'Ukraine", a expliqué à l'AFP David R. Marples, professeur d'histoire de la Russie et de l'Europe de l'Est à l'université d'Alberta, dans un email du 24 février 2022. "Et en 1997, au sein du Traité d'amitié signé entre la Russie et l'Ukraine, ces frontières ont été de nouveau reconnues par la Russie."Ce traité a été signé par Boris Eltsine et le président ukrainien Léonid Koutchma le 31 mai 1997. Son article 2 dispose que les "parties contractantes respecteront l'intégrité territoriale de chacune et reconnaîtront l'inviolabilité des frontières existant entre elles". Capture d'écran du traité de l'amitié de 1997 effectuée le 28 février 2022Le 28 janvier 2003, la Russie et l'Ukraine ont également signé un traité portant sur leur frontière commune. Cet accord bilatéral a été enregistré auprès des Nations unies en 2016. Selon son préambule (en russe sur la deuxième page, en anglais, page 209), l'accord répondait à "la nécessité de régler des questions concernant le tracé de la frontière [entre les deux Etats] dans le but de renforcer davantage les relations d'amitié et de bon voisinage entre les peuples ukrainiens et russes". La localisation exacte de la frontière entre les deux pays est décrite dans le document et des cartes de délimitation détaillées sont présentes en annexes.Qu'est-ce que le Mémorandum de Budapest ?Les publications trompeuses partagées sur les réseaux sociaux soutiennent de plus que selon le "Mémorandum de Budapest", l'Ukraine ne dispose pas de frontières. "L'État ukrainien n'existe pas (et n'a jamais existé !)", y est-il écrit. Mais c'est également faux. Cet accord dit tout à fait le contraire. Signé le 5 décembre 1994 à Budapest, le mémorandum comprend des garanties de sécurité en relation avec la décision de l'Ukraine de renoncer à son arsenal nucléaire. Dans son article 1, les signataires - dont la Russie - s'accordent à "respecter l'indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l'Ukraine". Dans l'article suivant, ils s'accordent également à "s'abstenir de recourir à la menace ou à la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de l'Ukraine". Capture d'écran du Mémorandum de Budapest prise le 28 février 2022Un contenu déjà publié en 2014A la toute fin de plusieurs publications trompeuses, il est écrit "Alexandre Panine, Nouvelles centrales" ("Central News" dans les contenus anglophones) suggérant qu'il pourrait s'agir de l'auteur de la publication.Par le moyen d'une recherche sur Google en russe, nous avons retrouvé un article de vérification kazakh publié le 27 février 2022. Factcheck.kz a identifié cet article russe publié le 30 mai 2014 et depuis archivé qui correspond quasiment mot pour mot à l'article actuellement en circulation sur Facebook dans plusieurs langues.Cette version a été publiée sur le site internet Novorus.info qui s'identifie lui-même en tant qu'"agence centrale d'information de Nouvelle-Russie" ("Central News Agency of Novorossia"). Ce nom, Aleksander Panin, est mentionné à la fin de l'article. Factcheck.kz a également montré qu'en avril 2014, un autre service de fact-checking ukrainien, Stopfake.org, avait identifié les mêmes contenus (sans le nom de Panine) publiées le 8 avril 2014 sur un site ukrainien en citant "TV Thames", qui produit aujourd'hui des programmes de divertissement. (fr)
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