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Des publications partagées des dizaines de milliers de fois sur Facebook depuis fin avril affirment que placer un masque de protection "quel qu'il soit" au-dessus d'une casserole d'eau bouillante pendant quinze secondes suffit à le "décontaminer". Ce procédé est inefficace voire dangereux, selon des experts contactés par l’AFP. Un environnement instable combiné à une période d’exposition aussi courte ne permettent pas de stériliser efficacement les masques en vue de leur réemploi. Ces publications, partagées sur Facebook depuis fin avril, décrivent en trois étapes la marche à suivre pour obtenir une "désinfection rapide et efficace des masques" en suivant un "protocole" précis. L’auteure du message partagé dans ces publications prétend que son mari est "professeur des Universités en Microbiogie et a travaillé, entre autre, sur les procédés et paramètres de destruction des microorganismes (bactéries, virus…)".Selon elle, pour décontaminer n’importe quel masque (chirurgicaux, FFP2 ou tissu…), "il suffit de :- mettre un verre d'eau dans une casserole large (20 cm de diamètre)- porter l'eau à ébullition (c'est très rapide)- mettre le masque tenu par une fourchette, une baguette en bois... au raz de la casserole dans le nuage de vapeur pendant 15 secondes minimum. Cela permet de réutiliser le masque rapidement après séchage." Capture d'écran Facebook prise le 6 mai 2020Le message qualifie ce protocole de désinfection de "rationnel et pragmatique". Il serait aussi efficace qu’un "lavage à 60° pendant 30 minutes en machine" et garantirait une destruction intégrale du virus.Tout d’abord, il faut préciser que les masques chirurgicaux et FFP2 mentionnés dans le message n’ont pas vocation à être lavés. Il s’agit de masques jetables à usage unique, dont le lavage entraîne une "perte de performance de la filtration", avait noté le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) dans un avis publié le 29 avril. Dans un nouvel avis daté du 29 octobre, le HCSP déconseille par ailleurs d'"entretenir le masque (grand public) à la vapeur"."Concernant l’entretien et la réutilisation des masques chirurgicaux", le HCSP estime toujours qu'ils sont "à usage unique et doivent être jetés dans une poubelle après utilisation"."Pour une éventuelle réutilisation : il est possible d’évaluer i) l’efficacité décontaminante d’un procédé et ii) la préservation des capacités de filtration du masque. Il faut aussi compléter par la vérification qu’un premier port, a fortiori des ports successifs, n’altèrent pas les capacités du masque (...) Des travaux sont en cours en France à ce sujet", a relevé le HCSP.La désinfection à la vapeur détaillée ici est inefficace voire contre-productive, selon Sylvie Raspaud, cheffe du service de pharmacie de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). "La vapeur ne lave pas, au contraire elle fixe les résidus sur les surfaces", a-t-elle expliqué à l’AFP mardi 5 mai.Dans le cas décrit plus haut, le procédé ne permet pas à la vapeur d’atteindre les micro-organismes comme le virus, selon Sylvie Raspaud. Pire, sous l’effet de la vapeur, des dépôts organiques (telles que des protéines), peuvent jouer le rôle d’écran protecteur du virus, neutralisant la décontamination. "Ce protocole est dangereux", abonde Philippe Cinquin, professeur en santé publique au CHU de Grenoble et directeur du laboratoire TIMC.La durée d’exposition à la vapeur, une quinzaine de secondes selon la publication, "semble excessivement courte", explique-t-il. La chaleur humide produite par la vapeur est plus efficace que la chaleur sèche. Pour autant, dans le procédé proposé dans la publication, "il est difficile de contrôler la température et le niveau d’humidité auquel on expose le masque", deux paramètres indispensables pour une stérilisation efficace. La désinfection requiert des protocoles particuliers. "On utilise de la vapeur sursaturée, c’est-à-dire sous pression, comme dans une cocotte minute. C’est la seule condition pour garantir la destruction des germes", explique Sylvie Raspaud. Pour une stérilisation efficace, les scientifiques procèdent en deux étapes. "L’adage veut qu’on ne stérilise bien que ce qui est propre. Pour éliminer tout micro-organisme, y compris le virus, il faut d’abord nettoyer", explique la pharmacienne Sylvie Raspaud. Une étape cruciale du processus de stérilisation que ne mentionnent pas les publications Facebook. Comment nettoyer son masque ?D’après les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le lavage doit s’effectuer en machine, à 60 C° pendant 30 minutes avec de la lessive, suivi d’un "séchage mécanique" et d’un repassage à 120/130°C. "Utiliser un sèche-linge ou un sèche-cheveux pour sécher votre masque, ou encore, le faire sécher à l'air libre sur une surface désinfectée", recommande le site du gouvernement.Est-il possible de laver son masque à la main ?Il n’existe "pas de solution efficace simple" pour laver son masque à la main, selon la cheffe du service de pharmacie de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre.Elle recommande dans ce cas un lavage en trois étapes :- "un nettoyage brassage dans un évier avec détergent (savon, produit vaisselle, lessive pour lavage à main)" afin d’éliminer "toutes les souillures qui viennent du visage, de la bouche et du nez", mais sans brossage "pour ne pas abîmer les fibres de tissu" ;- "un trempage dans une eau chaude à 60°C pendant 30 minutes (difficile à réaliser sans thermomètre : il est possible de faire tremper le masque dans une casserole sur une plaque de cuisson dans de l’eau frémissante)" ;- "un rinçage s’apparentant à un bon lavage de mains", qui ne sera toutefois pas "complètement inactivant du virus si la contamination du masque est importante".Les experts interrogés par l'AFP s'accordent pour dire que les masques augmentent le niveau de protection face au virus, mais qu'il est impossible pour le moment d'en déduire une probabilité exacte d'être contaminé. La pharmacienne rappelle que c’est "l’ensemble des mesures barrières qui est efficace, jamais un masque seul et encore moins un masque en tissu qui laisse passer le virus par un maillage trop gros". La piste de la rechercheDepuis mars, un groupe de scientifiques français formés par des membres du CNRS et du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), mais aussi de l’Inserm et l’Anses, explorent des pistes pour prévenir une nouvelle pénurie de masques. Le but ? Permettre de réutiliser les masques jetables de type chirurgicaux et FFP2. Membre de ce groupe, le Pr Philippe Cinquin travaille sur différents procédés encore à l’étude, parmi lesquels, outre le lavage à haute température, "la stérilisation en autoclave, aux rayons gamma et bêta ou le traitement à l’oxyde d'éthylène". EDIT : mis à jour le 07/05 avec les recommandations sur le lavage à la mainEDIT 2 : mis à jour le 08/05 avec infographie modifiéeEDIT 3 : mis à jour le 27/12 avec nouvel avis du HCSP sur les masques grand public
(fr)
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