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Une photo d’hommes amaigris est présentée sur les réseaux sociaux comme un cliché de "prisonniers politiques sous (Alassane) Ouattara", l’actuel président ivoirien. Selon nos recherches, cette photo a été publiée par un site d'information humanitaire dans un article sur les prisons ivoiriennes en 2006, soit plusieurs années avant l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. L’image montre quatre hommes torses nus, efflanqués, assis sur un banc. Ce sont des "prisonniers politiques sous Ouattara", assure un internaute qui diffuse la photo le 27 septembre sur la page Facebook baptisée Observatoire démocratique de la Côte d’Ivoire.Président de la Côte d’Ivoire depuis 2011, Alassane Ouattara briguera un troisième mandat controversé lors de l’élection du 31 octobre, dans un contexte tendu. L’annonce de sa candidature, après la mort du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly initialement désigné comme candidat par le parti du président, a déclenché une vague de contestation parmi ses opposants. Une quinzaine de personnes ont perdu la vie lors de violentes manifestations dans plusieurs villes du pays. “Le combat aura lieu”, annonce d’ailleurs l’auteur de la publication. Capture d’écran Facebook, réalisée le 01 octobre 2020Une photo régulièrement utilisée ces dernières annéesUne recherche d’image inversée -procédé qui permet de retrouver les précédentes utilisations d’une image sur internet- sur Google Image révèle que cette photo a déjà circulé sur les réseaux sociaux, notamment en RDC et au Congo entre 2016 et 2018 (1, 2, 3).En juillet 2020, des publications en anglais (1,2,3) avaient également circulé sur les réseaux sociaux au Nigeria en prétendant montrer des prisons du pays. Capture d’écran Google, réalisée le 01 octobre 2020Parmi les 179 commentaires suscités par la publication que nous vérifions, de nombreux internautes affirment que la photo a été détournée et ne montre pas la réalité de la Côte d’Ivoire.Certains la qualifient “d’intox” et son auteur de “menteur”. D’autres affirment que le cliché a été pris au Cameroun, au Mali, au Nigeria ou en République démocratique du Congo. Capture d’écran Facebook, réalisée le 01 octobre 2020 Capture d’écran Facebook, réalisée le 01 octobre 2020 Une capture d’écran revient toutefois à plusieurs reprises dans les commentaires.Il s’agit d’un lien vers un article en anglais du site www.thenewhumanitarian.org, titré “UN condemns nation’s prison conditions” (“L’ONU condamne les conditions de détention dans le pays”).La date de parution de l’article, le 17 août 2006, est entourée en rouge. Capture d’écran Facebook, réalisée le 02 octobre 2020Une prison en Côte d’Ivoire, mais pas sous OuattaraUne recherche Google reprenant l'intitulé “UN condemns nation’s prison conditions” conduit à cet article du 17 août 2006.On y retrouve la photo que nous vérifions, accompagnée de la légende suivante : “Des prisonniers malades à la prison de Dimbokro”. Dimbokro, qui est la ville de naissance d’Alassane Ouattara, est située dans le centre de la Côte d’Ivoire. Capture d’écran du site The new humanitarian, réalisée le 01 octobre 2020L’article reprend des éléments d’un rapport publié par la Mission de maintien de la paix en Côte d’Ivoire sur les conditions de détention des prisonniers ivoiriens.Ce rapport faisait état de "9.274 prisonniers pour un total de 3.371 places" dans les prisons "insalubres" du pays où "la malnutrition est l’une des principales causes de décès".L’AFP a contacté le site pour avoir des précisions sur l’origine et le contexte de cette photo, sans réponse au 5 octobre 2020.Toutefois, cette photo n’a pas été prise sous la présidence d'Alassane Ouattara: en 2006, il n’éxerçait aucune fonction ni au sein du gouvernement, ni au niveau local. La Côte d’Ivoire était alors dirigée par Laurent Gbagbo. En outre, il n’est nulle part mentionné dans cet article qu’il s’agit de prisonniers politiques.Les prisonniers politiques, revendication de l’opposition La libération des "prisonniers politiques" est une demande régulièrement brandie par l’opposition en Côte d'Ivoire, ainsi que par les organisations non-gouvernementales. Parmi ces “prisonniers politiques” figurent notamment des proches de l’ancien président Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro, dont les candidatures pour l'élection présidentielle ont été invalidées par le Conseil constitutionnel. M. Gbagbo, acquitté en première instance par la Cour pénale internationale de La Haye d'accusations de crimes contre l'humanité après l’élection de 2010, est en liberté conditionnelle en Belgique, dans l’attente d'un éventuel procès en appel.En Côte d’Ivoire, il fait l’objet d’une condamnation à vingt ans de prison dans l’affaire dite du "braquage de la BCEAO", la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest , lors de la crise post-électorale de 2010-2011.Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale, ministre et Premier ministre sous Ouattara, a lui été condamné à 20 ans de prison pour "recel de détournement de deniers publics". Il est aussi accusé de "tentative d’insurrection". Une vingtaine de ses proches, dont cinq députés, avaient été arrêtés en Côte d'Ivoire fin décembre 2019 après sa tentative de retour à Abidjan. La plupart sont accusés de "tentative d'insurrection". Amnesty International avait alors jugé "très suspectes" les poursuites contre M. Soro et ses partisans, "les accusations semblant être motivées par des considérations politiques".Début octobre, quatre d’entre eux ont été remis en liberté conditionnelle. Surpopulation carcéraleLa situation dans les prisons de Côte d’Ivoire est régulièrement dénoncée par des ONG. En août 2019, l'Observatoire des lieux de détentions, qui regroupe 28 ONG, a publié un rapport alarmant sur la surpopulation carcérale en Côte d'Ivoire.Selon ce rapport, le pays comptait en alors plus de 18.500 prisonniers pour 6.900 places, réparties sur 33 prisons sur le territoire, soit une surpopulation de 266%.
(fr)
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