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  • 2022-11-03 (xsd:date)
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  • Attention aux interprétations trompeuses d'une étude de l'université de Boston sur un "variant" du Sars-Cov-2 (fr)
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  • Des chercheurs de l'université de Boston ont tenté de comprendre des propriétés de la protéine "spike" du variant Omicron du Sars-CoV-2, virus à l'origine du Covid. La diffusion de leurs travaux a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, certains assurant que leurs expériences auraient créé un nouveau variant du virus "mortel à 80%" pour l'Homme. Mais il s'agit d'une interprétation trompeuse de leurs expériences, qui visaient à mieux comprendre la transmission d'Omicron, ont indiqué ces chercheurs. Si leur étude a ranimé le débat autour des expériences de gain de fonction, qui consistent à modifier génétiquement des virus pour leur conférer des nouvelles propriétés, plusieurs experts indépendants ont expliqué à l'AFP que le virus élaboré par les chercheurs de l'université de Boston, menées sur des souris particulièrement vulnérables au virus, était en réalité moins mortel que la souche originelle."Fou ! Des chercheurs de l'université américaine de Boston ont créé une nouvelle souche du covid qui tue l'hôte infecté dans 80% des cas ! À partir d’Omicron et de la souche de Wuhan", s'alarmait dans un tweet aux plus de 2.400 partages, diffusé par Florian Philippot, le fondateur du parti des Patriotes, régulièrement épinglé pour diffuser des informations trompeuses liées à la pandémie de Covid-19 comme ici, là, ou là.Des messages semblables ont été partagés à d'autres milliers de reprises sur Twitter (1, 2, 3), et ont été relayées sur Telegram (1, 2, 3), sur Facebook (1, 2) et sur des blogs (1, 2), et des affirmations similaires ont circulé en espagnol et en anglais. Des demandes de précisions au sujet de ces allégations nous ont également été adressées sur WhatsApp. Capture d'écran Twitter, prise le 02/11/2022 Capture d'écran Twitter, prise le 02/11/2022  La plupart de ces publications renvoient vers un article du journal britannique Daily Mail originellement intitulé : "L'université de Boston CREE un nouveau variant du Covid qui a un taux de létalité de 80% - faisant écho à de dangereuses expériences qui auraient pu être à l'origine de la pandémie".Le titre de l'article a depuis été modifié, et on peut y lire au 2 novembre : "'C'est jouer avec le feu - cela pourrait déclencher une pandémie générée en laboratoire' : des experts éreintent un laboratoire de Boston où des scientifiques ont créé un nouveau variant Omicron mortel avec un taux de mortalité de 80% chez des souris". C'est ce chiffre impressionnant -sans commune mesure avec la dangerosité du Sars-CoV-2- qui a été largement repris sur les réseaux sociaux. Sur le sujet de la dangerosité du Sars-CoV-2, cet article de l'AFP Factuel explique combien son "taux de létalité" est complexe à estimer.Les deux chercheurs interrogés par le Daily Mail estiment que le gouvernement américain devrait être plus ferme concernant les expériences de "gain de fonction", qui consistent à modifier génétiquement des virus pour augmenter "la capacité d'un pathogène à causer une maladie", selon le département de santé publique américain.La mise en ligne des travaux, sous forme de "prépublication" (c'est-à-dire avant évaluation par les pairs pour une éventuelle publication dans une revue scientifique), des chercheurs de l'université de Boston a suscité des critiques et ranimé le débat sur le bien-fondé de ces recherches sur le gain de fonction. Capture d'écran du Daily Mail, prise le 02/11/2022L'université de Boston a déploré le 18 octobre auprès de l'AFP que le Daily Mail et d'autres messages circulant sur internet ont "mal interprété" les recherches menées par son équipe, rappelant qu'elles sont pour l'heure en phase de prépublication."Les articles ont extrait une ligne du résumé des recherches et l'ont extrapolée sans contexte", s'était déjà défendu Ronald Corley, directeur du laboratoire national des maladies infectieuses émergentes de l'université de Boston (NEIDL), dans un communiqué publié le 17 octobre sur le site de l'université en réaction aux nombreux commentaires ayant suivi la prépublication de l'étude.Il estimait également que les titres et extraits choisis par le Daily Mail l'avaient été "dans le but de faire un article sensationnaliste", mais ne reflétaient pas les recherches menée par son équipe.Contacté par l'AFP le 21 octobre au sujet de son article, le Daily Mail n'avait pas répondu au 2 novembre 2022. Certains internautes ont aussi mis en parallèle les recherches de l'équipe de l'université de Boston avec les questions concernant l'origine de la pandémie de Covid-19, qui n'ont pas encore été tranchées, dont particulièrement l'hypothèse d'un virus créé en laboratoire.Depuis le début de la pandémie, son origine fait l'objet de diverses rumeurs, pour certaines infondées. Fin mars 2021, un rapport de l'OMS estimait qu'il était probable que le virus ait une origine animale, mais sans éliminer complètement d'autres pistes.Le directeur général de l'organisation avait aussi appelé à poursuivre les recherches sur l'origine de la pandémie. En août 2021, un rapport demandé par le président américain sur les origines de la pandémie avait été jugé à son tour "non concluant". Dans une étude analysant les premiers cas de Covid-19 publiée en juillet 2022, des chercheurs ont conclu que le SARS-CoV-2 se serait transmis d'animaux aux humains sur un marché à Wuhan, en Chine.La question de l'origine du SARS-CoV-2 n'est néanmoins toujours pas définitivement tranchée même si les scientifiques continuent d'estimer l'origine naturelle comme la plus plausible, en l'absence d'éléments prouvant une origine liée à des travaux en laboratoire.En quoi ont consisté les recherches de l'équipe de l'université de Boston ?Dans leur étude, les scientifiques de l'université de Boston ont cherché à comprendre des différences entre le variant Omicron, majoritaire dans le monde à l'été 2022, et la souche originelle du virus.Ils ont voulu déterminer si des mutations sur la protéine "spike", située à la surface du Sars-CoV-2 et qui lui permet de s'arrimer aux cellules humaines et d'y pénétrer, peuvent expliquer d'une part pourquoi ce variant est plus transmissible, et par ailleurs provoque généralement des cas moins graves. Description du mécanisme par lequel le SARS-CoV-2 utilise la protéine de pointe pour infecter les cellules ( AFP / John SAEKI)Les chercheurs ont ainsi pris le gène de la protéine "spike" d'Omicron, qui possède "un nombre de mutations inhabituellement élevé", et l'ont ajouté au génome de la première souche de Sars-CoV-2 observée dans l'État américain de Washington début 2020, créant ainsi une nouvelle itération du virus.Les expériences ont débuté in vitro avant d'être testées sur des souris, mais aucun test n'a été effectué sur des humains, selon le communiqué de l'université. Les chercheurs ont conclu que si des mutations de la protéine "spike" permettent à Omicron de déjouer plus facilement l'immunité induite par la vaccination, il existe d'autres facteurs majeurs, indépendants de cette protéine, qui peuvent expliquer pourquoi ce variant cause des infections moins graves.Ils ont ainsi suggéré de mener d'autres études au sujet d'autres protéines virales afin de compléter leurs recherches."Déterminer quelles sont ces protéines conduira à de meilleurs diagnostics et à de meilleures stratégies pour la gestion de la maladie", a déclaré Mohsan Saeed, un chercheur du NEIDL, dans le communiqué publié par l'université le 17 octobre.Le taux de mortalité, sur des souris génétiquement modifiéesLes chercheurs de l'université de Boston ont mené ces expériences sur des souris qui ont été génétiquement modifiées pour être particulièrement sensibles à cette protéine "spike", et donc aux coronavirus (appelées les "souris transgéniques K18-hACE2").Six de ces souris ont été exposées à la souche originelle observée dans l'État de Washington (appelée "WT"), dix autres au variant Omicron, et dix d'un troisième groupe au virus combinant la protéine "spike" d'Omicron à la souche originelle (appelé "Omi-S").Les dix souris infectées par Omicron ont développé des infections "légères et non mortelles", tandis que les six souris infectées par la souche du virus originelle sont mortes. Huit des dix souris infectées avec le virus créé lors des recherches sont décédées. "Ce chiffre de 80% est celui sur lequel les médias se sont attardés, déformant ainsi l'étude et ses objectifs", a déploré l'université de Boston dans son communiqué, soulignant que le virus créé avec la "spike" d'Omicron n'était par ailleurs pas plus mortel que la souche originelle de Sars-CoV-2 (WT). En réalité, "ces recherches ont rendu la réplication du virus moins dangereuse", a insisté l'université puisque toutes les souris contaminées par la souche WT sont mortes (100%). Capture d'écran d'un passage de la prépublication des chercheurs de l'université de Boston, prise le 02/11/2022Craig Wilen, professeur du département de médecine de l'université Yale, qui a aussi étudié le Covid-19, a confirmé que le virus créé pour l'étude peut être considéré comme "moins dangereux" que la souche originelle du Covid-19 à partir de ces recherches préliminaires, le 19 octobre à l'AFP.Selon lui, puisque la souche originelle du Sars-CoV-2 "a tué 100% des souris", il est ainsi possible de dire que les chercheurs de Boston "l'ont rendue moins pathogène" en lui ajoutant la protéine "spike" d'Omicron, étant donné que ce variant modifié "Omi-S" était "moins mortel et moins pathogène chez les souris, et nous a fourni des informations importantes" sur les mutations du virus.Victor DiRita, président du département de microbiologie et de génétique moléculaire de l'université d'État du Michigan, a ajouté qu'il y avait "peu de raisons" de penser qu'une telle expérience pouvait avoir des résultats dangereux. "Les chercheurs ne mettaient pas la protéine dans un virus complètement différent, ils posaient plutôt des questions nuancées en utilisant des variations étroitement liées" du virus, a-t-il déclaré à l'AFP le 19 octobre.Arturo Casadevall, du département de microbiologie moléculaire et d'immunologie à l'université Johns Hopkins, a aussi qualifié ces recherches de "raisonnables", ajoutant qu'elles ne créaient pas de "nouvelle souche mortelle". "Ils ont pris une partie du code d'Omicron qui circulait déjà et l'ont mis sur un virus qui a déjà circulé parmi une grande partie de l'humanité", a-t-il déclaré le 19 octobre. Des employés du laboratoire P4 de Wuhan en Chine, travaillent avec des souris, le 23 février 2017 ( AFP / Johannes EISELE)Questions autour des recherches par "gain de fonction"La recherche par gain de fonction suscite depuis des années des critiques et controverses parmi les scientifiques. Le gouvernement américain a par exemple interrompu des expériences de ce type en 2014. Néanmoins, ces restrictions ont été levées en 2017, et de nouveaux protocoles ont été élaborés pour encadrer ces travaux.Si les expériences impliquent des "agents pathogènes pandémiques potentiels" ou des bactéries et des virus "possiblement hautement transmissibles", elles nécessitent une surveillance accrue du Département de la santé et des services sociaux américains.L'université de Boston a démenti que les recherches réalisées dans son laboratoire puissent être considérées comme des "gains de fonction" car "elles n'ont pas amplifié la souche du virus Sars-CoV-2 de l'État de Washington ni ne l'ont rendue plus dangereuse".Certains scientifiques ont cependant remis en question cette affirmation, estimant que les chercheurs auraient dû divulguer plus de détails sur leurs expériences. Un technicien de laboratoire travaille dans le Tsinghua University Lab à Pékin, le 9 décembre 2021 ( AFP / Noel Celis)L'épidémiologiste Marc Lipsitch du département de santé publique de l'université Harvard, a notamment écrit sur Twitter qu'il considérait ces recherches comme un "gain de fonction", qui aurait dû être identifié comme tel.Toutefois, il a estimé que ces recherches avaient "une valeur scientifique", précisant qu'"il y a au moins un argument en faveur de ces recherches en termes de balance bénéfices-risques, si elles sont menées dans des conditions de confinement biologique appropriées".Le communiqué de l'université de Boston indique que les recherches, menées dans un laboratoire sécurisé, "ont été examinées et approuvées par le comité de biosécurité institutionnel (IBC), qui est composé de scientifiques ainsi que de membres de la communauté locale". De plus, "la Commission de santé publique de Boston a également approuvé les recherches", précise l'université.L'université de Boston a ajouté le 18 octobre qu'elle avait "rempli toutes les obligations réglementaires et tous les protocoles requis", ajoutant que s'il y avait eu des preuves que la recherche prenait de l'ampleur, ses protocoles auraient fait en sorte que le projet soit "arrêté et signalé". "Il semble qu'ils aient maintenu des précautions strictes et appropriées de niveau 3 de biosécurité", qui correspond à l'avant-dernier niveau de sécurité dans des laboratoires, nécessitant des précautions particulières et dont l'accès est strictement contrôlé, note Victor DiRita, qui est également l'ancien président de la Société américaine de microbiologie, auprès de l'AFP.Cependant, l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), qui fait partie des Instituts nationaux de la santé américains (NIH), a déclaré qu'il "examinait les éléments pour déterminer si les recherches menées rentraient dans les politiques de subventions des NIH, ou ont rempli les critères" de sécurité nécessaires, auprès de l'AFP le 21 octobre. Selon Craig Wilen, de l'université Yale, ce type de recherches isolant des parties de virus est courant en virologie. "Il s'agit de recherches effectuées depuis de nombreuses années pour de nombreux virus", a-t-il indiqué auprès de l'AFP, précisant que "le but est d'identifier des parties spécifiques du virus, comme la façon dont le virus échappe au système immunitaire".Il a ajouté qu'il ne considère pas les recherches menées par l'équipe de Boston comme étant un "gain de fonction" qui rendrait le virus plus mortel. "Ils n'ont fondamentalement pas donné au virus une nouvelle propriété", a déclaré le chercheur. Pour le rendre plus dangereux, "il aurait fallu lui donner une nouvelle fonction, sans altérer les fonctions déjà présentes", résume-t-il.Plusieurs autres médias de vérification anglophones (1, 2, 3) et francophones (1, 2) se sont déjà penchés sur les interprétations trompeuses de cette prépublication circulant sur les réseaux sociaux. Depuis le début de la pandémie, l'AFP a déjà vérifié plus de 800 affirmations sur le Covid-19 en français. (fr)
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