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Des sites en plusieurs langues diffusent depuis le début du mois d'août un "rapport d'enquête d'un groupe d'officiers de réserve" français sur le Covid-19 affirmant, entre autres, que la 5G et le nouveau coronavirus sont liés. Ce rapport est un faux, a affirmé à l'AFP le président de la fédération nationale des réservistes. Il contient également de nombreuses informations erronées."Des cadres de réserve en France ont enquêté pendant 50 jours pour clarifier les problématiques liées à la 'pandémie' de 2020. Le Rapport rendu a été interdit de diffusion pour l’instant", affirme le site profession-gendarme, qui relaye ce fameux rapport dans un article du 7 août 2020.En guise de preuve qu'il s'agit d'un document véridique, l'article en question est accompagné du logo bleu de l'Anorgend, principale association de réservistes de la gendarmerie en France : (Capture d'écran du site profession-gendarme, réalisé le 4 septembre 2020)Depuis l'article, on peut effectivement cliquer sur un lien qui redirige vers le rapport, un document PDF de 156 pages, prétendant "proposer un protocole de prévention et informer sur les pistes thérapeutiques a imposé" face au Covid-19 tout en "révélant de graves incohérences dans la version officielle" des autorités françaises.Le document en question a été peu relayé en France. Le compteur de vues de l'article affiche un peu plus de 3.000 vues et, selon l'outil d'analyse CrowdTangle, il a été relayé seulement 47 fois sur Facebook.Un autre site diffusant le même rapport compte 435 partages sur Facebook, toujours selon CrowdTangle. L'article de profession-gendarme semble être un copier-coller de ce billet. Mais cela n'a pas empêché le rapport de traverser les frontières. On le retrouve traduit le 31 août sur ce blog anglophone.On le retrouve également sur ce blog espagnol où il est présenté le 2 septembre comme un "rapport militaire français" prouvant que le Covid-19 est directement lié à la technologie 5G. (capture d'écran réalisée sur le site alerta digital le 4 septembre 2020)Il s'agit pourtant d'un faux document Renaud Ramillon-Deffarges, président de la fédération nationale des réservistes de la gendarmerie (ANORGEND) - dont le logo est utilisé dans l'article en français diffusant le rapport -, a également assuré qu'il s'agissait d'une "fake news"."Nous n'avons jamais été sollicités pour participer ou approuver cette démarche et d'ailleurs cela ne rentre pas dans notre fonction de réserviste de faire ce type de rapport", a-t-il expliqué.Près de 1.200 réservistes de la gendarmerie sont engagés "chaque jour" sur le territoire pour s'assurer du respect des règles sanitaires liées au Covid-19, a ajouté M. Ramillon-Deffarges. Il juge "indécent" d'attribuer à son association un rapport qu'elle n'a pas écrit et qui véhicule des "fausses informations".Sur la présentation du rapport, il a par ailleurs relevé plusieurs incohérences.D'abord, le rapport est "supposé être écrit par un groupe de réserve mais, dans le PDF, on ne nous dit pas de quelle armée", a-t-il noté. De plus "si l'armée interdit la diffusion d'un document, on le fait tomber sous le sceau du secret défense", un tampon qui n'apparaît pas visuellement sur le document.Le président de la fédération nationale des réservistes de la gendarmerie "ne sait pas" qui représente le site profession-gendarme.Selon la rubrique Qui Sommes-nous ? du blog, il s'agit d'un ancien gendarme français qui souhaite "fournir une actualité pertinente et non censurée sur la vie et l’évolution de la Gendarmerie"."Je n'ai aucune autre information concernant ce rapport d'enquête d'un groupe d'officiers de réserve", a expliqué à l'AFP le 4 septembre Ronald Guillaumont, le webmestre du site profession-gendarme. "Je pense que ce rapport a été écrit par des gens ayant une certaine culture mais qu'il ne s'agit pas d'offciers de réserves", a-t-il estimé.Un rapport contenant des informations erronéesLe document fait 156 pages et traite d'une multitude de sujets: des caractéristiques du virus, aux symptômes de la maladie en passant par les gestes barrières à adopter pour s'en protéger.Tous les éléments avancés dans le rapport ne sont pas faux ou même vérifiables. Mais il contient tout de même de nombreux éléments qui ont déjà fait l'objet d'articles de l'AFP Factuel.Dès la 2e page, le document avance que Covid-19 veut dire "Certificat of Vaccination IDentity" et que "1=a et 9=i" pour "AI=Intelligence Artificielle" : (Capture d'écran du rapport le 4 septembre)C'est faux. Le 11 février 2020, le Comité international de taxonomie des virus, un comité chargé de la classification des virus, a donné un nom au virus qui cause la maladie : "Sars-CoV-2"."Ce nom a été choisi car le virus est génétiquement apparenté au coronavirus responsable de la flambée de SRAS de 2003. Bien qu'apparentés, les deux virus sont différents", explique l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur son site.Le même jour, le nom officiel de la maladie causée par le Sars-Cov-2 (dénomée provisoirement "2019-nCoV" pour "nouveau coronavirus 2019") a été annoncé par l'OMS.Il s'agit du Covid-19 pour "COronaVIrus Disease", explique l'Institut Pasteur, soit maladie à coronavirus. Le nombre 19 sert à désigner l'année d'apparition de la maladie : 2019.Origine du virusUn peu plus loin (p.9) le rapport écrit que le Sars-Cov2 "serait issu du laboratoire P4 (haute sécurité), coopération médicale sino-française de Wuhan". "Il serait issu de la recherche, et aurait subi des modifications d'ARN provenant du virus VIH", est-il précisé.C'est faux. "Le coronavirus n’a pas été créé en laboratoire (...) On peut remonter l’origine d’un virus et on sait, par exemple dans le cas de ce coronavirus, qu’il vient d’un virus qui est présent naturellement chez certains animaux", expliquait le professeur Olivier Schwartz, de l'Institut Pasteur, sur la radio France Culture.Dès le 19 février, une tribune publiée dans la revue scientifique The Lancet et cosignée par 28 scientifiques de différents pays condamnait "les théories conspirationnistes qui suggèrent que le Covid-19 n'a pas d'origine naturelle", expliquant que les nombreuses analyses des génomes de ce virus concluent bien à une "origine naturelle".Cet article scientifique publié en février 2020 dans la revue "Emerging Microbes & Infections" vient par ailleurs expliquer que le VIH n'est pas à l'origine du génome du SARS-CoV-2.L'ONG Science Feedback, spécialisée dans la lutte contre la désinformation scientifique, a aussi démonté cette idée ici en février 2020."Cela n'a pas de sens. Ce sont de tout petits éléments que l'on retrouve dans d'autres virus de la même famille, d'autres coronavirus dans la nature", expliquait en avril à l'AFP le virologue Etienne Simon-Lorière de l'Institut Pasteur à Paris.A début juin 2021, il n’y a pas de preuves d'une manipulation ou d’une fabrication qui aient été mises au jour et ces théories restent très improbables, soulignent régulièrement scientifiques et autorités.L’hypothèse d’un virus naturel (prélevé dans la nature par exemple) mais échappé d’un laboratoire ne peut en revanche théoriquement être exclue à 100%, comme l’ont expliqué notamment les services de renseignements américains plusieurs fois. Les experts de l'OMS, missionnés du 14 janvier au 9 février 2021 en Chine, où sont apparus les premiers cas de la maladie en décembre 2019 selon Pékin, ont pour autant estimé que l'hypothèse d'une fuite d'un laboratoire était la moins probable mais le patron de l'OMS lui-même, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a ensuite réclamé une nouvelle enquête sur cette hypothèse, rejoint par de nombreux pays occidentaux.Le 14 mai 2021, des scientifiques ont également appelé à examiner sérieusement la possibilité d'un accident de laboratoire dans une lettre publiée par la revue "Science" tout en estimant que les théories d'une origine animale ou accidentelle en laboratoire "restent toutes les deux viables".Pour en savoir plus sur les enjeux autour des origines du Covid, les différentes théories et les enjeux politiques, à lire "Les origines du Covid : beaucoup d'hypothèses, peu de certitudes" publié le 31 mai 2021.Cause des décèsSur les cas graves liés au Covid-19, le rapport affirme qu'il "semblerait que le problème soit cardiovasculaire et non respiratoire. "C'est la microthrombose-veineuse et non la pneumonie qui est à l'origine du décès", est-il précisé.C'est infondé, comme nous l'avions déjà écrit dans ce fact-check. A ce stade, rien n'est formellement prouvé, si ce n'est que ces deux pathologies ont parfois été décelées chez les patients atteints du Covid-19.Montagnier et le VIHLe rapport diffuse "l'avis du professeur Montagnier, Prix Nobel de médecine 2008" pour affirmer que l'on retrouve "des séquences de VIH" sur le Sars-Cov2.Luc Montagnier, 88 ans, a dirigé, de 1972 à 2000, l’unité d’oncologie virale de l'Institut Pasteur. "En 2008, ses travaux sur la découverte du virus du sida en 1983, ont été récompensés par le prix Nobel de (...) médecine, qu’il partage avec le Pr. Françoise Barré-Sinoussi", explique l'Institut Pasteur sur son site.Mais il a aussi été moqué par la communauté scientifique en défendant des théories comme l'émission d'ondes électromagnétiques par l'ADN ou la papaye comme remède à certaines maladies grâce à ses propriétés anti-oxydantes.Comme expliqué dans cet article de l'AFP, la théorie des séquences de VIH dans le Sars-Cov2 émane d'un texte rendu public en janvier sur la plateforme de "prépublications" BioRxiv, où des scientifiques peuvent déposer leurs travaux avant leur relecture et validation par leurs "pairs", c'est-à-dire avant leur publication dans une revue.Cet article - qui évoque des similitudes entre le virus du sida, le VIH, et le SARS-Cov-2 - a fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique, au point qu’il a ensuite été dépublié par ses auteurs.Prevotella"Le virus ne tuerait pas directement, mais par l’intermédiaire d’une bactérie intestinale qu’il infecterait, la Prevotella", note le rapport.C'est faux, selon plusieurs experts interrogés par l'AFP."Il existe des virus qui infectent les bactéries, les bactériophages, qui y injectent leur matériel génétique", explique Rémy Burcelin, chercheur à l'Inserm et spécialiste du microbiote intestinal, c'est-à-dire de l'ensemble des micro-organismes (virus, bactéries, amibes...) qui y "habitent".Sauf que le SARS-CoV-2 ne fonctionne pas comme ça: "c'est comme si j'utilisais un décapsuleur pour ouvrir le moteur de ma voiture, ce n'est pas le bon outil", poursuit le chercheur, qui travaille précisément à déterminer des liens entre microbiote intestinal et SARS-CoV-2.Remèdes en tout genreLe rapport propose également de l'argile verte et un certain nombre de médecines alternatives (aromatherapie, homéopathie, huiles essentielles) "pouvant être proposé(es) contre le Covid-19". C'est faux. Sur son site, l'Organisation mondiale de la Santé, précise simplement qu'à ce jour, "aucun médicament spécifique n’est recommandé pour prévenir ou traiter l’infection par le nouveau coronavirus".Vaccin, puce électronique et 5GEn conclusion, le rapport estime que la pandémie permettra "d'imposer au niveau mondial (...) un vaccin comportant des nano puces, et une puce électronique sous-cutanée".C'est faux. Il s'agit d'une théorie conspirationniste populaire, accusant souvant le milliardaire Bill Gates d'être à l'origine de ce projet, déjà vérifiée par l'AFP ici."Les décès provoqués par le COVID-19 ont pu être favorisés par des essais de 5G augmentant le pouvoir pathogène du virus", arguent enfin les auteurs du rapport. C'est faux. L'OMS réfute la rumeur selon laquelle les réseaux ou antennes 5G de téléphonie mobile puissent favoriser la propagation du virus. "Les virus ne circulent pas sur les ondes radio ou par les réseaux mobiles. Le Covid-19 se propage dans de nombreux pays qui n'ont pas de réseau mobile 5G", indique l’OMS dans la rubrique "en finir avec les idées reçues" de son site internet.Plusieurs experts consultés par l’AFP en avril confirment également qu'il n'existe aucune preuve scientifique suggérant que les réseaux sans fil 5G ont causé le Covid-19 ou ont eu des effets néfastes sur la santé humaine.Edit du 4/9/20 à 23h55 : ajoute réponse du webmestre du site profession-gendarme Mise à jour le 01/06/2021 avec éléments concernant l’hypothèse d’une fuite de laboratoire
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