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Un visuel partagé plus d'un millier de fois sur les réseaux sociaux depuis le 8 juin prétend que "c'est la première fois que l'on va vacciner des enfants pour une maladie qui n'est pas infantile". C'est faux, expliquent à l'AFP plusieurs spécialistes. Seule la vaccination contre le Covid-19 des 12-18 ans est planifiée à ce stade, même si le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale a évoqué plusieurs scénarios concernant les 0-12 ans."C'est la première fois que l'on va vacciner des enfants pour une maladie qui n'est pas infantile. C'est de la folie !", indique le message en lettres capitales très relayé sur Twitter et Facebook. Captures d'écran Twitter prises le 11/06/2021"Celui qui fera vacciner ses enfants contre le covid ne mérite pas d'être parent", tranche un internaute sur Twitter. "C'est de l'homicide et volontaire. #TouchePasAMesEnfants", tonne une autre. Captures d'écran Twitter prises le 11/06/2021Le gouvernement a annoncé le 2 juin que les jeunes de 12 à 18 ans pourraient se faire vacciner à partir du 15 juin. "Dans ce contexte encore incertain d'atteinte possible d'une immunité collective, la question de la vaccination des enfants et des adolescents se pose afin d'augmenter la couverture vaccinale globale", résumait le Comité national d'éthique (CCNE) dans un avis publié le 9 juin.Dans un avis publié fin avril et mis à jour le 11 mai, le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale avait évoqué plusieurs scénarios, dont la possibilité de proposer la vaccination pour "tous les enfants de plus de 6 mois", ou de la proposer pour les enfants âgés de plus de 3 ans, une "option [qui] parait raisonnable pour atteindre une immunité collective suffisante".Le Conseil soulignait toutefois que "la vaccination des enfants ne pourra être réalisée qu'à condition de l'obtention des résultats d’efficacité et de sécurité de ces vaccins chez l'enfant, et des autorisations de mise sur le marché délivrées par l'Agence européenne du médicament".Si cela était le cas, s'agirait-il de "la première fois que l'on va vacciner des enfants pour une maladie qui n'est pas infantile", comme l'affirme l'auteur du visuel viral ?"Tout d'abord il convient de rappeler qu'on ne vaccine pas contre une maladie mais contre un agent infectieux, ici le coronavirus, qui infecte aussi les enfants même si, pour le moment, c'est dans une moindre proportion que chez les adultes (et pour des raisons qui restent à déterminer avec précision)", explique à l'AFP Frédéric Rieux-Laucat, directeur du laboratoire d'Immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques à l'Institut Imagine.Frédéric Rieux-Laucat souligne par ailleurs que les enfants sont actuellement vaccinés en France contre "plusieurs agents pathogènes" à l'origine de pathologies adultes. C'est le cas notamment avec le vaccin contre l'hépatite B (obligatoire), fait pour se protéger du cancer du foie, ou le vaccin contre le papillomavirus (HPV), fait pour diminuer le risque de cancer du col de l'utérus chez la femme adulte. "11 vaccins sont obligatoires en France pour les enfants, certains à bénéfices immédiats (poliomyélite), d'autres comme la vaccination contre l'hépatite B, à bénéfices retardés (...) Certains vaccins ont également une forte dimension altruiste, comme le vaccin 13- valent contre le pneumocoque qui protège également les aînés de la transmission par les jeunes enfants", soulignait à cet égard le Conseil national d'éthique dans son avis du 9 juin."Il est faux de dire que [le vaccin] anti-covid serait le premier vaccin imposé aux enfants pour protéger les adultes", abonde Laurent-Henri Vignaud, maître de conférences en histoire moderne à l'université de Bourgogne et historien de la vaccination, qui cite l'exemple du vaccin (obligatoire chez l'enfant) contre la rubéole, "maladie bénigne sauf pour les femmes enceintes car il y a danger pour le foetus"."Ici ce sont donc les enfants qui « protègent » les futurs enfants", relève-t-il. Un bébé se fait vacciner à Quimper (Finistère), le 19 septembre 2017 (AFP / Fred Tanneau)"On peut dire la même chose des oreillons ou de la varicelle, dont les formes adultes sont plus graves (mais pour lesquelles il existe aussi des formes infantiles sévères même si rarissimes)", ajoute l'historien, co-auteur de l'essai Antivax. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours, qui souligne que "chez les antivax, les vrais, le thème de la « pureté (physique et morale) enfantine » que les vaccins viendraient souiller ou polluer est un argument classique depuis le XIXe siècle et les premières lois d'obligation"."En Angleterre, on vaccine les enfants contre la grippe, et ça protège très bien les parents et surtout les grands-parents", complète le Dr Robert Cohen, président du Conseil national professionnel de pédiatrie (CNP).Pendant l'épidémie de grippe A/H1N1, le vaccin "était proposé à tout le monde" et des "enfants ont été vaccinés", ajoute-t-il, rappelant toutefois le "gros échec" de la campagne de vaccination et le fait que "l'un des vaccins contre le H1N1, le Pandemrix", a provoqué des cas de narcolepsie chez "des enfants entre 5 ans et 20 ans"."La bonne tolérance chez l'adulte ne vous garantit pas une bonne tolérance chez l'enfant", souligne le Dr Cohen, qui dit n'avoir "aucune opposition théorique" à la vaccination des enfants de moins de 12 ans contre le Covid-19, même si "à ce stade, il n'en est juste pas question"."Des études ont commencé, mais on a pas de résultats" pour les moins de 12 ans, note-t-il. "Ils vont arriver dans les prochaines semaines. Quand il y aura des données, il faudra réfléchir sur les données", ajoute-t-il, se rangeant en ce qui concerne la vaccination des 12-18 ans derrière le dernier avis de la Haute autorité de santé sur le sujet.Dans le communiqué de presse accompagnant son avis du 3 juin, la HAS met en avant l'enjeu de l'immunité collective et le bénéfice individuel "direct" et "indirect" des adolescents à se faire vacciner, préconisant "de vacciner très rapidement les adolescents qui présentent une comorbidité ou dans l'entourage de personnes immunodéprimées, puis de vacciner les adolescents en bonne santé dès lors que la vaccination de la population adulte sera suffisamment avancée". (Alain Jocard / AFP)Le Comité national d'éthique (CCNE) a pour sa part regretté mercredi 9 juin "que les décisions" concernant la vaccination des adolescents contre le Covid-19 "aient été prises si rapidement", dans un contexte de décrue de l'épidémie."Y a-t-il une urgence absolue à commencer la vaccination dès maintenant, alors que plusieurs indicateurs sont au vert et que la rentrée scolaire de septembre pourrait signer le début de la campagne ?", s'interroge l'organe consultatif dans le communiqué de presse accompagnant son avis sur la question.Dans son avis, le CCNE estime que si le bénéfice individuel tiré de la vaccination est "limité pour la santé physique" (les formes graves de l'infection étant très rares chez les moins de 18 ans), "les conséquences de la pandémie sur la santé psychologique et mentale des enfants, et surtout des adolescents, sont profondes et probablement durables".Il ajoute qu'il est "peu probable" que l'objectif de l'immunité collective "puisse être atteint grâce à la seule vaccination des adultes". Mais "est-il éthique de faire porter aux mineurs la responsabilité, en termes de bénéfice collectif, du refus de la vaccination (ou de la difficulté d'y accéder) d'une partie de la population adulte ?", s'interroge-t-il.
(fr)
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