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"Les ventes du médicament de Pfizer pour le traitement de la myocardite, Vyndamax, sont en hausse de 77% aux États-Unis", soutiennent des publications virales, affirmant que le géant pharmaceutique américain profiterait d'effets secondaires de son vaccin anti-Covid pour réaliser des bénéfices sur ce médicament. C'est faux : le Vyndamax, pour lequel les ventes ont bien augmenté, n'est pas indiqué pour la myocardite, ont confirmé Pfizer et des cardiologues à l'AFP. Ce traitement est utilisé pour l'amylose à transthyrétine, une maladie cardiaque différente qui ne figure pas parmi les effets indésirables recensés pour les vaccins à ARN messager par les autorités sanitaires françaises, européennes ou américaines. "Les ventes du médicament Pfizer pour le traitement de la myocardite, Vyndamax, sont en hausse de 77% aux États-Unis.. Coïncidence incroyable, la boucle est bouclée", écrit le 26 octobre un internaute sur Facebook. Capture d'écran prise sur Facebook le 27/10/2021 Capture d'écran prise sur Facebook le 27/10/2021 Capture d'écran prise sur Twitter le 27/10/2021 Capture d'écran prise sur Twitter le 27/10/2021 D'autres publications n'hésitent pas à expliciter un lien de causalité : "En date du 28 juillet 2021, on apprenait que les ventes du Vyndamax de Pfizer, un médicament vendu 'pour le traitement de la myocardite' a bondi de 77%, aux États-Unis. Ça arrive au moment où le 'vaccin' COVID-19 de Pfizer est pointé du doigt pour des... myocardites", avance un autre utilisateur de Facebook, partageant la capture d'écran d'un communiqué du géant pharmaceutique américain. "Il créé le problème pour apporter la solution", commente un internaute, qui s'indigne, comme de nombreux autres de cette affirmation. Ce texte, publié à l'origine en anglais, a été partagé plus de 11.000 fois sur Twitter et a depuis fait le tour des réseaux sociaux. D'où vient le chiffre de 77%?Le chiffre de 77%, tiré d'un communiqué de presse souvent cité comme source des publications virales, est authentique. Ce document a été mis en ligne le 28 juillet 2021 par Pfizer et est visible ici. Pfizer indique que les revenus de l'entreprise pour le deuxième trimestre 2021, ont atteint 19 milliards de dollars, soit une augmentation de 92 % par rapport au même trimestre de l'année précédente.Cette croissance est due à la progression des ventes de plusieurs traitements, explique l'entreprise à la cinquième page du document, en mettant en avant une forte augmentation pour deux médicaments en particulier : le Vyndamax et le Vyndaqel."Vyndaqel/Vyndamax dans le monde, est en hausse de 77% sur le plan opérationnel, principalement grâce à la poursuite de la forte généralisation de sa prescription pour la cardiomyopathie amyloïde à transthyrétine aux États-Unis, en Europe de l'Ouest et au Japon", écrit Pfizer. Pour les internautes relayant les publications virales, cette demande croissante des deux médicaments de Pfizer serait due à une hausse des cas de myocardites, une inflammation du muscle cardiaque, provoquée par les vaccins anti-Covid, dont Pfizer est l'un des principaux fabricants.Pourtant, la progression de ces deux traitements ne peut pas avoir de lien de causalité avec la vaccination anti-Covid, car le Vyndaqel et le Vyndamax "ne sont pas indiqués pour la myocardite", a confirmé Pfizer à l'AFP le 27 octobre, mais pour une maladie cardiaque complètement différente."Le Vyndaqel et le Vyndamax sont indiqués dans le traitement de la cardiomyopathie causée par l'amylose à transthyrétine de type sauvage ou héréditaire (ATTR-CM) chez l'adulte, afin de réduire la mortalité cardiovasculaire et l'hospitalisation pour des raisons cardiovasculaires", a poursuivi Pfizer. Or, "cette maladie cardiaque rare n'a absolument rien à voir avec la vaccination anti-Covid'", a indiqué le 27 octobre à l'AFP Dariouch Dolatabadi, cardiologue à l'hôpital universitaire de Charleroi, en Belgique. "L'amylose et la myocardite sont deux affections complètement différentes : l'amylose cardiaque à transthyrétine est une affection qui n'est pas due à une inflammation du cœur comme les péricardites et myocardites, et qui n'est pas secondaire à l'utilisation d'un médicament".Contrairement aux myocardites et péricardites, recensées comme des effets indésirables très rares des vaccins à ARN messager contre le Covid de Moderna et Pfizer par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l'Agence européenne des médicaments (AEM) et les Centre américains de préventions et de contrôle des maladies (CDC), l'amylose à transthyrétine de type sauvage ou héréditaire n'a fait l'objet d'aucun signalement par ces autorités sanitaires. Il n'est donc pas possible que Pfizer ait réalisé des bénéfices sur la vente du Vyndaqel et du Vyndamax à cause des cas de myocardites provoqués par la vaccination anti-Covid, contrairement à ce qui est soutenu sur les réseaux sociaux.Par ailleurs, les cardiologues interrogés par l'AFP rappellent que les cas de myocardites post-vaccinaux, notamment détectés chez les adolescents et jeunes adultes, surtout masculins, sont très rares. "Le risque de myocardite pour une infection au Covid est bien plus élevé que celui lié au vaccin, donc le rapport bénéfice-risque de la vaccination anti-Covid dans un pays où le virus continue à circuler reste positif", estime Dariouch Dolatabadi. Une étude américaine publiée le 30 août par les CDC a ainsi mis en avant que les patients atteints du Covid-19 entre mars 2020 et janvier 2021 avaient en moyenne quasiment 16 fois plus de chances de développer une myocardite que ceux n’ayant pas contracté le virus.En France, 377 cas de myocardites ont été rapportés par l'ANSM pour le vaccin de Pfizer, pour la grande majorité résolutifs et non sévères, ainsi que 106 cas pour le vaccin de Moderna.Selon le dernier point de surveillance des autorités sanitaires françaises, publié le 14 octobre, 101.843 cas d'effets indésirables ont au total été recensés sur plus de 96 millions d'injections depuis le début de la vaccination en France, dont 75% sont non-graves. ( AFP / JACK GUEZ)L'amylose à transthyrétineLe Vyndaqel et le Vyndamax, tous deux produits par Pfizer, sont deux médicaments très similaires car ils contiennent la même molécule, le tafamadis, sous des formes différentes. Le Vyndamax a été développé par souci de commodité pour les patients, car sa formule permet aux malades de n'avoir à prendre qu'une seule gélule par jour, contre quatre pour ceux traités au Vyndaquel.Ces deux médicaments sont utilisés pour traiter l'amylose cardiaque à transthyrétine, une maladie causée soit par la mutation anormale d'une protéine, la transthyrétine, soit par l'accumulation de cette dernière dans plusieurs organes. "Notre foie produit une protéine qui s'appelle la transthyrétine et qui est normalement rapidement dégradée, de façon à ce qu'on l'élimine", a expliqué le 27 octobre à l'AFP Théo Pezel, cardiologue à l'hôpital Lariboisière. "L'amylose à transthyrétineexiste sous deux formes : la première est dite "sénile" car en vieillissant, on a tous une diminution de notre capacité à bien éliminer la transthyrétine et généralement, après 70 ans, il y a des dépôts de transthyrétine au niveau cardiaque, rénal et cérébral. Or, dans certains cas, ces dépôts vont s'accumuler et boucher le passage du sang au niveau rénal, au niveau cardiaque, en rigidifiant la paroi du muscle du cœur, qui aura donc plus de mal à se contracter pour pomper correctement le sang, et au niveau neurologique"."La deuxième forme, dite "héréditaire", est causée par une mutation dans le gène de la transthyrétine. Dans les deux cas, c'est une pathologie très grave, très invalidante, et multi-système pour laquelle il n'existait aucun traitement jusqu'à août 2018", a poursuivi le Théo Pezel.Lors d'une amylose cardiaque, le cœur du patient peut devenir jusqu'à deux ou trois fois plus épais, risquant de causer une insuffisance cardiaque. Selon une étude, l'espérance de vie moyenne des malades atteints d’amylose cardiaque à transthyrétine est de trois à cinq ans à compter du diagnostic.En 2019 le coordonnateur du centre de référence des amyloses cardiaques au CHU Henri Mondor, Thibaud Damy, estimait à 70.000 le nombre de malades atteints de cette pathologie en France, dont seuls 2.000 seraient diagnostiqués.Jusqu'en 2018, le traitement des formes les plus sévères d'amyloses héréditaires était une greffe hépatique qui devait fréquemment être associée à une greffe cardiaque. "L'Alzheimer du cœur"Mais en août 2018, une étude publiée dans le New England Journal of Medecine a montré une réduction de 30% de la mortalité chez les patients souffrant de cette maladie et une baisse de la fréquence des hospitalisations après 30 mois de traitement par tafamidis (Vyndaqel), molécule qui se révèle être un stabilisateur spécifique de la transthyrétine.En mois de trois mois, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a délivré une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour le médicament de Pfizer afin de permettre aux patients de pouvoir bénéficier de ce traitement avant que celui-ci n'obtienne une autorisation de mise sur le marché. En décembre 2018, la Haute autorité de Santé a également recommandé la prise en charge de ce traitement.VYNDAQEL® (tafamidis) Avis favorable au #remboursement dans l’#amylose à transthyrétine de type sauvage ou héréditaire chez les patients adultes avec une cardiomyopathie (ATTR-CM)https://t.co/A89YdDQOBa — Haute Autorité de santé (@HAS_sante) October 17, 2020 Mais ce médicament extrêmement coûteux, estimé à 5.000 euros par patient en France, a mis énormément de temps avant d'être remboursé par la sécurité sociale, à hauteur de 65%, depuis mai 2021. A l'échelle européenne, la molécule de Pfizer est le seul traitement à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché dans le cadre des amyloses TTR héréditaires et sauvages.Des médicaments ne se contentant pas de stabiliser la production de transthyrétine, mais pouvant même la bloquer, sont actuellement en phase d’essais cliniques, mais ils doivent encore démontrer leur efficacité pour espérer obtenir une autorisation de mise sur le marché, et concurrencer les traitements de Pfizer. En attendant, le monopole du Vyndaqel et du Vyndamax est justement ce qui explique leur forte progression, notent les cardiologues interrogés. "L'autre raison, c'est que cette maladie était jusqu'à il y a peu sous-diagnostiquée", analyse Théo Pezel. En effet, les symptômes de la maladie sont également ceux associés à la vieillesse comme la fatigue, l'essoufflement, ou bien des œdèmes dans les membres."On dit souvent que l'ATTR-CM est la maladie d'Alzheimer du cœur, car il y a dix ans, on pensait que c'était très rare, et les formes qu'on voyait chez les personnes âgées étaient attribuées à l'âge, comme on a pu croire, autrefois, que la maladie d'Alzheimer était une forme de sénilité causée par la vieillesse. La comparaison entre les deux maladies est même juste biologiquement puisque la maladie d'Alzheimer est aussi caractérisée par une accumulation anormale de protéines liée à un défaut de la capacité d'élimination, mais dans les neurones", note Théo Pezel.Heureusement, alors qu'il fallait réaliser une biopsie cardiaque, très contraignante, il y a dix ans pour diagnostiquer une amylose, de nombreux progrès ont été réalisés depuis. "Aujourd'hui, grâce aux techniques d'examen par imageries, non-invasives, le diagnostic de l'amylose à transthyrétine est beaucoup plus facile et a permis de mettre en avant l'importance du nombre de cas liés à cette pathologie et de prendre en charge plus rapidement les patients", poursuit le cardiologue.Il espère aujourd'hui que, comme la maladie d'Alzheimer devenue un problème de santé publique en quelques années, l'amylose à transthyrétine puisse être mieux connue afin d'être mieux traitée.
(fr)
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