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Soixante mille scientifiques auraient demandé "l'arrêt de la vaccination de masse" contre le Covid-19 dans la "Déclaration de Great Barrington", affirment plusieurs articles partagés dix mille fois depuis décembre 2021 sur Internet. Ce document, qui date d'octobre 2020, mettait en garde contre les "effets néfastes" de certaines mesures sanitaires mises en place pour lutter contre la pandémie, comme les confinements généralisés, mais n'appelait aucunement à arrêter la vaccination, au contraire, ont confirmé deux de ses auteurs auprès de l'AFP."60.000 scientifiques demandent l'arrêt de la vaccination de masse", alerte le titre d'un article publié début décembre 2021 sur le site "infodujour.fr", partagé depuis près de 10.000 fois selon l'outil de mesure de l'audience sur les réseaux sociaux Crowdtangle."La déclaration de Great Barrington (USA) contre les injections massives d'ARNm a récolté 870.000 signatures", précise encore l'article, qui a été repris par d'autres blogs (1, 2), et a été partagé sur Twitter et Facebook à d'autres milliers de reprises. Capture d'écran du site "infodujour.fr", prise le 04/02/2022 Capture d'écran Twitter, prise le 04/02/2022 Les mêmes allégations ont été relayées dans des articles de blogs en allemand. Cependant, cette déclaration date d'octobre 2020, avant même le début des campagnes de vaccination, et ne comporte nulle part de mention à un "arrêt de la vaccination de masse".Qu'est-ce que la "Déclaration de Great Barrington" ?La "Déclaration de Great Barrington" est un document présentant des recommandations sur la gestion du Covid-19, qui a été rendu public par ses trois auteurs et premiers signataires début octobre 2020, lors d'un événement à l'"American Institute for Economic Research" (Institut américain pour la recherche économique), un groupe de réflexion libertarien situé dans la ville américaine de Great Barrington, au Massachusetts, qui a notamment déjà minoré les effets du changement climatique dans de précédentes publications, selon CheckNews.Les trois professeurs à l'origine du document sont Martin Kulldorff, de l'école de médecine de l'université d'Harvard, Sunetra Gupta, épidémiologiste au département de zoologie de l'université d'Oxford et Jay Bhattacharya, du département de l'étude des politiques de santé de l'université de Stanford. Comme le relevait PolitiFact en octobre 2020, aucun de ces trois professeurs affiliés à des prestigieuses universités n'avaient alors publié d'articles de recherches liés au Covid-19.Dans leur déclaration, ils faisaient principalement part de leur inquiétude au sujet "des impacts physiques et mentaux causés par les politiques actuelles contre le Covid-19", comme l'indique l'introduction du document traduit en une quarantaine de langues, dont le français, sur un site dédié.Les trois professeurs recommandaient plutôt une approche appelée "protection focalisée", c'est-à-dire une protection visant les groupes de population plus à risque face au virus, tandis que des populations présentant moins de risques de développer des formes graves de la maladies, comme les jeunes en bonne santé, devraient continuer à mener leur vie comme avant l'arrivée du Covid-19.Ils se prononçaient notamment contre les confinements généralisés, et s'appuyaient sur l'idée d'une immunité collective, atteinte en laissant le virus circuler au sein de la population. L'efficacité et la pertinence de cette dernière étaient pourtant alors déjà remises en question par de nombreux scientifiques, et par le directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme le relatait cet article de l'AFP en octobre 2020.L'approche envisagée par les auteurs de la "Déclaration de Great Barrington" avait aussi fait l'objet de critiques d'autres scientifiques, dont l'immunologue Anthony Fauci, conseiller à la maison Blanche au sujet de la pandémie de Covid-19, qui l'avait qualifiée de "ridicule" et d'"absurde".Au 4 février 2022, la déclaration a recueilli, selon ses créateurs, 920.477 soutiens. Parmi les signataires, 62.000 personnes travailleraient dans le domaine médical. Ces chiffres, affichés sur le site de la déclaration, pourraient toutefois surestimer le nombre de personnes ayant réellement paraphé le document, le site indiquant que "tout le monde" peut signer via un formulaire en ligne, et que certains noms pourraient être des faux."Certains plaisantins ont ajouté de fausses signatures, comme le Dr Johnny Bananas, le Pr Spon'Ge'Bob SQ.UarePants (un jeu de mots avec le nom en anglais de Bob l'éponge, ndlr), le Dr Neal Ferguson, le Pr Ware Thamask et le Dr Person Fakename", indique le site, ajoutant néanmoins que de telles signatures falsifiées ne représentent qu'une très faible minorité, et sont exclues du décompte total des signatures.Pas de mentions des vaccins à ARNmDans la "Déclaration de Great Barrington", le terme "vaccins à ARNm" n'apparaît à aucun moment. La déclaration ne met pas non plus en garde contre les effets secondaires ou "les vaccinations de masse" et ne préconise à aucun moment l'arrêt des vaccinations. En effet, en octobre 2020, aucun vaccin Covid n'était encore disponible sur le marché. Les premières campagnes de vaccination en Europe n'ont commencé que plus de deux mois plus tard, fin décembre 2020.La déclaration préconise en fait même explicitement la vaccination, pour les groupes de population à risque. "Nous savons que toutes les populations vont finir par atteindre l'immunité collective, c'est-à-dire le point où le nombre de nouvelles infections est stable, et que ce processus peut s'accompagner (sans pour autant dépendre) de l'existence d’un vaccin", affirmaient les auteurs.La FAQ présente sur le site dédié à la déclaration précise également que "s'ils sont utilisés à bon escient, les vaccins contre le Covid-19 constituent un outil supplémentaire important pour la protection focalisée. L'essentiel est de vacciner les personnes âgées à haut risque ainsi que les personnes qui les soignent, comme le personnel des hôpitaux et des maisons de retraite". Les auteurs estiment cependant que "les personnes qui ont déjà eu le Covid-19 n'ont pas besoin d'être vaccinées". Capture d'écran de la FAQ du site de la déclaration, prise le 04/02/2022Deux auteurs de la déclaration démententInterrogés par l'AFP au sujet de l'affirmation selon laquelle la "Déclaration de Great Barrington" mentionnait une opposition à la vaccination de masse, deux de ses trois auteurs ont démenti l'information."La 'GBD' (pour 'Great Barrington Declaration', ndlr) ne s'est pas prononcée contre les vaccins", a précisé Sunetra Gupta dans un mail à l'AFP le 30 janvier 2022."Les trois principaux auteurs de la 'GBD' sont favorables à une vaccination anti-Covid mondiale. C'est un outil extrêmement important pour la protection focalisée des groupes de population les plus fragiles", a complété Jay Bhattacharya le même jour.Ces deux professeurs ont également publié des messages en faveur des vaccins contre le Covid-19 sur leurs comptes Twitter respectifs (ici, ici). Egalement interrogé à ce sujet, Martin Kulldorff n'a pour le moment pas répondu à la demande de l'AFP.La pandémie a fait officiellement au moins 5.698.322 morts dans le monde depuis fin décembre 2019, selon un bilan établi par l'AFP, arrêté le 4 février 2022. Nombre de morts liés au coronavirus officiellement annoncés par pays, au 4 février à 11H00 GMT ( AFP / Simon MALFATTO, Sabrina BLANCHARD)
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