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Une vidéo d'un cardiologue américain affirmant qu'il n'existe aucune "justification scientifique" de vacciner les moins de 50 ans et les patients guéris du Covid a été partagée plus de 20.000 fois sur Facebook depuis le 29 mars. Mais ces affirmations sont erronées, expliquent plusieurs experts à l'AFP."Il n'y a pas de justification scientifique pour les personnes de moins de 50 ans qui n'ont pas de problèmes de santé de se faire vacciner. Une des erreurs que j'entends aujourd'hui comme justifier la vaccination est la propagation asymptomatique. Je veux être très clair à ce sujet : mon opinion est qu'il existe un faible degré, sinon aucun, de propagation asymptomatique. Une personne malade le transmet à une personne malade. Les Chinois ont publié une étude dans le British Medical Journal. 11 millions de personnes. Ils ont essayé de trouver une propagation asymptomatique. Ils n'ont pas trouvé", affirme dans la vidéo virale le Dr Peter A. McCullough. Capture d'écran Facebook prise le 06/04/2021"Les personnes qui développent le Covid obtiennent une immunité complète et durable (…). Vous ne pouvez pas battre l'immunité naturelle. Vous ne pouvez pas vacciner par dessus et la renforcer. Il n'existe aucune justification scientifique ou clinique pour vacciner un patient guéri", ajoute le cardiologue, dans un extrait de son audition le 10 mars 2021 devant des membres de la commission Santé du Sénat du Texas.Dans une vidéo en français, l'ancien présentateur TV Richard Boutry, déjà épinglé pour la diffusion de fausses informations, reprend la première partie de l'argumentaire du cardiologue, présentant ses affirmations comme des "révélations fracassantes". Capture d'écran Facebook prise le 06/04/2021Pour autant, les trois affirmations du médecin américain sont fausses.1) "Il n’y a pas de justification scientifique pour les personnes de moins de 50 ans qui n'ont pas de problèmes de santé de se faire vacciner." FAUX"La vaccination est trop souvent prise comme un objectif individuel. Or cette vaccination a un objectif collectif, qui est de réduire la transmission du virus par le fait qu'un immunisé ne transmet plus ou beaucoup moins. Et là, pour le coup, si on s'arrête aux plus de 50 ans, on a moins de 50% de la population qui sera immunisé, et dans ces conditions ça ne freinera jamais la circulation du virus", explique Bruno Lina, professeur de virologie et membre du conseil scientifique, interrogé le 7 avril par l'AFP."Les vaccins participent au stoppage de la transmission, les personnes vaccinées rentrent beaucoup moins dans les chaînes de transmission", affirme Bruno Lina. "Il n'y a pas d'efficacité vaccinale de 100% mais les échecs vaccinaux [les personnes contractant le Covid malgré la vaccination] et c'est ce que l'on documente un peu partout, sont associés à des formes cliniques très modérées. La quantité de virus présente chez une personne vaccinée [ayant contracté le Covid] par rapport à une personne non vaccinée est 16 fois moins importante, donc c'est pour ça aussi que la transmission se fait moins à partir des vaccinés."Par ailleurs, "on observe des formes graves dans toutes les tranches d'âge, même si c'est plus fréquent chez les plus âgés", pointe Bruno Lina, qui souligne que la moyenne d'âge a reculé dans les services de réanimation depuis le début de la campagne de vaccination. Une enseignante reçoit une dose du vaccin AstraZeneca à Milan (Italie), le 9 mars 2021 (Miguel Medina / AFP)"Il est évident que les personnes de moins de 50 ans qui sont en bonne santé doivent se faire vacciner", abonde le Pr Olivier Schwartz, responsable de l'unité Virus et immunité à l'Institut Pasteur, interrogé le 7 avril."D'abord parce qu'elles peuvent être malades elles-mêmes, même si l'infection peut être moins grave que chez des personnes plus âgées. Mais on voit avec les variants des cas plus graves chez des personnes plus jeunes, même si c'est moins fréquent. Par ailleurs, il y a une réduction du nombre de personnes qui, grâce aux vaccins, font des formes graves et chez les personnes contaminées [malgré la vaccination], la quantité de matériel viral est plus faible, donc ils sont probablement moins contagieux", avance-t-il lui aussi.2) Une étude chinoise sur 11 millions de personnes démontre-t-elle que les asymptomatiques ne contaminent personne ? FAUXL'AFP avait consacré en janvier un article de vérification à cette affirmation, alors relayée par le site France-Soir, régulièrement épinglé (1,2,3) pour la diffusion de fausses informations.En réalité, comme l'ont clarifié eux-mêmes les auteurs de cette étude portant sur les habitants de Wuhan au printemps 2020, les résultats – qui portent sur 300 personnes identifiées comme porteuses asymptomatiques, et non sur "11 millions de personnes" – ne sont pas généralisables et, surtout, "ne montrent pas que le virus ne peut pas être transmis par les porteurs asymptomatiques".L'un des auteurs de l'étude, Fujian Song, a confirmé dans un mail à l'AFP le 6 janvier 2021 qu'il est "trompeur/incorrect/erroné de conclure que tous les asymptomatiques infectés par le Covid-19 ne sont pas infectieux, sur la base des résultats" de l'étude.Fujian Song a par ailleurs précisé dans un communiqué relayé dans la revue scientifique BMJ qu'il existe "de nombreuses preuves montrant que les personnes infectées par le Covid-19 peuvent être temporairement asymptomatiques et contagieuses avant de développer des symptômes". (lire notre article complet du 05/01/2021 : Non, cette étude chinoise ne démontre pas que les asymptomatiques ne contaminent personne) Des habitants de Wuhan (Chine) masqués, le 10 janvier 2021 (Nicolas Asfouri / AFP)La capacité des personnes sans symptômes à transmettre le virus est une question cruciale depuis le début de la pandémie et plusieurs études se sont penchées sur le sujet. Le sujet est complexe, ne serait-ce que parce qu'il est très difficile de remonter avec certitude les chaînes de contamination et de savoir comment on a été contaminé.Pour l'heure, les scientifiques considèrent en général qu'elles transmettent bien le Sars-Cov-2, vraisemblablement moins que les symptomatiques, mais sans que l'on sache dans quelle mesure."Les personnes asymptomatiques ont souvent des quantités de virus qui sont plus faibles. Donc de fait, les personnes asymptomatiques sont moins contagieuses – d'autant que la contagion est aussi assurée par les éternuements, la toux, etc. Mais comme ce virus est très transmissible, et notamment avec son variant britannique, il peut y avoir de la transmission à partir d'asymptomatiques, et il semble que ce soit un peu comme ça que les transmissions sont observées dans les écoles", résume le Pr Bruno Lina."Les personnes pré-symptomatiques sont capables de transmettre l'infection, probablement moins efficacement que les symptomatiques, parce que la quantité de virus est peut-être plus faible, mais il y a plusieurs études qui disent que plus de 40% des infections ont lieu pendant la phase pré-symptomatique", complète le Pr Olivier Schwartz. 3) "Les personnes qui développent le Covid obtiennent une immunité complète et durable. Il n'existe aucune justification scientifique pour vacciner un patient guéri." FAUXLes personnes ayant fait contracté le Covid – y compris celles ayant fait une forme grave et ayant "plus d'anticorps" – ont intérêt à se faire vacciner, juge le Pr Olivier Schwartz, "car le taux d'anticorps décroît chez toutes les personnes, donc au bout d'un moment on sera à un taux d'anticorps bas, qui va diminuer probalement la protection"."De plus, chez des personnes vaccinées, réaugmenter le taux d'anticorps – donc faire un rappel par un vaccin – c'est important, en particulier contre les variants, qui ont besoin de plus d'anticorps pour être neutralisés", ajoute le Pr Schwartz."On a le sentiment aujourd'hui que le vaccin induit une meilleure immunité que certaines infections naturelles", juge de son côté le Pr Lina. "Quand on regarde les personnes qui font des formes peu symptomatiques, on observe chez ces personnes-là une perte rapide du titre d'anticorps, et donc un potentiel de réinfection plus rapide que celle qu'on observe avec la vaccination.""La vaccination à double dose est probablement capable de donner une immunité de meilleure qualité qu'une infection qui aurait été peu symptomatique. Par ailleurs, chez une personne qui a été infectée de manière peu symptomatique, lorsqu'on fait une dose de vaccin chez ces personnes-là, on observe une élévation très significative du titre d'anticorps, qui est en moyenne supérieure à ce que l'on observe chez une personne qui ont fait des formes graves et qui ont développé des taux d'anticorps extrêmement élevés", conclut Bruno Lina.
(fr)
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