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Selon plusieurs publications partagées sur les réseaux sociaux, transfuser du sang d'une personne vaccinée avec un vaccin à ARN messager vers un receveur non-vacciné serait dangereux car ce dernier recevrait de dangereuses protéines, "étude" scientifique à l'appui. Mais c'est faux, expliquent les experts interrogés par l'AFP, qui soulignent qu'un tel risque est infondé et que "l'étude" citée est "sans lien avec le don de sang". "Ils ont osé : la Croix-Rouge américaine surprise en train de mélanger du sang de vacciné avec du sang de non vacciné…", titrent des articles des blogs Cogiito, Mirastnews ou encore Anna-bella publiés fin septembre et traduits de l'anglais. Plus loin, l'auteur explique, étude à l'appui, que "la raison pour laquelle cela est hautement problématique est que le sang vacciné est du sang contaminé, ce qui signifie que le receveur recevra toutes les protéines de pointe et autres toxines produites par les vaccins chez la personne qui les a reçus." Il conclut : "La Croix-Rouge empoisonne le corps de personnes déjà malades qui ont désespérément besoin d'un sang propre et sain".Ces messages ont également commencé à circuler sur Facebook et Twitter, après la publication d'un message par la Croix Rouge le 14 septembre expliquant en anglais ne pas "indiquer sur les poches de sang si elles contiennent le sang de personne vaccinée ou non, car le vaccin contre le Covid ne passe pas par la circulation sanguine et ne présente aucun risque pour le receveur". We don't label blood products as containing vaccinated or unvaccinated blood as the COVID-19 vaccine does not enter the bloodstream & poses no safety risks to the recipient. If you have safety concerns about potential blood transfusions, please speak with your medical care team. — American Red Cross #HurricaneIan (@RedCross) September 14, 2022 Pas de distinction pour les vaccins autorisésInterrogée le 8 octobre, la Croix rouge américaine a réaffirmé auprès de l'AFP ne faire en effet aucune distinction, lors de la transfusion aux receveurs, entre donneurs vaccinés ou non vaccinés contre le Covid-19, en précisant que la FDA, l'agence américaine du médicament, ne le requiert pas.La Croix rouge américaine précise sur son site que l'on peut donner son sang après avoir été vacciné contre le Covid. Il n'y a pas de délai particulier à observer après une vaccination anti-Covid avec un vaccin homologué.En revanche, le donneur doit fournir le nom du fabricant et le type de vaccin utilisé pour s'assurer qu'il s'agit bien d'un vaccin homologué aux Etats-Unis, est-il précisé. Capture d'écran prise le 14 octobre 2022 sur le site de la Croix RougeEn France, c'est l'Etablissement français du sang (EFS), qui gère les dons du sang.Sa directrice médicale, Pascale Richard, a expliqué à l'AFP le 7 octobre qu'il n'existe pas non plus de distinction entre les dons de sang de personnes vaccinées contre le Covid-19 et non vaccinées. Le statut vaccinal du donneur n'est d'ailleurs même pas demandé en France.Il n'y a pas de délai à respecter après une vaccination avec les vaccins autorisés sur le marché français. "Il n'y a que dans les cas de vaccination en dehors de l'UE ou dans le cadre d'un essai vaccinal qu'il faudra respecter un délai de 28 jours avant de donner son sang", précisait déjà l'organisme en 2021.Bonjour, il n’y a que dans les cas de vaccination en dehors de l'UE ou dans le cadre d’un essai vaccinal qu’il faudra attendre 28 jours avant de donner. Comme les vaccins contre la Covid19, beaucoup d’autres vaccins n’exposent pas à des contre-indications (ex : grippe ou tétanos) — Établissement français du sang (@EFS_dondesang) July 26, 2021 "Aucune transmission de protéine virale post-vaccination par transfusion sanguine"Contrairement à ce qui est avancé dans l'article, "les dons de sang provenant de personnes vaccinées contre le Covid-19 sont sûrs pour la transfusion", a affirmé la Croix Rouge américaine à l'AFP le 8 octobre. "Comme d'autres vaccins tels que ceux contre la rougeole, les oreillons ou la grippe, la vaccination contre le Covid est conçue pour générer une réponse immunitaire afin d'aider à protéger une personne contre la maladie, mais les composants du vaccin eux-mêmes ne se trouvent pas dans la circulation sanguine", a-t-elle encore assuré. La protéine de pointe (ou "Spike" en anglais), située à la surface du Sars-CoV-2, est celle qui lui permet de s'arrimer aux cellules humaines et d'y pénétrer pour l'infecter. Les vaccins à ARN messager visent à faire produire au corps humain cette protéine - qui isolément est inoffensive - pour déclencher une réponse immunitaire. Présentation de la technologie des vaccins à ARN messager ( JOHN SAEKI, LAURENCE CHU / AFP)Ainsi, l'organisme est "entraîné" à combattre efficacement et immédiatement le Sars-Cov-2 s'il venait à être réellement infecté."Le principe même de la vaccination à ARN messager est de faire exprimer la protéine Spike pour immuniser mais il n'y aucune transmission de protéine virale post-vaccination par transfusion sanguine", a expliqué à l'AFP le 6 octobre le professeur d'hématologie à l'hôpital Georges Pompidou David Smadja."L'ARN injecté n'a qu'une durée de vie que de quelques heures au plus dans l'organisme vacciné, et les fragments protéines virales dont il permet la synthèse, possédant eux aussi une durée de vie très courte, de l'ordre de quelques heures au plus, ne sont plus produits lorsque tout l'ARN a lui-même disparu", a abondé le 12 octobre à l'AFP Frédéric Altare, directeur de recherche à l'Inserm.En conséquence, les personnes vaccinées "n'ont gardé comme 'souvenir' biologique de leur vaccination que le fait que leurs propres cellules immunitaires ont appris à reconnaître les antigènes du virus, et donc le virus si elle le re-croisent un jour, mais aucune trace ni du vaccin ni de ce qu'il contenait n'est plus présente dans les jours qui suivent la vaccination et ne peuvent donc aucunement être transmises à des tiers lors d'une transfusion sanguine", a poursuivi l'immunologue. La FDA, interrogée en juillet 2021 par l'Association américaine des banques du sang sur cette question, a expliqué qu'à "l'heure actuelle, il n'y a aucune preuve suggérant que la transfusion de sang de ceux qui ont reçu le vaccin COVID-19 est associée à un risque accru d'événements indésirables chez les receveurs" . En France, le Haut Conseil de la santé publique a recommandé en février 2021, "qu'aucune exclusion, même très provisoire, ne soit effectuée pour un don de sang" venant de personnes vaccinées contre le Covid-19."Ces vaccins, bien que nouveaux à la fois de par leur mode d'action et leur mise très récente sur le marché, ne peuvent être susceptibles de contenir un quelconque élément potentiellement dangereux pour un receveur de produits du corps humain provenant d'un donneur récemment vacciné", concluait cette instance dans un avis de 18 pages dédié à cette question.Une étude "limitée et sans lien avec le don de sang"Pour affirmer qu'une transfusion sanguine entre vaccinés et non-vaccinés serait risquée, l'article cite une étude (archivée ici) publiée en anglais le 22 septembre 2022 dans la revue Vaccine et intitulée "événements indésirables graves présentant un intérêt particulier après la vaccination par ARNm contre le COVID-19 lors d'essais randomisés chez l'adulte". Capture d'écran prise le 14/10/2022Mais "l'étude citée dans l'article consiste en une liste d'effets secondaires [de la vaccination anti-Covid par ARN messager, NDLR] qui ne sont en aucun cas liés à une circulation de protéine virale, donc il n'y a pas de lien avec de supposés effets secondaires lors de transfusions sanguines", a estimé le Dr Smadja après avoir lu cette étude pour l'AFP. "Cette étude et limitée et n'a aucun lien avec le don du sang. Elle évoque des effets secondaires rares associés aux vaccins: les allergies, les problèmes relatifs à la thrombose ou des problèmes cardiaques que l'on connaît déjà. Si quelqu'un présente ces signes il est de toute façon 'ajourné' des dons du sang puisqu'il ne faut avoir aucun symptôme pour donner son sang. Si les symptômes apparaissent après le prélèvement, le donneur doit également le signaler et les échantillons concernés sont détruits", a abondé Pascale Richard, qui a également lu l'étude en question."Les auteurs ont agrégé les données de deux études qui correspondent à deux vaccins différents utilisés dans des populations d'études qui sont différentes à savoir pour Pfizer des personnes saines et chez Moderna des personnes à risque de développer le Covid et qui ne peuvent pas pour ces raisons être comparées. Il y a une page entière sur les limites de leur étude comme disent les auteurs elle-même", a pointé la directrice médicale de l'EFS.L'AFP a déjà vérifié plus de 800 affirmations sur le Covid-19.
(fr)
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