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  • 2021-02-26 (xsd:date)
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  • Non, l'ambassadeur italien en RDC n'a pas été tué après avoir visité un "site minier" (fr)
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  • Des internautes prétendent, photo à l'appui, que l'ambassadeur italien en République démocratique du Congo (RDC), tué lundi 22 février dans une attaque dans l'Est du pays, ne se trouvait pas dans la région pour accompagner une "mission humanitaire" mais pour "visiter des sites miniers". C'est faux: le diplomate a bel et bien visité avant sa mort un projet du Programme alimentaire mondial (PAM), comme l'ont confirmé plusieurs sources à l'AFP. La photo, quant à elle, n’a pas été prise dans une mine, mais dans une localité située près du village où le programme du PAM est mis en œuvre. Plusieurs enquêtes sont en cours pour déterminer les motivations et l'identité des attaquants.Deux hommes blancs traversent un fossé où coule une eau boueuse, à l’aide d’une planche en bois visiblement peu stable. Sous leurs pieds, la terre rouge semble meuble. Un jeune garçon noir précède les deux visiteurs, qui portent des baskets et des tee-shirts. Derrière, une dizaine de personnes regardent dans leur direction, près d’un bâtiment couvert par une toiture en tôles.Pour de nombreux internautes congolais, cette photo, où l’on reconnaît l'ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo (RDC) Luca Attanasio, tué par balles le 22 février lors d’une embuscade tendue dans l'Est du pays, prouve qu'il ne se trouvait pas dans la région pour accompagner une "mission humanitaire", mais  pour visiter des "sites miniers". D'autres utilisateurs prétendent même, en relayant toujours la même photo, que l'ambassadeur était un "exploitant minier de longue date" et effectuait un déplacement "à l’insu de tous" dans une exploitation minière lorsqu'il a été pris pour cible, raison pour laquelle il ne se serait pas signalé "aux autorités compétentes".  Captures d'une publication Facebook, réalisées le 26 février 2021Ces publications cumulent plus de 1.500 partages sur Facebook depuis le jour où s’est produite l’embuscade (1, 2, 3, 4, 5…). La photo virale circule aussi sur Whatsapp : certaines publications Facebook sont en réalité des captures d'écran de cette application de messagerie.Embuscade dans le Nord-KivuCes messages sont en réalité mensongers: Luca Attanasio a bel et bien été tué alors qu’il accompagnait un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM), un organisme d’aide alimentaire dépendant de l’ONU, dans la province du Nord-Kivu (est), près de la frontière avec le Rwanda.Lors de cette embuscade, le garde du corps italien de l’ambassadeur, le carabinier Vittorio Iacovacci, ainsi qu’un chauffeur congolais du PAM, Mustafa Baguma Milambo, ont également été tués. Le premier était âgé de 30 ans, et le second avait 56 ans.Selon la présidence congolaise, le convoi du PAM dans lequel se trouvait l'ambassadeur a été attaqué à trois kilomètres de sa destination, la commune de Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru, dans l'Est de la RDC, où l'ambassadeur devait visiter un programme humanitaire établi dans une école."Les assaillants, au nombre de six, munis de cinq armes de type AK-47 ainsi que d'une machette" ont alors fait irruption, et ont obligé "les occupants des véhicules à descendre et à les suivre", a détaillé la présidence dans un communiqué publié quelques heures après le drame.Alertés, des rangers et des militaires congolais présents dans les environs se sont mis à la poursuite des assaillants. "À 500 mètres (du lieu de l'attaque), les ravisseurs ont tiré à bout portant sur le garde du corps (italien), décédé sur place, et sur l'ambassadeur, le blessant à l'abdomen", explique le communiqué. Des soldats des Nations Unies (Onu) récupèrent les corps de l'ambassadeur italien en RDC, son garde du corps et son chauffeur aux abords du parc national de Virunga, près du village de Kibumba, à 25 kilomètres de Goma, où ils ont été tués lors d'une attaque le 22 février 2021 (AFP / Alexis Huguet)La reconstruction des événements présentée par le chef de la diplomatie italienne Luigi Di Maio correspond pour l'essentiel à celle des autorités congolaises, l'Italien ajoutant un détail, à savoir que des objets ont été jetés devant les deux véhicules pour les obliger à s'arrêter.Pont casséSelon un proche de Luca Attanasio, la photo relayée sur Facebook et Whatsapp, où l'on voit l'ambassadeur traverser un fossé à quelques mètres de son garde-du-corps, n'a pas été prise le jour de l'attaque, mais deux jours auparavant, dans le "village de Kasheke", sur la route Goma (Nord-Kivu) - Kalehe (Sud-Kivu).L'ambassadeur de l'Union européenne en RDC Jean-Marc Châtaigner a publié un texte sur LinkedIn et sur Twitter pour démentir les "fake news" présentes sur les réseaux sociaux, en assurant que le déplacement de l'ambassadeur italien n’avait rien à voir avec "des intérêts miniers"."L’objet de sa mission était en fait double: rencontre consulaire de ressortissants italiens vivant à Goma et visite de projets de terrain du Programme Alimentaire Mondial #PAM (nutrition, cantines scolaires). Il est tout à fait normal pour un ambassadeur de visiter des projets du PAM", a-t-il insisté.  Capture d'écran d'une publication LinkedIn, réalisée le 26 février 2021En réponse à son tweet, une chargée de programme du PAM, Valériane Ndena, a confirmé que la photo virale avait été prise sur la "route Kasheke-Minova" (est), lors de la traversée d'un cours d'eau qui empêchait la bonne circulation des véhicules. Sollicitée sur Twitter, elle n'a pas répondu aux questions de l'AFP. Capture d'écran d'un tweet, réalisée le 26 février 2021Un journaliste du site de vérification CongoCheck s’est par ailleurs rendu sur place et a pu prendre plusieurs photos, qui prouvent que les images virales n'ont pas été prises dans une mine. Sur ces photos, on reconnaît clairement le cours d'eau, la planche dressée au-dessus le fossé et le bâtiment au toit de tôles."L'ambassadeur" est bien "passé" dans cette localité, "dans le cadre de l’évaluation des activités du PAM", a confirmé un enseignant du village, interrogé par CongoCheck.L'AFP n'a pas été en mesure de confirmer indépendamment le lieu exact où a été prise cette photo, ainsi que l'identité de son auteur. Diplomate de carrièreContrairement à ce qu’affirment les internautes qui partagent la fausse information sur Facebook et Whatsapp, il n'existe par ailleurs aucune preuve que l'ambassadeur italien ait eu un quelconque lien avec le secteur minier, en République démocratique du Congo ou bien ailleurs.Depuis qu'il a obtenu son diplôme en 2001 à l'université Bocconi de Milan, Luca Attanasio n'a pas travaillé dans ce secteur, comme le détaille sa fiche personnelle sur le site de l'ambassade italienne à Kinshasa.Après ce diplôme et "un bref parcours comme consultant pour les entreprises et un master en politique internationale, il entre dans la diplomatie en 2003", détaille cette fiche. Il a ensuite travaillé à Rome, Berne, Casablanca, Abuja et depuis septembre 2017 à Kinshasa, d'abord comme chef de mission puis à partir de 2019 comme ambassadeur.  Capture d'écran du site de l'ambassade d'Italie à Kinshasa (RDC), réalisée le 26 février 2021"A ma connaissance, [Luca Attanasio] n'a eu aucune activité minière", a confirmé à l'AFP Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de l'UE à Kinshasa et ami du diplomate italien. "Il était un diplomate de carrière, tout à fait classique".Pas d'entreprise minière italienne en RDCSelon l’ambassadeur, l'Italie n'a par ailleurs "pas spécialement de compagnie minière ou d'intérêts dans le secteur minier" en RDC. "Même dans les pays voisins, il n'existe pas de grosses entreprises italiennes qui pourraient être intéressées", a ajouté M. Châtaigner.Selon une fiche du ministère de l'Economie français, les principales entreprises minières présentes en RDC sont sud-africaines, chinoises, canadiennes, suisses et bien sûr, congolaises - mais pas italiennes.Comme le précise cette note, la chambre des mines de RDC n'a toutefois pas actualisé ces statistiques depuis 2017. Mais aucune entreprise opérant dans le secteur minier ne figure dans la liste des entreprises italiennes présentes dans le pays recensées sur le site de l'ambassade d'Italie. Un enlèvement qui a mal tourné ?La mort de Luca Attanasio, dont les circonstances restent encore floues, a fait l'objet de multiples rumeurs ces derniers jours en RDC. Le 23 février, soit le lendemain du drame, un faux communiqué attribué au ministère des Affaires étrangères italien, menaçant le président Félix Tshisekedi de poursuites "devant les instances internationales", a ainsi été relayé par des internautes.La principale question encore ouverte porte sur les auteurs et les motivations de l'embuscade. Les autorités congolaises ont accusé le 22 février les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), installées dans l'est de la RDC, d'en être responsables. Mais dans un communiqué envoyé le lendemain à l'AFP, les rebelles des FDLR ont nié être impliqués, en demandant "aux autorités congolaises et à la Monusco (Mission de l'ONU en RDC) de faire toute la lumière sur les responsabilités de cet ignoble assassinat au lieu de recourir à des accusations hâtives".Quant au mobile des meurtriers, tout laisse penser qu'il s’agissait d'"une tentative d'enlèvement qui a mal tourné", selon des sources occidentales à Kinshasa. "La route était considérée comme sécurisée et ne nécessitait pas une escorte militaire", a expliqué un diplomate européen. Le convoi du PAM avec lequel il circulait était constitué de deux véhicules Toyota Land Cruiser 4x4, qui n'étaient pas blindés, selon ce diplomate. Des soldats des Nations Unies et de l'armée congolaise  récupèrent les corps de l'ambassadeur italien en RDC, son garde du corps et son chauffeur aux abords du parc national de Virunga, près du village de Kibumba, à 25 kilomètres de Goma, où ils ont été tués lors d'une attaque le 22 février 2021(AFP / Alexis Huguet)Une autre source diplomatique évoque "un enlèvement ciblé qui aurait mal tourné". "Des kidnappeurs informés de la présence et du voyage de l'ambassadeur, ont voulu saisir cette opportunité pour se faire de l'argent" avec une demande de rançon, a avancé cette source. Les circonstances de la fusillade devront être éclaircies par les enquêtes du PAM et de l'ONU à qui le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio, a demandé "le plus rapidement possible, des réponses claires et exhaustives". Le parquet de Rome a ouvert de son côté une enquête pour "séquestration de personnes à des fins terroristes", selon la presse italienne. Dans un entretien au quotidien italien Il Messaggero, Zakia Seddiki, veuve de l'ambassadeur, a évoqué vendredi "la trahison" d'un proche qui connaissait les faits et gestes du diplomate. "Quelqu'un qui connaissait ses déplacements a parlé, l'a vendu et l'a trahi", a-t-elle ajouté, sans plus de précisions.Les funérailles d'Etat de Luca Attanasio et de Vittorio Iacovacci, son garde du corps, se sont déroulées le 25 février à Rome, en présence du chef du gouvernement italien Mario Draghi, des présidents du Sénat et de la Chambre des députés. Plusieurs ministres ont également assisté à la cérémonie présidée par le cardinal Angelo De Donatis. Des officiers de police italiens portent les cercueils drapés des couleurs italiennes de l'ambassadeur italien en République démocratique du Congo Luca Attanasio (gauche) et de son garde du corps Vittorio Iacovacci (droite) dans la basilique Sainte-Marie- Des-Anges-et-Des-Martyrs, à Rome, lors de leurs funérailles d'Etat(AFP / Vincenzo Pinto)Passionné par le continent africain, Luca Attanasio est le premier ambassadeur italien tué dans l'exercice de ses fonctions. Un autre ambassadeur italien, Daniele Occhipinti, avait été tué en 1990 à Abidjan, mais ce meurtre s'était produit au cours d'un dîner dans un restaurant et non pas pendant une mission officielle.M. Attanasio est par ailleurs le deuxième ambassadeur européen en fonction tué par balles en RDC, après le décès en 1993 du Francais Philippe Bernard, lors d'émeutes qui avaient conduit à des pillages à Kinshasa.Tensions autour du secteur minier congolaisL'est de la RDC est déstabilisé depuis près de trois décennies par la présence de dizaines de groupes armés locaux et étrangers, qui affirment défendre leur communauté mais se disputent souvent les ressources d'une région riche en minerais et en bois.Le RDC est le premier producteur mondial de cobalt et son sous-sol contient de nombreux autres minerais (cuivre, or, coltan, cassitérite...). Leur exploitation industrielle passe par des contrats de joint-venture entre la société publique Gécamines et une quinzaine d'entreprises étrangères.En juin 2020, le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé "des efforts soutenus" pour empêcher l'exploitation et le commerce illicite des ressources naturelles de la République démocratique du Congo, alors que l'or notamment alimente des tensions entre les groupes armés, qui se financent via son exploitation. Un chercheur d'or artisanal congolais dans une mine de la région de Togo-Kazaroho, le 11 juillet 2018, en Ituri (AFP / John Wessels)C'est ce contexte qui pourrait justifier, selon l'ambassadeur de l'Union européenne Jean-Marc Châtaigner, l'émergence de la fake news sur les raisons de la présence de Luca Attanasio dans la région, qui "renvoie à l'imagerie de la guerre dans l'est du Congo, de l'exploitation illégale des ressources".Le diplomate souligne que "l'idée que l'Union européenne exploite les mines de l'est du Congo à son bénéfice" est une rhétorique populiste récurrente dans le pays.Le 1er janvier 2021, un nouveau règlement européen relatif  aux minerais provenant de zones de conflit est d'ailleurs entré en vigueur pour "endiguer le commerce de quatre minerais - l’étain, le tantale, le tungstène et l’or [trois minerais que l'on trouve dans le sous-sol de RDC] - dont l’exploitation finance parfois des conflits armés ou passe par le travail forcé". Depuis cette date, les 6.000 à 10.000 importateurs européens de ces minerais doivent "contrôler leur approvisionnement pour s’assurer que ce qu’ils achètent n’a pas été produit de manière à financer des conflits ou d’autres activités illégales connexes". (fr)
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