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Des publications virales sur les réseaux sociaux montrent des taux de saturation en oxygène mesurés chez des enfants ayant porté un masque, certaines pour alerter sur un potentiel manque d'oxygène, d'autres allant jusqu'à parler de risque hypoxie. Mais les experts interrogés par l'AFP écartent ce risque et mettent en garde contre les interprétations hâtives de ces tests."Parents, achetez un oxymètre en pharmacie. Beaucoup de vos enfants sont en fait en hypoxie grave", peut-on lire dans plusieurs publications sur Facebook.Les masques de protection ont déjà été accusés de provoquer une hypoxie chez ceux qui les portent. Des affirmations réfutées par plusieurs médecins et chercheurs interrogés par l'AFP. "L’hypoxie est le terme médical pour dire qu’on a un manque d’apport de sang au niveau des tissus", explique Madiha Ellaffi, pneumologue-allergologue spécialisée en troubles respiratoires du sommeil de l'enfant et de l'adulte. Un symptôme à ne pas confondre avec "l'hypoxémie (qui) veut dire que c’est dans le sang qu’on manque d’oxygène. C’est le reflet d’une maladie qui empêche l’oxygène d’arriver dans le sang", précise-t-elle."Au niveau de la mer, ou à Paris ou à Grenoble, on est tous à peu près à 98% d'hémoglobine chargée en oxygène, c'est la valeur normale", détaille Samuel Vergès, directeur de recherche à l’Inserm et à l’université Grenoble-Alpes. Un phénomène d'"hypoxie" peut d'ailleurs intervenir dans des conditions naturelles, en altitude par exemple : "quand on monte dans une station de ski à 2000 mètres d'altitude on ne va être plus qu à 95, 92% de saturation en oxygène. On fait des recherches dans la ville la plus haute du monde au Pérou, à 5.300 mètres d'altitude. Quand on monte là-haut, et tous les habitants, sont à 80% de saturation en oxygène. Et on en revient en bonne santé", poursuit-il. Dans des conditions classiques, la saturation en oxygène "normale" peut varier d'un individu à l'autre, par exemple si celui-ci est un fumeur. Mais l'on considère que "l’hypoxie apparait en dessous de 90-92%" de saturation en oxygène, explique Pierre Parneix, responsable au Centre d’appui pour la Prévention des Infections Associées aux Soins de Nouvelle AquitaineLes masques de protection, devenus omniprésent au quotidien en France, ont été rendus obligatoires pour les élèves dès le CP, soit à environ 6 ans, depuis novembre 2020. Auparavant, les élèves au collège et lycée étaient les seuls concernés. Est-ce que ces masques peuvent amener pour autant à des situations d'hypoxie ? Non, selon Madiha Ellaffi."Les particules d’oxygène sont extrêmement fines, donc elles passent au travers, et on en a largement assez dans l’air, à partir du moment où on est en bonne santé, pour pouvoir prendre l’oxygène dont on a besoin, masque ou pas masque. D’ailleurs, les chirurgiens qui portent les masques une douzaine d’heures pour une opération ne sont pas morts d’hypoxie", affirme-t-elle."On se rend bien compte qu’on respire moins bien avec un masque car on a un écran sur le nez et et bouche. C’est normal qu’on absorbe moins d’oxygène. Mais les enfants ont une capacité d'absorption de l’oxygène qui est supérieure", avance Béatrice Mongardon, pharmacienne hygiéniste au groupe hospitalier Sélestat-Obernai."Chez un enfant, chez quelqu'un qui n'a pas de problème de santé, mettre un masque n'a pas d'impact majeur sur les échanges gazeux. Si ça devait arriver, et que le masque gênait vraiment la respiration vous le sentiriez tout de suite", explique Samuel Vergès, également interrogé par nos confrères de 20 minutes. "Un enfant en hypoxie est un enfant qui bleuit : il a les lèvres et les doigts bleus. C’est un enfant qui va être gêné pour respirer", poursuit Madiha Ellaffi.Les oxymètres Sur Twitter et Facebook, plusieurs parents partagent des photos de mesures de saturation en oxygène prises chez leurs enfants, "avant" et "après" avoir retiré un masque de protection, en utilisant des oxymètres achetés en pharmacie. Certaines mesures affichent des saturations en oxygène autour de 80%. L'une de celle qui a été le plus partagée montre une saturation en oxygène à 75%. Capture d'écran Twitter, prise le 11 mars 2021Comment fonctionnent ces oxymètres ? "C’est une mesure optique, c'est-à-dire que c’est une lumière qui traverse le doigt de part en part et qui réagit différemment si l’hémoglobine, transporteur de l'oxygène, est justement chargée ou pas en oxygène", explique Samuel Vergès. "Elle donne le pourcentage d'hémoglobine dans le doigt qui est chargée en oxygène". "Lorsqu'on fait des mesures dehors (...) ou que quelqu'un a des mains un petit peu froides de nature, ça veut dire que les doigts voit être moins bien perfusés. Sur un doigt ou le sang circule mal parce qu'on a les mains froides ou autre, on va mesurer des saturations artérielles anormalement basses", explique-t-il, faisant valoir que la respiration peut aussi affecter la mesure. "Ce n'est pas une mesure anodine que l'on prend comme ça à la volée". Selon lui, "avoir un masque, homologué, et être à 75%, ce n'est pas possible. Parce que ça voudrait dire que tous les médecins qui utilisent le masque et moi le premier, se retrouveraient à 75% de saturation, et autant dire qu'on le sentirait. On aurait du mal à respirer", fait-il valoir. Un constat partagé par Pierre Parneix : "l'hypoxie apparait en dessous de 90-92% donc 75% est un chiffre extrêmement bas qui s’associerait forcément à des signes cliniques d’essoufflement et de cyanose". Contacté par l'AFP, le fabricant de l'appareil à l'image, de la marque Spengler, répond : "il est impossible, avec cet oxymètre, d’afficher une saturation en oxygène de 75 % sans présenter des symptômes graves sauf si le dispositif est défectueux", et "qu’il est nécessaire de consulter un médecin lorsque qu’une saturation en oxygène est de manière durable inférieure à 95%". Nous avons contacté Philippe Murer, auteur de ce tweet, et qui nous a confirmé que sa fille "n’avait pas de symptômes particuliers", au moment du test. "75% ce n’est peut-être pas logique, je n’en sais rien je ne suis pas médecin", concède-t-il, mais insiste cependant sur le fait que le même appareil a généré des résultats "logiques". "Moi je suis à 95%, parce que je suis fumeur. Elle, quand elle enlève le masque il y a une progression. Je l'ai testée la veille à la maison, elle était à 99%". Sur Twitter, plusieurs internautes ont répondu à sa publication, arguant que la température corporelle de sa fille avait pu jouer sur sa mesure. "Moi je n’en sais rien. J’ai pris en compte les gens qui me disaient t’es idiot, elle a les doigts glacés", explique-t-il. Il a par la suite publié un nouveau duo de photos montrant cette fois une saturation à 80%. Capture d'écran Twitter, prise le 11 mars 2021"Je ne sais pas pourquoi on trouve cette mesure, je m’interroge et j’aimerais qu’on fasse des tests sur les enfants, c’est tout", conclut-il."On est pour l'arrêt du port du masque chez les 6-11 ans dès que la situation épidémiologique le permettra" - Dr. Robert Cohen, vice-président de la société française de pédiatrieLa question de l'enseignement Le port du masque à l'école pour les enfants apporte son lot de difficultés pour les enseignements. Plusieurs professeurs de langue et de musique ont témoigné auprès de l'AFP de problèmes rencontrés en cours. "Il est extrêmement compliqué de travailler avec un masque", rapporte Jean-Luc Breton, secrétaire général de l'association des professeurs de langues vivantes. "Pour pouvoir apprendre une langue, il faut qu'on voit la bouche de celui qui l'enseigne". Un constat partagé par Robert Cohen, vice-président de la société française de pédiatrie. S'il se dit "vraiment pas inquiet" sur le lien "entre hypoxémie et masque"; il estime que "c'est un vrai souci, quand vous avez un trouble de l'audition, parce que vous avez une otite par exemple, ce qui est très banal, ou quand vous avez des difficultés de compréhension, de ne pas voir les gens parler sans masque, c'est sûr que ça n'aide pas du tout à la compréhension". "Si on se pouvait se passer du masque (pour les enfants) dès que l'épidémie baissera un peu, nous on y est très, très favorables. On est pour l'arrêt du port du masque chez les 6-11 ans dès que la situation épidémiologique le permettra", insiste-t-il.
(fr)
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