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Une vidéo partagée plus de 8.000 fois depuis le 23 février prétend montrer un hippopotame filmé quelques jours plus tôt, et en plein jour, dans les rues de Kayes, au Mali. C’est faux : la scène remonte au 31 mars 2019 et a été filmée à Kédougou, au Sénégal. L’orpaillage, qui dégrade l’environnement dans lequel évoluent ces pachydermes, est pointé du doigt.Un hippopotame se baladant en plein jour dans les rues d’une ville, tout près d’une moto puis d’une automobile: la scène, filmée par un habitant depuis son smartphone, est devenue virale sur internet. Pendant une minute et neuf secondes, on y voit le mammifère avancer paisiblement sous le regard médusé des habitants, tenus à distance par la police.Publiées par la page Facebook “La bamakoise TV”, du nom donné aux habitantes de la capitale malienne, ces images n’ont pourtant pas été tournées à Bamako mais à “Kayes”, ville de l’ouest du Mali, précise l’auteur de la publication. Ce dernier indique avoir trouvé cette vidéo sur une autre page Facebook, baptisée “J’aime mon pays le Mali”. Capture d'écran Facebook, réalisée le 02 mars 2021D’autres internautes ont relayé cette vidéo, partagée près de 8.000 fois depuis le 23 février. Certains assurent que la scène s’est déroulée non pas à Kayes même, mais “dans un village” situé à proximité (1, 2). D’autres mettent en cause la dégradation de l’environnement dans lequel évoluent les hippopotames (3). En se rendant sur le lien de la page facebook “J’aime mon pays le Mali”, on retrouve les mêmes images accompagnées d’un mea-culpa en guise de légende. “Nous présentons toutes nos excuses, la vidéo de l'hippopotame est très ancienne”, assure le responsable de la page, sans plus de précisions sur le lieu et sur la date.Où a été filmée la vidéo exactement? Dans les commentaires, plusieurs internautes mettent en doute le fait que cette scène se soit déroulée à Kayes. “Ce n’est pas le Mali”, “vu l’uniforme de la police et la langue parlée”, souligne l’un d’eux. Selon lui, il s’agit du wolof, langue parlée au Sénégal et en Mauritanie. Vidéo tournée à Kédougou au Sénégal Une recherche avec les mots-clés “hippopotame” et “Sénégal” permet de retrouver la même vidéo sur youtube, qui situe la scène à Kédougou, dans le sud-est du Sénégal. En affinant la recherche avec ”Kedougou”, des vidéos similaires apparaissent, filmées sous des angles différents (1, 2, 3). Toutes ont été publiées entre le 31 mars 2019 et le 2 avril 2019.Sur certaines, on reconnaît le muret en brique visible sur la vidéo de la “Bamakoise TV”. Capture d'écran Facebook, réalisée le 02 mars 2021 Capture d'écran Youtube, réalisée le 02 mars 2021Sur une autre, on voit une foule regarder la scène depuis l’emplacement où a été tournée la vidéo que nous vérifions. Trois motos identiques à celles que l’on peut voir sur les images diffusées par La Bamakoise TV sont visibles dans le fond, près de la foule. Capture d'écran Facebook du champ et contre-champ, réalisée le 03 mars 2021 Capture d'écran Youtube, réalisée le 02 mars 2021 Selon une dépêche de l’Agence de Presse Africaine (APA) datant du 01 avril 2019, la scène se serait bien déroulée le 31 mars à Kédougou, ville située non loin de la frontière avec le Mali. L’animal “a quitté le fleuve Gambie, son habitat naturel”, pour “errer dans les rues de la ville”, rapporte l’APA. Selon l’agence, le pachyderme a finalement été tué par un chasseur, “sur ordre du gouverneur de la région”. Sa mort a suscité l’indignation parmi la population ainsi que sur les réseaux sociaux, comme l’ont raconté Les observateurs de France 24 sur leur site au moment de l'événement. L’orpaillage pollue et fait disparaître la fauneAvec une population de 130.000 individus dans le monde, un chiffre en baisse sensible par rapport à la fin des années 1990, l’hippopotame est considéré comme une espèce vulnérable par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’une des principales ONG dédiées à la conservation de la nature.Au Mali, où l’hippopotame fait figure d’animal emblématique, une centaine d’individus sont recensés, tous dans le parc national de la Boucle du Baoulé, situé près de Kayes. Au Sénégal, la population est estimée à 500 individus, principalement dans le parc national du Niokolo-Koba, selon l’UICN.D’après cette ONG, les principales menaces qui pèsent sur les hippopotames sont le braconnage et la dégradation de leur environnement, liée notamment à l’orpaillage, c’est-à-dire la recherche et l’exploitation artisanale d’or dans les rivières.Sur Facebook, cet aspect est d’ailleurs évoqué par plusieurs internautes, qui expliquent ainsi le fait qu’un hippopotame ait pu quitter son milieu naturel pour venir se retrouver dans les rues d’une ville en plein jour.Bien que la vidéo n’ait pas été tournée à Kayes, la ville est la première région productrice d’or au Mali. Selon l’ONG International Crisis group, la production artisanale d'or oscillerait entre 20 et 50 tonnes par an dans le pays, et impliquerait directement quelque 700.000 acteurs.Or cette activité n’est pas sans conséquences sur l’environnement: des articles de presse et des rapports d’ONG (1, 2, 3, 4,) alertent ainsi depuis au moins cinq ans sur la pollution de la rivière Falémé, un affluent du fleuve Sénégal qui sert de frontière naturelle entre le Sénégal et le Mali.Dans cette région, les habitants ne peuvent plus utiliser l’eau, les poissons meurent et les hippopotames disparaissent. Des prélèvement réalisés en 2018 ont ainsi montré “que les taux de pollution étaient 3 000 fois supérieurs à la norme malienne”, selon une étude commandée par 21 communes de la région de Kayes.
(fr)
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