PropertyValue
?:author
?:datePublished
  • 2023-01-26 (xsd:date)
?:headline
  • Va-t-on "manger des insectes sans le savoir" ? Attention à ces affirmations trompeuses (fr)
?:inLanguage
?:itemReviewed
?:reviewBody
  • Les consommateurs ne vont pas "manger des insectes sans le savoir". De nombreuses publications sur les réseaux sociaux affirment pourtant qu'aucun étiquetage particulier n'accompagnera les nouveaux produits à base de grillons et de larves de ténébrion récemment autorisés par l'Union européenne. C'est inexact : la Commission européenne oblige bien les producteurs à mentionner la présence d'insectes dans les aliments et leur caractère potentiellement allergène, comme l'indiquent les documents d'autorisation, la Commission européenne et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). En outre, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) écarte tout danger pour la santé humaine.Alors que la Commission européenne a autorisé en janvier la mise sur le marché européen de deux nouveaux types d'aliments issus d'insectes (ténébrion mat et grillon), de nombreux internautes et plusieurs personnalités politiques d'extrême-droite et eurosceptiques se sont insurgés face à cette décision sur Twitter, Facebook ou encore Telegram. "Ils n'ont pas de pain ? Qu'ils mangent des insectes", a par exemple ironisé sur Twitter le président de l'Union populaire républicaine et défenseur du Frexit François Asselineau le 22 janvier. Pain, barres de céréales, pizzas, bière, etc. : depuis janvier, tous ces aliments pourront en effet désormais contenir des produits faits à partir de ces insectes. "Comment en sommes-nous arrivés là, à devoir consommer des grillons (...) alors que la France est le pays de la gastronomie et des terroirs", a ainsi dénoncé le 25 janvier le sénateur Les Républicains (LR) Laurent Duplomb au Sénat face au ministre de l'agriculture Marc Fesneau, tandis que l'eurodéputée du Rassemblement national (RN) Aurélia Beigneux a critiqué une "volonté de transformer nos modes de consommation".Mais de nombreux internautes accusent surtout la Commission européenne et sa présidente Ursula Von der Leyen d'avoir autorisé ces produits sans qu'il soit prévu d'informer les consommateurs."Les gens vont désormais manger des insectes sans le savoir", affirment de nombreuses publications sur Twitter et Facebook. "Le fabricant n'a pas à le spécifier sur l'emballage car c'est considéré comme utilisable en alimentation 'bio'", déclare un autre tweet partagé plus de mille fois. en quelques jours."Comment va t-on faire pour échapper aux farines d'insectes sachant que leur mention sur les emballages n'est pas obligatoire ?", se demande un autre post sur Twitter, partagé plus de 600 fois. Les inquiétudes d'étiquetage portent notamment sur les risques allergènes de ces nouveaux aliments. "Il est fort probable que les personnes allergiques aux crustacés, aux mollusques et aux acariens le soient aussi aux insectes. Mais l'UE s'en fiche", a dénoncé sur Twitter Silvano Trotta, l'une des figures de la sphère complotiste française."La Commission ne préconise aucune exigence d'étiquetage concernant les allergies possibles", déclare un autre tweet partagé plus de 400 fois depuis le 24 janvier. "Les députés français attendent des morts pour réagir !" Capture d'écran du 25 janvier 2023La présence d'insectes obligatoirement mentionnée sur les étiquettesPourtant, des directives claires sur l'étiquetage sont bien prévues par les deux nouvelles autorisations de mise sur le marché, comme l'ont bien rappelé la Commission européenne et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), en charge de l'étiquetage en France, à l'AFP. Ces deux nouveaux règlements publiés début janvier viennent en effet encadrer à la fois la production et la mise en vente de deux nouveaux types de produits.Le premier concerne la poudre de grillons domestiques (Acheta domesticus) partiellement dégraissée et le second les formes congelées, en pâte en encore en poudre de larves de ténébrion mat (Alphitobius diaperinus). Si la mise sur le marché d'aliments à base de grillons était déjà autorisée sous une autre forme depuis février 2022, le ténébrion mat devient le quatrième insecte à être ouvert à la consommation par l'Union européenne. Comme le veut le règlement européen sur les nouveaux aliments ("Novel food" en anglais), les producteurs d'ingrédients à base d'insectes doivent répondre à plusieurs conditions, tant sanitaires que réglementaires, pour obtenir une autorisation de mise sur le marché.En plus d'être validée à la majorité qualifiée par les Etats membres - et non par la seule Commission Européenne comme le prétendent certaines publications - chacune de ces autorisations doit être approuvée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui est responsable de l'évaluation de la sécurité de chaque produit avant sa mise sur le marché.Ces autorisations, limitées à une durée de cinq ans, sont aussi très ciblées. Pour chaque produit, une seule entreprise a ainsi été autorisée à la commercialisation : Ynsect pour le ténébrion mat et Cricket One pour les grillons. Ces deux règlements donnent par ailleurs des règles claires sur l'étiquetage des produits, obligeant les producteurs à mentionner le nom de ces aliments, en latin et en français, comme le montrent les documents ci-dessous. "Il doit être clairement indiqué dans la liste des ingrédients que cet ingrédient se trouve dans le produit", a confirmé la Commission européenne à l'AFP le 24 janvier.Un point aussi confirmé par la DGCCRF, qui explique que ce type de réglementation concernant la "novel food" possède un encadrement précis : "Lorsque une autorisation est accordée au titre de la règlementation 'novel food', elle précise notamment la façon dont il doit être désigné, avec, dans le cas d’espèce, identification de l’insecte autorisé (le nom de l’insecte et son espèce apparaissent en clair dans la liste des ingrédients)", souligne-t-elle à l'AFP le 26 janvier.Concrètement, les consommateurs seront donc avertis de leur composition en lisant la liste des ingrédients, comme pour les autres aliments. Document d'autorisation pour la mise en vente de produits à base de poudre de grillons domestiques, qui encadre l'étiquetage de ces produits (capture d'écran du 25/01/2023) ( Nathan GALLO) Document d'autorisation pour la mise en vente de produits à base de petit ténébrion mat, qui encadre l'étiquetage de ces produits (capture d'écran du 25/01/2023) ( Nathan GALLO)  Le caractère allergène des produits également indiquéPar ailleurs, la DGCCRF a aussi rappelé que seront indiquées pour les produits issus d'insectes "une mise en garde à l’attention des consommateurs allergiques aux crustacés notamment". Toutes les agences sanitaires qui ont travaillé sur le sujet soulignent en effet le caractère potentiellement allergène de ces produits.L'EFSA a par exemple estimé dans ses avis présentés dans les autorisations que la consommation de ces larves et grillons pouvait provoquer des "réactions allergiques" chez certaines personnes déjà allergiques. Malgré une littérature scientifique encore limitée sur le sujet, "l'EFSA a conclu dans chacun de ses avis sur les applications alimentaires des insectes jusqu'à présent que leur consommation peut provoquer des réactions allergiques chez les sujets allergiques aux crustacés, aux acariens et aux mollusques", a-t-elle confirmé à l'AFP le 25 janvier. Dès 2015, en France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avait aussi recommandé "la prudence aux consommateurs présentant des prédispositions aux allergies", indiquant que "les insectes et de nombreux arthropodes (acariens, crustacés, mollusques, etc.) possèd[e]nt des allergènes communs". D'où l'obligation pour les producteurs de mettre en avant un étiquetage "approprié", comme le disposent ces deux nouvelles autorisations. "Les législateurs doivent en tenir compte lorsqu'ils décident de l'étiquetage, de la même manière qu'ils le font pour d'autres allergènes ou aliments susceptibles de provoquer des réactions allergiques", rappelle l'EFSA.L'étiquetage des denrées alimentaires doit ainsi porter une "mention indiquant que cet ingrédient peut provoquer des réactions allergiques chez les consommateurs souffrant d'allergies connues aux crustacés, aux mollusques et aux produits qui en sont issus, ainsi qu'aux acariens". Le ministre de l'agriculture Marc Fesneau l'a aussi rappelé au Sénat le 25 janvier : "la réglementation européenne exige qu'on mentionne la nature du produit. En l'occurrence pour cet insecte [le grillon], la question de l'allergénéité des uns et des autres.""Il faut donc que l'on soit vigilants sur la mention dans les produits qui seront dedans en disant qu'il y a un produit qui peut être allergène", a-t-il expliqué.C'est notamment déjà le cas sur des produits de certaines marques de barres protéinées à base d'insectes à la vente en Europe, sur laquelle est indiquée que "les insectes contiennent des allergènes de type crustacés, mollusques et acariens".Le caractère allergène est aussi connu des associations de consommateurs : l'association UFC-Que Choisir avait par exemple rappelé le caractère allergène dans un article en mai 2021. Des aliments qui ne présentent "pas de danger"Hors risque allergène, l'EFSA a par ailleurs indiqué dans ses avis scientifiques que ces deux produits ne "présentaient pas de danger", dans les conditions d'utilisation et les doses proposées par l'autorisation.Pourtant, de nombreuses allégations dénonçant les dangers de la consommation d'insectes pour l'être humain ont ressurgi ces dernières semaines à la suite de ces autorisations.Plusieurs publications en ligne ont notamment pointé du doigt certains composés présents chez les insectes, comme la chitine, polysaccharide "toxique" qui ne pourrait pas être digéré par l'humain et provoquerait des cancers.Des allégations vérifiées par l'AFP Factuel en août 2022 : si cette substance, qui se trouve dans les carapaces des insectes, mais aussi dans les crustacés, les champignons, les bactéries, les levures et les algues, n'est potentiellement pas intégralement digestible, cela ne la rend pas pour autant dangereuse pour la santé, avait notamment expliqué la biologiste Mareike Janiak à l'AFP.Affirmer que les insectes ne sont "pas un aliment pour les mammifères" est "catégoriquement faux", avait expliqué la chercheuse. "Les humains possèdent un gène fonctionnel pour cette enzyme, il est donc possible que nous puissions réellement traiter la chitine dans nos intestins. Ceci dit, même si nous ne le pouvions pas, la chitine passerait simplement à travers notre organisme, tout comme la cellulose du céleri et d'autres légumes", avait-t-elle assuré."Nous avons examiné les études sur la chitine et constaté que la consommation de chaque insecte évaluée jusqu'à présent ne soulevait pas de problème de sécurité", a déclaré de son côté l'EFSA à l'AFP.En 2015, l'ANSES avait fait un inventaire des dangers potentiels liés à la consommation d'insectes, mettant par exemple en garde face aux substances chimiques des insectes comme le venin ou face à l'ingestion potentielle des dards ou rostres des insectes. Des avertissements ressortis ces derniers jours en ligne : "Manger des insectes : attention danger a prévenu l’ANSES le 9 avril 2015 !", déclare notamment un tweet partagé plus de 400 fois. "On confond souvent risques et dangers", nuance Eric Vial, directeur de l'évaluation des risques de l'Anses, à l'AFP le 25 janvier. "Il y a d'abord les dangers, qui sont intrinsèques aux insectes ou au processus de production. Puis on évalue ensuite les risques en fonction des dispositions qui sont prises par rapport aux dangers". Or, comme rappelé dans ce document sur le "vocabulaire de base de la prévention" établi par le portail officiel française de la Santé et la Sécurité au travail (ESST), : "le danger est la propriété intrinsèque d’un produit, d’un équipement, d’une situation susceptible de causer un dommage" tandis que "le risque est 'une notion abstraite, inobservable directement, une catégorie de statut intermédiaire entre celle des dangers et celle des dommages'. C’est un évènement à venir, donc incertain. Cette incertitude est fondamentalement irréductible mais elle est plus ou moins grande selon la qualité des informations disponibles". En résumé, "lerisque est l’éventualité d’une rencontre entre l’homme et un danger auquel il est exposé".D'où des dispositions précises concernant les conditions d'utilisation et de fabrication de ses produits précisées par l'EFSA et la Commission européenne dans les documents d'autorisation. Les insectes dans le régime alimentaire de deux milliards de personnes Si l'entomophagie, à savoir la consommation d'insectes, en Europe est encore très limitée, environ deux milliards de personnes dans le monde mangent des insectes dans leur régime alimentaire, rappelle l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ces fausses affirmations sur l'étiquetage en Europe circulent dans le sillage de théories suggérant que des "élites mondiales", d'Ursula Von der Leyen à Bill Gates, voudraient forcer la population à manger des insectes. Le Forum économique mondial, aussi souvent ciblé par ce type d'accusations, a de son côté fait la promotion des insectes comestibles comme manière de réduire la consommation de ressources du secteur agricole.Pourquoi une telle inquiétude ? Giovanni Sogari, chercheur en sciences sociales et de la consommation à l’université de Parme, avait déclaré auprès de l'EFSA : "Il existe des raisons cognitives découlant de nos expériences sociales et culturelles, un facteur de répulsion, qui fait que l’idée de manger des insectes répugne à de nombreux Européens. Avec le temps et l’exposition, ces attitudes peuvent changer." Un vendeur de grillons cuits à Phnom Penh, en juin 2022 ( AFP / TANG CHHIN Sothy)30 janvier 2023 Correction concernant la définition de la chitine, qui est un polysaccharide et non une protéine (fr)
?:reviewRating
rdf:type
?:url