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Une photo partagée plus de 1.500 fois depuis septembre 2020 sur Facebook et partagée de nouveau récemment prétend montrer des dizaines de cadavres entassés "devant la résidence du président Laurent Gbagbo" en avril 2011 lors de la crise politique qui secouait alors la Côte d'Ivoire. Attention: cette image a en réalité prise en Haïti en 2010, après un séisme qui a causé la mort de 200.000 personnes.Des dizaines et des dizaines de cadavres sont alignés sur les pavés. Entre eux, de rares survivants semblent s'affairer. Selon l'internaute qui la publie, cette image capture les conséquences des bombardements orchestrés par "Sarkozy et Dramane [Alassane Ouattara, ndlr]" en avril 2011 visant la "résidence du président Laurent Gbagbo", qui refusait à l'époque de quitter le pouvoir ivoirien malgré sa défaite aux élections. Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 15 novembre 2021Cette publication a été partagée plus de 1.500 fois depuis septembre 2020 sur Facebook en Côte d'Ivoire. Elle avait massivement circulé dès cette date dans des groupes pro-Gbgagbo, comme le montre l'outil d'analyse des réseaux sociaux Crowdtangle: Capture d'écran de CrowdTangle, réalisée le 15 novembre 2021Cette image, qui a recommencé à circuler récemment, fait référence à la crise politique ivoirienne de 2011: à l'époque, Laurent Gbagbo refuse de quitter le pouvoir malgré sa défaite aux élections présidentielles face à l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara dont la victoire a été reconnue par la communauté internationale.Le 28 mars 2011, après quatre mois de tensions, violences et médiations infructueuses, les Forces républicaines pro-Ouattara (FRCI, anciens rebelles qui contrôlaient le nord du pays) lancent une offensive, prenant en quatre jours le contrôle de quasiment tout le pays.Citant son intention"d'empêcher l'utilisation d'armes lourdes menaçant la sécurité des populations civiles d''Abidjan et [des] casques bleus", le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon lance le 10 avril une mission militaire dans le pays (Onuci) et demande l'appui des forces françaises déjà présentes sur le sol ivoirien. Nicolas Sarkozy est à cette époque le président français.Le lendemain, Laurent Gbagbo est arrêté par les FRCI, après une bataille de dix jours dans la capitale et plusieurs jours de bombardements par la force française Licorne et l'ONU, mentionnés par l'internaute qui publie la photo que nous vérifions. Plus de 3.000 personnes perdent la vie lors de cette crise. Le 21 mai, Alassane Ouattara est investi. Il sera réélu en 2015.Victimes du séisme du 12 janvier 2010 en HaïtiAttention cependant: la photo virale ne montre pas les abords de la résidence de Laurent Gbagbo après les bombardements d'avril 2011. Une recherche d'images inversées sur le moteur de recherches Google permet de la retrouver en illustration d'un article du quotidien gratuit 20Minutes du 16 janvier 2010 intitulé "Haïti, une île qui ne sait plus quoi faire de ses cadavres". Il raconte le désarroi des Haïtiens submergés par le nombre de cadavres des victimes du séisme du 12 janvier 2010. Elle a été prise par l'agence de presse Reuters, comme en témoigne la légende sur le site de 20Minutes. Capture d'écran du site de 20Minutes, réalisée le 15 novembre 2021A l'époque, les trente-cinq secondes qu'a duré ce séisme de magnitude 7 avaient transformé Port-au-Prince et les villes de Gressier, Léogane et Jacmel en champs de ruines, entraînant la mort de plus de 200.000 personnes, en blessant 300.000 autres. Plus d'un million et demi d'Haïtiens s'étaient retrouvés sans logis, plaçant les autorités et la communauté humanitaire internationale devant le colossal défi d'une reconstruction dans un pays sans cadastre ni règles de bâti. Des riverains errent au milieu des ruines de leur mairie, quelques heures après le séisme qui a touché Port-au-Prince, le 13 janvier 2010. ( AFP / JUAN BARRETO)Sans parvenir à relever le défi de sa reconstruction après le séisme, Haïti a, en dix ans, plongé dans une crise socio-politique aiguë.Le 14 août 2021, un séisme de magnitude 7,2 a fait plus de 2.200 morts et de 12.000 blessés dans le sud-ouest de l'île, détruit des dizaines de milliers de bâtiments et ravivé les terribles souvenirs de la catastrophe de janvier 2010. L'hôtel Petit Pas endommagé par le séisme du 14 août 2021, aux Cayes, dans le sud-ouest d'Haïti, le jour de la catastrophe. ( AFP / Stanley LOUIS)Le retour de GbagboAprès son arrestation en avril 2011, dans la foulée des bombardements mentionnés par la publication virale que nous vérifions, Laurent Gbagbo a été arrêté et poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité. Mais, définitivement acquitté en mars par la justice internationale, il a pu faire son retour en Côte d'Ivoire le 17 juin dernier, grâce au feu vert du président Ouattara. Les deux rivaux se sont revus en juillet pour la première fois depuis la crise de 2010-2011.Alassane Ouattara a par la suite annoncé la remise en liberté de 78 personnes détenues depuis 2020 pour leur opposition à son troisième mandat, nouveau signe de l'apaisement politique perceptible les mois précédents dans le pays.Mi-octobre, l'ex-président de la République a endossé les habits d'un leader panafricaniste en lançant un nouveau mouvement, le Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI), qui concrétise son retour au premier plan sur la scène politique, après dix ans d'absence. L'ex-président Laurent Gbagbo lors de son discours clôturant le congrès constituant de son nouveau parti, le Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI) à l'Hôtel Ivoire à Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 17 octobre 2021. ( AFP / Sia KAMBOU)Concernant la prochaine présidentielle de 2025 qui anime déjà les débats en Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo a laissé planer le suspense sur ses intentions.."A cet âge-là, après ce parcours-là, la sagesse c'est de se décider à partir. Mais j'ai décidé que je ne partirai pas brusquement...", a t-il déclaré lors du lancement du PPA-CI, à la tête duquel il a sans surprise été élu. L'exécutif envisage d'introduire une limite d'âge à 75 ans pour se présenter. L'actuel chef de l'Etat Alassane Ouattara et ses prédécesseurs Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié seraient alors empêchés de concourir.
(fr)
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