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A peine constitué, le gouvernement d'Elisabeth Borne est accusé de vouloir supprimer les panneaux annonçant la présence de radars sur les routes. Des internautes s'insurgent contre cette mesure jugée hostile aux automobilistes à l'approche des élections législatives. Ils s'appuient, en guise de preuve, sur la capture d'écran d'un article partagée des centaines de fois depuis le 23 mai 2022. Mais c'est faux : ce texte fait référence à une décision prise en 2011 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui avait brièvement été mise en place avant d'être abandonnée. Le cabinet d'Elisabeth Borne indique à l'AFP qu'il "n’a jamais été question de retirer les panneaux annonçant un radar", et la Délégation à la sécurité routière (DSR) confirme qu'il n'est aujourd'hui "nullement question de retirer les panneaux annonçant un radar". Tout juste formé, le gouvernement de la Première ministre Elisabeth Borne entend-il mettre fin à la signalisation routière indiquant la présence de radars sur les routes ? A l'approche des élections législatives des 12 et 19 juin 2022, c'est ce qu'affirment des utilisateurs de Facebook (1, 2, 3) et de Twitter (4) dénonçant ce prétendu changement hostile aux automobilistes, auquel Elisabeth Borne serait "favorable". Tous s'appuient sur une capture d'écran relayée des centaines de fois sur Facebook depuis le 23 mai, montrant les premières lignes d'un article intitulé "Les radars ne seront plus annoncés par des panneaux". Capture d'écran réalisée sur Facebook le 30 mai 2022. Capture d'écran réalisée sur Facebook le 24 mai 2022. "La nouvelle a fait beaucoup de bruit, et ce n'est qu'une mesure parmi les nombreuses mesures annoncées par le gouvernement. Les radars automatiques, jusque-là précédés d'un gros panneau avertissant de leur présence dans les prochaines centaines de mètres, ne seront bientôt plus annoncés du tout", poursuit le texte visible sur cette image. Mais contrairement à ce que laisse penser cette alerte, les panneaux annonçant la présence d'un radar ne vont pas disparaître, ainsi que le confirme à l'AFP le cabinet de la Première ministre : "Contrairement à ce que peuvent affirmer certaines publications sur les réseaux sociaux, il n’a jamais été question de retirer les panneaux annonçant un radar."La délégation à la sécurité routière (DSR) le confirme en outre à l'AFP : "Il n'est nullement question de retirer les panneaux annonçant un radar. Tous les radars fixes sont signalés par un panneau d'annonce" afin que "les usagers" sachent "qu’ils entrent dans une zone accidentogène où ils doivent prêter attention à leur vitesse."Une décision datant de mai 2011 La capture d'écran partagée sur Facebook et sur Twitter est tirée du blog "Contrôle Radar" : si cet article ne comporte pas de date de publication, il était en ligne dès 2011, comme on peut le constater grâce aux archives de la plateforme Wayback Machine. Dès ses premières lignes, celui-ci cite comme source une "annonce" faite le 11 mai par le "Comité interministériel de la sécurité routière" (CISR), une instance réunissant les acteurs de la sécurité routière" afin de "conseiller le gouvernement", grâce à des "avis et des recommandations", ainsi qu'elle l'indique sur son site.Dans son compte-rendu de cette réunion du 11 mai 2011, le CISR indiquait notamment avoir décidé "de supprimer les panneaux existants informant de la présence de radars fixes et ne plus poser de panneaux pour les nouvelles implantations", estimant que "les panneaux annonçant les radars fixes peuvent inciter certains conducteurs à ne respecter la réglementation des vitesses qu’à leur proximité". Un arrêté du ministère de l'Ecologie et des Transport actant cette suppression avait ensuite été publié le 19 mai au Journal officiel. Mais cette décision du gouvernement de François Fillon, ainsi que celle de supprimer les avertisseurs de radars, avait tourné au bras de fer avec les députés UMP, qui redoutaient alors les conséquences de ces mesures très impopulaires, à un an de l'élection présidentielle de 2012. Un radar sur une route près de Lens (Hauts-de-France), le 27 juin 2020 (archive). ( AFP / DENIS CHARLET)Des panneaux brièvement démontés avant d'être réinstaurésQuelques jours plus tard, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Claude Guéant, indiquait que 36 panneaux avaient "déjà été démontés" à travers la France, mais que ce processus ne se poursuivrait pas "avant concertation locale". Le gouvernement s'était alors engagé à remplacer les panneaux de signalisation par des radars pédagogiques, non pénalisants, indiquant la vitesse des automobilistes sur un panneau lumineux. En février 2013, près d'un an après l'élection de François Hollande, le nouveau ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, avait toutefois indiqué qu'il suivrait la dernière recommandation du CISR sur le retour des panneaux indiquant la présence de radars automatiques, et que cette mesure serait mise en oeuvre "progressivement sur deux ou trois ans". Ainsi, comme l'indique la Délégation à la sécurité routière sur sa page consacrée aux radars fixes, "suite à la décision du ministre de l’Intérieur, le 15 février 2013, de revenir à une cohérence dans la signalisation des radars, tous les radars vitesse fixes sont maintenant signalés par des panneaux d’annonce radars", les "radars pédagogiques précédemment installés en amont des radars fixes" ayant "été redéployés vers des zones de danger non équipées de radars automatiques." Une circulaire de 2004 à l'origine de la signalisation des radarsSi, au 1er mai 2022, on dénombrait 4.400 radars en France, selon les chiffres du CISR, la présence ou non d'un panneau annonçant leur proximité n'a rien de juridiquement contraignant, comme l'explique à l'AFP, Sébastien Dufour, avocat spécialisé en droit routier : "Rien dans le code de procédure pénale ne permet de conditionner la régularité d'un PV de radar à la présence ou non d'un panneau signalant un radar.""Sur le plan de la procédure judiciaire, la présence d'un panneau de signalisation de radar n'a aucun impact", poursuit l'avocat, tout en rappelant que "c'est la circulaire interministérielle du 3 février 2004 qui prévoit la signalisation des radars par des panneaux sur la route". Dans ce courrier, les ministres de l'Intérieur et de l'Equipement de l'époque, Nicolas Sarkozy et Gilles de Robien, enjoignaient les préfets de département à se montrer "particulièrement vigilants à la pertinence et à la cohérence de la signalisation de prescription, en particulier en ce qui concerne les vitesses, sur les sites envisagés."Une philosophie aujourd'hui partagée par le gouvernement d'Elisabeth Borne, comme l'indique son cabinet à l'AFP : "L'annonce d’un radar par la présence d'un panneau permet de faire ralentir un conducteur et donc de sécuriser davantage les parcours identifiés comme particulièrement accidentogènes. Ce qui est d'autant plus important que la vitesse excessive reste la première cause de mortalité sur nos routes." Capture d'écran de la carte des radars de la sécurité routière, réalisée le 30 mai 2022.Une nouvelle signalétique déployée progressivement depuis 2017Si les panneaux annonçant la présence d'un radar - dont la localisation est en outre consultable en ligne sur le site de la Sécurité routière - ne doivent pas disparaître, leur remplacement progressif par une nouvelle signalétique a débuté le 1er mars 2017.Comme le relatait le ministère de l'Intérieur sur son site, un nouveau panneau, comportement simplement un pictogramme du contrôle radar, est depuis cette date déployé en France, dans l'idée que cette "simplification" permette à "l’usager de porter toute son attention sur la vitesse limite autorisée intégrée pour la première fois dans la tôle en aluminium (...), placée de façon très visible en haut du panneau." La signalétique de signalisation de radar mise en place progressivement depuis le 1er mars 2017. La signalétique d'annonce des radars en cours de remplacement depuis le 1er mars 2017. La DSR confirme à l'AFP que "le déploiement de nouveaux panneaux se poursuit actuellement", et que ces derniers sont posés "avant un radar fixe dans le cadre du renouvellement du parc existant". "A terme, cette signalétique va précéder tous les radars fixes du parc existant hors agglomération", ajoute la DSR. Le 13 mai 2022, dans un communiqué intitulé "la Sécurité Routière va-t-elle parvenir à faire supprimer la signalisation des radars ?", l'association 40 Millions d'automobilistes dénonçait pour sa part l'accélération d'une "campagne de suppression des panneaux implantés aux abords des radars fixes", déplorant que ces derniers soient remplacés "par de nouveaux panneaux, indiquant non plus qu'un appareil de contrôle-sanction automatique de la vitesse est situé quelques centaines de mètres plus loin, mais qu'il existe une probabilité de croiser un tel dispositif (...) sur une distance de plusieurs (dizaines de) kilomètres".Comme l'indiquait le ministère de l'Intérieur en 2017, des "itinéraires de contrôle par panneaux leurres" ont commencé à être déployés en 2016, avec un objectif - et une signalétique - spécifique : "déplacer un radar autonome de façon aléatoire sur un parcours précis, de façon à stimuler en permanence la vigilance des usagers pour respecter les vitesses autorisées (...) sur des routes sans séparateur médian où sont constatés de nombreux accidents en raison d'une vitesse excessive". Un panneau annonçant les "itinéraires de contrôle par panneaux leurres", déployé sur certaines routes depuis 2016.Vers la fin du retrait de points en cas de petit excès de vitesse ? Alors qu'un total de 2.947 personnes sont mortes sur les routes de France métropolitaine en 2021, un bilan en baisse de 9% par rapport à 2019, année de référence pré-pandémie, selon la Sécurité routière, le ministère de l'Intérieur indiquait fin mai 2022 à l'AFP réfléchir à ne plus retirer de points sur le permis de conduire des automobilistes coupables de "petits excès de vitesse"."L'idée, c'est que vous ne perdiez plus un point si vous êtes à 5 km/h au-dessus" de la vitesse autorisée, expliquait le ministère, précisant que les amendes sanctionnant ces infractions seraient en revanche conservées.Une piste jugée électoraliste par le Rassemblement national (RN) comme par Les Républicains (LR) à l'approche des législatives. Marine Le Pen (RN) a rappelé devant la presse qu'elle avait porté cette mesure dans le cadre de la présidentielle. Il faudrait selon elle ne plus retirer de points pour les excès de moins de 20 km/h, mais surtout faire "attention aux promesses qui sont faites dans les 15 jours qui précèdent l'élection parce qu'en règle générale, elles ne sont pas tenues".Pour le président de LR Christian Jacob, interrogé sur RTL, "supprimer les petits retraits de points, c’est plutôt une bonne chose qui va dans le bon sens", même s'il estime qu'"il faut maintenir l’amende absolument, sinon il n’y a plus de limite" et fait part de ses doutes sur le timing de cette éventuelle mesure : "Comme on est en période électorale, on peut avoir un doute sur les annonces". La porte-parole de LREM, Maud Bregeon, a elle tempéré sur RMC les déclarations du ministère de l'Intérieur, indiquant que "rien n'est acté à l'heure où l'on parle" et que "cela s'inscrit dans une réflexion globale"."La sécurité routière est un enjeu de société majeur qui concerne tous les Français et qui fera bien sûr partie de la réflexion du gouvernement", indique pour sa part le cabinet d'Elisabeth Borne à l'AFP.
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