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Cette publication partagée plusieurs milliers de fois depuis mi-juillet cite des propos d'un microbiologiste canadien et PDG d’une entreprise de vaccins vétérinaires, qui a déclaré mi-juillet dans un journal canadien que les masques mis sur le marché ne protègeraient "pas les gens du virus". Ils se transformeraient "en incubateurs à bactéries" au bout de quinze à vingt minutes. Ces affirmations sont fausses ou exagérées, selon des scientifiques interrogés par l'AFP. "Les masques sur le marché ne font rien pour protéger les gens du virus". C’est ainsi que commence cette publication, qui rapporte les propos d’un microbiologiste. Capture d’écran réalisée sur Facebook le 19 août 2020 Cette publication a été partagée en France (1,2), en Belgique (1) et au Canada (1). Elle a également été partagée sur Twitter (1,2).Elle cite Antoine Khoury, un microbiologiste canadien d’origine égyptienne et PDG de l’entreprise de vaccins vétérinaires Vacci-Vet, interviewé mi-juillet par le média local Le Courrier de Saint-Hyacinthe. Contacté par l’AFP le 18 août 2020, Antoine Khoury a confirmé avoir tenu ces propos et a affirmé être "complètement contre le port du masque en général", jugeant que celui-ci empêcherait les gens de respirer normalement et serait un "vehicule à transmission des maladies infectieuses bactériennes". Sur Facebook, les publications reprennent trois des affirmations faites par Antoine Khoury dans son interview : les masques mis sur le marché ne sont pas stériles "contrairement à ceux qu’on retrouve dans des hôpitaux” ; il ne faudrait pas les porter plus de 15 à 20 minutes, au risque qu'"ils se transforment en incubateurs à bactéries" ; et les masques en tissus seraient "de véritables ramassis de bactéries car ils sont poreux."Ces affirmations sont en grande partie fausses, selon des scientifiques interrogés par l'AFP. Les masques utilisés dans les hôpitaux ne sont pas tous stérilesTous les masques utilisés dans les hôpitaux ne sont pas stériles, indique le site de l’Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé.En Belgique, les masques buccaux chirurgicaux doivent respecter le marquage CE, qui établit qu'ils respectent les normes établies par l’Union européenne. Certains de ces masques sont mis sur le marché de façon stériles, d’autres ne le sont pas mais respectent quand même le marquage CE.Au Canada, les masques N95 (équivalent des FFP2 en Europe) sont vendus en tant que produits stériles, mais pas les masques chirurgicaux. Le site du gouvernement canadien, mis à jour le 26 juin 2020, indique cependant qu"'étant donné que la COVID-19 peut être transmise par des gouttelettes de salive, l’utilisation de masques respiratoires N95 chirurgicaux dans la plupart des cas n’est pas considérée comme essentielle." Un masque ne doit pas nécessairement être stérile, a expliqué à l'AFP Nathan Clumeck, membre de l’Académie royale de médecine de Belgique et spécialiste des maladies infectieuses : "On a besoin de quelque chose de stérile lorsqu’on risque d’infecter une surface stérile. Or si vous mettez un masque sur la bouche, celui-ci n’a pas besoin d’être stérile, il a juste besoin d’être propre. Par contre, il permet d’empêcher la contamination d’un endroit qui doit rester stérile. C’est pareil quand vous buvez un verre d’eau : l’eau n’est pas stérile, mais elle n’est pas non plus porteuse d’agents extérieurs dangereux pour l’homme. C’est la même chose pour les masques.""Les masques arrivent à l’hôpital dans des boîtes, et non dans des emballages particuliers qui les protègent de tout contact extérieur", confirme Jean-Luc Gala, chef de la clinique Saint-Luc à Bruxelles et professeur à l’Université Catholique de Louvain, contacté par l'AFP le 18 août. "Mais ça ne veut pas dire qu’ils sont sales : les masques utilisés dans les hôpitaux sont propres, ils ne sont pas porteurs de bactéries dangereuses pour l'espèce humaine. Mais ils ne sont pas stériles au sens propre du terme."Dire que les masques se transforment en "incubateurs à bactéries" au bout de 20 minutes est excessif Dire que les masques se transforment en "incubateurs à bactéries au bout de 15, 20 minutes" est "excessif", selon Jean-Luc Gala : "il faut changer son masque toutes les quatre heures, mais pas toutes les vingt minutes. Les masques absorbent l’humidité de votre respiration et les bactéries que vous émettez quand vous respirez. Au bout de quatre heures, les conditions de filtration des masques ne sont plus favorables." Le Docteure Chantal Sauvageau de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), a d’ailleurs répondu à Antoine Khoury le 23 juillet dans le Courrier de Saint-Hyacinthe, en rappelant qu’aucune donnée ne permet d’affirmer qu’un masque devient un "incubateur à bactéries" au bout de 15 ou 20 minutes. Elle a rappelé cependant que le fait "de 'mal porter' le masque – ne pas s’être lavé les mains avant et après l’avoir mis, ne pas couvrir adéquatement la bouche et le nez, le toucher et le replacer fréquemment ou mal le disposer après l’avoir enlevé – aura simplement pour effet d’annuler les effets protecteurs que confère le masque." Cette affirmation rejoint d’autres théories qui affirment que les masques sont des "nids à virus". Dans le cadre d'un autre article de vérification sur le sujet, l'AFP avait interrogé Jonathan Karn, professeur en microbiologie à l'université Case Western Reserve, dans l'Etat américain de l'Ohio, qui a étudié la propagation de virus dans le système nerveux. Il avait assuré qu'il "est faux d’affirmer que le virus se retrouve piégé dans le masque" devenant ainsi une "usine à virus". "Si quelqu’un est déjà infecté, alors le virus aura probablement déjà touché les tissus exposés du nez, de la gorge et de la bouche, et se propagera par contact de cellule en cellule plutôt que par la réinspiration de gouttelettes." Les masques en tissus restent une alternative efficace aux masques médicauxLes masques en tissus ne se transforment pas en "ramassis à bactéries", à condition de bien respecter les mesures d’hygiènes recommandées, avait déjà expliqué Jean-Luc Gala dans un précédent article de l’AFP : "il faut laver les masques en tissu au moins une fois par jour à l’eau chaude et avec du savon de Marseille, par exemple. Le virus, les bactéries et la mycose n’y résistent pas".L’AFP a déjà publié plusieurs articles (ici et ici par exemple) pour expliquer que les masques en tissus, même fait maison, sont efficaces pour empêcher bloquer la projection de gouttelettes et ainsi éviter des contaminations potentielles.L'OMS comme les autorités sanitaires considèrent le port du masque comme une mesure efficace pour limiter la propagation du virus, en plus de la distance physique et du lavage de mains. Il est d'autant plus efficace qu'il est massivement porté, car les porteurs se protègent mutuellement les uns les autres.En outre, il existe plusieurs travaux scientifiques relevant l'efficacité des masques, comme expliqué par des chercheurs des universités de Pennsylvanie et de Cambridge, qui soulignent que "les preuves continuent à s'accumuler montrant que les masques, y compris ceux en tissu, préviennent la transmission de l'infection".Le docteur Chantal Sauvageau interrogée par le Courrier de Saint-Hyacinthe a également répondu à Antoine Khoury sur ce sujet en citant les recommandations de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) qui concluait dans un avis posté le 7 juillet que "les masques artisanaux en coton, en polypropylène non tissé ou en mélange de coton/polyester dotés de couches filtrantes adéquates offrent la meilleure alternative aux masques médicaux dans le contexte actuel."
(fr)
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